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reproduction

Il faut s’arrêter pour faire des enfants. Chaque enfant qui naît est une interruption. Les uns après les autres, eux et elles, ils se figent en faisant des enfants. On aurait pu croire qu’ils étaient partis pour une longue course effrénée, et les voilà qui se transforment en statues de sel. Quelques-uns courent encore, s’arrêtent aussi. Et il ne restera plus, autour de moi, que ce Musée Grévin des Familles où seuls bougent encore quelques visiteurs, quelques transposeurs – quelques artistes. 

Ainsi s’accomplit la vraie sélection naturelle. 

Auteur: Muray Philippe

Info: Ultima Necat, tome 1, Les Belles Lettres, 2015, 14 septembre 1980

[ enfantement ] [ fixité ] [ pause ] [ immobilisme ] [ progrès interrompu ] [ critique ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

écrivain-sur-écrivain

J’ai commencé par être agacé par les "champs semés de boutons d’or" (II, p. 154) ou "l’écume blanchissante d’une fleur ensoleillée et mousseuse" (p. 155), exemples qui abondent chez Proust d’une joie pagano-chromo, naturiste-impressionniste. Maintenant, ces notations me paraissent émouvantes, traces déchirantes de ce qui va disparaître, du regard qui va cesser de s’y poser. Un païen qui meurt peut être bouleversant, de ce qu’il quitte, de cette terre qui se dérobe sous sa vie. C’est même le seul instant où il peut être bouleversant, par le monde auquel il a cru et qui va s’évanouir. Comme si la matière, la mère, le trahissaient. Comme si la matrice, finalement, se dérobait avant sa propre dérobade.

Auteur: Muray Philippe

Info: Ultima Necat, tome 1, Les Belles Lettres, 2015, 8 septembre 1980

[ dissipation d'une illusion ] [ mélancolie ] [ abandon ] [ critique ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

clé de lecture

Je dis encore deux choses : pour lire les Ecrits [de Lacan], il faut lire les Séminaires. C’est la méthode Freudienne, la méthode de Champoleon : il faut avoir deux versions de textes pour lire, pour pouvoir les confronter .

Les Ecrits sont une rédaction condensée, au sens technique, condensée ça veut dire rhétorique, qui évoque, qui a un certain style. Et puis les Séminaires développent une technique importante, par exemple, sur le triangle de Pascal et sur le nombre d’Or, on trouve très peu de choses dans les Ecrits, et pourtant on trouve dans les Séminaires un développement très important.

Pour lire Lacan dans les Ecrits il faut lire, en plus, beaucoup d’autres choses. Mais Lacan donne précisément tous les moyens pour trouver les références de ce dont il parle. Je disais au commencement que j’ai passé dix ans de ma vie à fabriquer ma bibliothèque

Je crois que ce serait intéressant d’en former une avec le corpus Lacanien et Freudien - et s’amuser en faisant une bibliographie - qui aurait pour but de mettre à disposition ce corpus. 

Auteur: Vappereau Jean-Michel

Info: https://www.fort-da.org/reportajes/vappereau-fr.htm

[ idée ] [ intertextualité ] [ psychanalyse ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

cure analytique

On n’est pas responsable de son image corporelle. On est responsable de ses actes, et même des actes de paroles dans l’analyse. Le fait de dire, c’est une responsabilité. Ça peut tuer, alors, c’est très grave de dire, de parler. C’est une responsabilité énorme de ne pas être fous.



Parce que, jusque dans la parole, les conséquences de ce qu’on dit son imprévisibles. Alors la responsabilité de l’analysant qui parle est grave, et on comprend pourquoi Freud était pessimiste. Parce que prendre la responsabilité sur les conséquences de ce qu’on dit, sans être capable de prévoir les conséquences, ce n’est pas facile.

Auteur: Vappereau Jean-Michel

Info: https://www.fort-da.org/reportajes/vappereau-fr.htm

[ engagement ] [ épreuve ] [ difficulté ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

vulgarisation scientifique

Les mathématiques extraordinaires des choses du quotidien  

La recherche en mathématiques a beaucoup évolué depuis ses origines. Alors qu'il y a des millénaires, bon nombre des plus grands problèmes traitaient du dénombrement d'objets et du tri de formes, les mathématiques modernes s'intéressent davantage aux structures et relations abstraites, aux espaces de haute dimension et aux définitions intangibles.

Mais de temps en temps, les mathématiciens reviennent sur terre. Après tout, c'est bien ici qu'ils vivent, et les formes et les phénomènes qu'ils rencontrent dans leur vie quotidienne peuvent leur apporter des perspectives nouvelles et importantes.

Je pense que c'est pour cette raison que les mathématiques et l'artisanat vont souvent de pair. De même pour les mathématiques et les jeux. Plus tôt cette année, lors des Joint Mathematics Meetings à Seattle, il y avait une exposition d'art où les mathématiciens pouvaient présenter des peintures, des infographies et des sculptures complexes qu'ils avaient réalisées. Et le troisième soir de la conférence, alors que de nombreux participants retournaient dans leur chambre d'hôtel ou sortaient prendre un verre après une longue journée de présentations, d'autres se sont dirigés vers la grande salle de bal du Sheraton pour rejoindre un cercle de tricot ouvert à tous.

Bien sûr, même les mathématiciens ont besoin de faire des pauses. Mais la prolifération de preuves sur des sujets en apparence banals — des dés aux nœuds en passant par les jeux de cartes — est la preuve que la fascination des mathématiciens pour l'ordinaire est plus qu'une simple récréation. Souvent, des percées mathématiques profondes peuvent être retracées à une question anodine sur des choses simples et quotidiennes.

De vrais problèmes

Chaque mathématicien a déjà griffonné une formule ou une observation au hasard sur un bout de papier, pour ensuite y trouver une erreur, le froisser et le jeter. Il n'est donc peut-être pas surprenant que le pliage et le froissement du papier aient conduit à de nombreux théorèmes mathématiques. En 2022, Steven Ornes a écrit pour Quanta sur les efforts du mathématicien Ian Tobasco pour comprendre comment le papier froissé adopte un motif de plis apparemment aléatoire parmi toutes les possibilités. Il a découvert que différentes courbures dans la forme initiale d'un matériau peuvent déterminer les types de plis qu'il acquerra une fois chiffonné.

Le type de pliage le plus ordonné — l'origami — est également un favori des mathématiciens. Tobasco a utilisé le célèbre motif en parallélogramme Miura-ori comme cadre de référence dans ses travaux sur le froissement. En 2017, le physicien Michael Assis a développé une nouvelle compréhension du Miura-ori en le reliant à la physique statistique. Il a conçu le motif d'origami comme un réseau cristallin composé d'atomes et a codé les erreurs dans les plis comme des défauts cristallins. Cela lui a permis de découvrir une sorte de transition de phase dans la structure de l'origami. " En un sens, cela montre que l'origami est complexe ", a-t-il déclaré. " Il possède toutes les complexités des matériaux du monde réel. Et en fin de compte, c'est ce que l'on veut : de vrais métamatériaux. "

L'interview de Steve Nadis avec L. Mahadevan en 2020 a également abordé l'art japonais du pliage de papier, ainsi que l'apparition naturelle de plis de tissus dans le cerveau et les intestins. Mahadevan utilise le monde comme un laboratoire de mathématiques, " trouvant le sublime dans le banal ". Il a également étudié la forme d'une pomme, le craquellement de la boue et l'agglutination des céréales dans le lait.

Persi Diaconis a commencé sa carrière comme magicien professionnel avant de se tourner vers les mathématiques. Il a depuis prouvé un certain nombre de résultats sur les cartes à jouer, y compris le fait célèbre qu'il faut mélanger un jeu de cartes sept fois pour garantir que ses cartes soient complètement aléatoires. Il s'avère qu'en examinant la nature des tours de magie, on peut en apprendre beaucoup sur le hasard, la probabilité et plus encore. Erica Klarreich a couvert une partie de ce travail pour Quanta en 2015.

Des domaines d'étude plus abstraits, comme la topologie, peuvent sembler exotiques, mais nous les rencontrons chaque matin. Les mathématiciens expliquent la topologie à l'aide de deux articles du petit-déjeuner : c'est le domaine où une tasse à café et un beignet sont identiques. Nous lions nos chaussures avec des nœuds topologiques avant de sortir pour la journée. Les mathématiciens sont dans une quête continue pour construire les versions les plus extrêmes de nombreuses formes topologiques, y compris le ruban de Möbius le plus large et le nœud de trèfle optimal. Un article de Kevin Hartnett l'année dernière a détaillé quatre de ces percées récentes et exploré comment les mathématiciens utilisent cette compréhension pour formuler des questions plus profondes et plus abstraites.

Une autre course pour construire un objet étrange s'est finalement terminée il y a quelques mois. Le tétraèdre — une forme pyramidale composée de quatre faces triangulaires — est l'un des solides les plus élémentaires, mais " des millénaires plus tard, des mystères entourent encore même la forme la plus simple ", comme l'a écrit cet été la contributrice de Quanta, Elise Cutts. Son article décrit comment l'un de ces mystères vient d'être résolu — non seulement dans une preuve, mais dans le monde physique. Des mathématiciens ont construit un tétraèdre qui ne peut reposer que sur un seul de ses quatre côtés, leur donnant une meilleure intuition sur la nature de cette forme fondamentale.

Dans tous ces cas, les questions sur le trivial et le quotidien ont été cruciales pour rendre le monde des mathématiques plus riche et plus intéressant.





 

Auteur: Internet

Info: Quanta Magazine, 2 aout 2025, Joseph Howlett

[ application ] [ inspiration ] [ modélisation ] [ géométrie ] [ créativité ] [ pragmatisme ] [ méta-moteurs ] [ théorie-pratique ] [ carbone ] [ hybridation sp3 ]

 

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Ajouté à la BD par Le sous-projectionniste

technologies

Je ne dis pas qu’il faut faire une bonne science bien gentille. La science c’est un fait historique qui marche, qui se développe sans demander notre avis, et ça fonctionnera même avec tous les comités d’éthique que vous voudriez mettre, cela va continuer à fonctionner. Seul le discours analytique, qui est un lieu constitué, à condition que nous voulions supporter cette constitution, est le lieu où peut se poser la question de la responsabilité du sujet dans le monde de la science.

Aujourd’hui, les savants qui ont fait la bombe atomique, ils se posent des questions de responsabilité. Demain, avec les découvertes biologiques, ils auront aussi des problèmes de responsabilité. Mais le discours de la science et du capital ne leur demande absolument pas leur avis, on leur demande de produire de résultats scientifiques, et on ne s’intéresse ni aux motivations, ni au désir, ni a la responsabilité. On leur demande des résultats et on les paye pour cela, sans leur demander leur avis. Et leurs produits, leurs inventions, leur échappent.

Le seul endroit ou on peut poser sérieusement la question de la responsabilité, c’est dans le discours analytique. Mais encore faut-il déterminer les conditions d’exercice. Et aucune réglementation, aucun droit, ne réglera le problème de l’articulation interne du discours, pour qu’il soit effectif, qu’il ait une efficace et qu’il ait lieu.

Moi, je ne suis pas en train de dire qu’il faut réglementer; je dis qu’on doit élaborer le discours lui-même. Il faut être capable de le tenir, c’est à dire, de le parler, et de le commenter.


Auteur: Vappereau Jean-Michel

Info: https://www.fort-da.org/reportajes/vappereau-fr.htm

[ inconscient ] [ reste ] [ psychanalyse ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

symptôme

Qu’est-ce que c’est le discours du maître ?

Le discours maître c’est le caractère impératif du dire. C’est justement ce qui est traumatique. C’est ce qu’utilisent, depuis toujours, toutes les civilisations pour faire marcher les choses.

A un moment donné dans l’histoire, ce discours du maître décline. Et on assiste à ce passage du monde féodal au monde moderne.

Et aujourd’hui encore, je prétends que tous ceux qui considèrent le problème de la civilisation, ils ne nous proposent que deux solutions : ou une solution attentive, qui consiste a subir cette situation capitaliste et scientifique, et par contre, les autres, ce sont tous des réactionnaires qui pensent retourner au discours du maître. Parce que ce qu’on appelle le fascisme c’est un retour au discours du maître, ce qui n’est pas possible. Et il y a, même dans le champ psychanalytique, des gens qui croient que la psychanalyse restaure le discours du maître.

Regardez Foucault, regardez en dehors de la psychanalyse, dans le discours philosophique, qu’est-ce que dit Foucault de la psychanalyse ?

Il dit que Freud a restauré le pouvoir oraculaire du médecin.

Non !! Freud a découvert la permanence des effets nocifs de cette fonction oraculaire de la parole.

Fonction oraculaire que nous ne savons pas comment traiter. Et il s’est posé la question de qu’est-ce qu’on peut faire avec ce problème. Et ça donne dans notre époque, majoritairement, une tentative d’évacuer ce problème. Et là vous avez l’autisme infantile. Il y a des enfants qui s’aperçoivent que tellement plus de politique – la politique c’est la parole – tellement peu d’art poétique, d’art littéraire, de style dans la parole, que ça ne vaut même pas le coup de jouer avec les autres, avec les mots. Et ils se refusent à participer à l’exercice du discours – avec ses pièges, ses difficultés. Mais ça conduit à quoi ? L’absence de l’exercice de la parole ça produit une degénération du corps, des maladies, une infirmité du corps. Parce que le corps humain est le corps d’un mammifère prématuré, débile …..




Auteur: Vappereau Jean-Michel

Info: https://www.fort-da.org/reportajes/vappereau-fr.htm

[ historique ] [ erreur ] [ altérité manquante ] [ forclusion ] [ aveuglement ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

intraduisible

polgárpukkasztás :  terme hongrois assez savoureux qui signifie littéralement : " faire éclater le bourgeois " et qui convoque donc l'idée de scandaliser ou heurter la sensibilité des bien-pensants.



 

Auteur: Internet

Info: Polgarpukkasztas. NB : Le hongrois est une langue agglutinante, aggrégative, comme l'allemand, rendant sa traduction en d'autres idiomes difficiles

[ provocation ] [ anticonformisme ]

 

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Ajouté à la BD par Le sous-projectionniste

enquête

Une petite table basse trônait au centre de la pièce, avec des verres, et quatre bouteilles de Johnny Walker. Trois d’entre elles étaient vides, la quatrième était encore remplie au tiers.

Le moine supérieur avait dû partir précipitamment.

Il avait oublié de revisser la bouteille.

La minuscule pièce empestait le whisky.

Sur le lit défait, comme en pleine lecture ou, plus précisément, comme lorsqu’on interrompt momentanément sa lecture pour une raison pressante, un livre, écrit en français, ouvert au milieu, tenait en équilibre sur les deux demi-tranches. On pouvait lire le titre au dos. Ce titre était l’infini est une erreur. L’auteur se nommait : Sir Wilford Stanley Gilmore.

Auteur: Krasznahorkai Laszlo

Info: Au nord par une montagne, au sud par un lac, à l'ouest par des chemins, à l'est par un cours d'eau

[ pistes ] [ indices ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

critique littéraire

Personne ne l’a vu deux fois 

László Krasznahorkai : Au nord par une montagne, au sud par un lac, à l’ouest par des chemins, à l’est par un cours d’eau. Traduit par Joëlle Dufeuilly, Ed. Cambourakis

Il arrive un moment de tournant dans la carrière de chaque grand écrivain. László Krasznahorkai, comme tant d’autres, a ressenti le besoin de se renouveler. Après avoir amplement disséqué le désastre et la décadence de la Hongrie provinciale peuplée de personnages marginaux en proie à la folie visionnaire, aux pulsions meurtrières et à l’alcoolisme dévastateur, bref, l’existence de ces sans-espoir ballotés par un destin aveugle, le voici à présent se ressourcer dans la sérénité de la spiritualité de l’Orient.

A vrai dire, cette expérience orientalisante remonte aux débuts des années 1990 ; dans un roman écrit sous forme de récit de voyage, le Prisonnier d’Ourga [Az urgai fogoly], il s’était déjà initié à la civilisation chinoise. Le roman Au nord par une montagne, au sud par un lac, à l’ouest par des chemins, à l’est par un cours d’eau, paru à Budapest en 2003, nous fait découvrir cette fois-ci un univers japonais et bouddhique placé sous le signe d’une quête esthétique. Une plongée spirituelle qui constitue aussi une singulière tentative d’affranchissement de la narration européenne des schémas usés jusqu’à la corde.

Le roman a pour objet la recherche de la perfection, incarnée par un jardin caché que le héros, le petit-fils du prince Genji, croit pouvoir retrouver, en déjouant la surveillance de sa cour de Kyoto, sur le site d’un monastère abandonné.

" Le découvrir puis en parler, le voir et trouver les mots justes, la bonne formulation, exprimer son essence s’apparentait à une tâche plus difficile que tout " parce que " l’effet premier de ce jardin était d’abolir le désir, l’envie d’en parler ". Si l’objet de la quête finit par se dérober au descendant du prince, c’est au lecteur de le retrouver, au terme d’un voyage initiatique semé d’embûches et d’apories. Ainsi, l’épigraphe du roman hongrois nous avertit qu’on ne peut lire ce texte deux fois ; la numérotation des chapitres débute avec le chiffre deux. S’agissant d’un écrivain savant, on est tenté d’y voir un clin d’œil au roman classique japonais attribué à Murasaki Shikibu, Le dit du Genji, composé dans la première décennie du XIe siècle. Mais cet hommage se borne au nom du héros, incarnation d’une appellation (le genji était un titre honorifique donné au fils de l’empereur qui ne pouvait prétendre au trône) et au blanc du début de la numérotation ; la conception et le style du roman portent bel et bien le sceau très original de l’auteur hongrois.

Si le désir de Krasznahorkai était d’écrire un roman sans êtres humains, le pari est réussi : les animaux et la végétation s’avèrent ici de loin plus importants que l’homme.

Cependant, les traces de la violence humaine n’ont pas complètement disparu ; bien qu’il n’y ait pratiquement plus de personnages, ou alors ceux-ci sont imaginaires, on est quand même saisi de malaise à l’arrivée des courtisans chargés de ramener le prince fugitif. Mais après, on les voit déboussolés, ingurgiter des bières des distributeurs (!) et repartir bredouille. Dire que nous sommes bien loin des anges exterminateurs de La mélancolie de la résistance : tournés en dérision, ils titubent, inoffensifs, dans leur geta et leur kimono, indices vestimentaires d’une civilisation qui fait rêver. Et la tristesse centre-européenne se voit remplacer par son cousin lointain oriental, le très complexe mono no aware, à la fois sensibilité pour l’éphémère et chagrin du trépas.

Après tout, il n’est point étonnant que cet univers japonais et bouddhique se dévoile aussi comme un labyrinthe borgésien : le sanctuaire du monastère est la bibliothèque, le kyozô, centre de la conservation des livres (les sûtras) et partant, celui du cosmos. C’est là que le petit-fils de Genji, héros qui nous rappelle par son hypersensibilité le personnage de Des Esseintes, trouve paix et tranquillité. Le monde, pour ce " surémotif ", grand amateur des mouchoirs de soie blanc et enclin à l’évanouissement, réside dans les livres, tel que décrit dans les Cent beaux jardins, œuvre qui lui avait révélé l’existence du jardin parfait ; il reste jusqu’au bout prisonnier de son imagination et le vrai jardin lui échappe. Aussi, c’est dans le kyozô qu’il découvre une deuxième lecture déterminante, l’ouvrage cocasse de Sir Wilford Stanley Gilmore de l’Institut de Mathématiques Gilmore-Grothendieck-Nelson qui, sur deux milles pages, règle leurs comptes aux théoriciens des ensembles, Cantor et compagnie, en énumérant tous les nombres jusqu’au plus grand, au dernier nombre fini. Le roman prend donc un malin plaisir à jongler avec des postulats : d’une part, l’imaginaire démontré par le réel (le jardin décrit dans le livre, simple et magnifique, existe), d’autre part, le réel démontré par l’imaginaire (il n’y a pas d’infini, tel que prouvé par le mathématicien fou). Tout est dans les livres.

L’ironie intellectuelle de Krasznahorkai est secondée par l’outil préféré de l’auteur : la phrase sinueuse et enveloppante, faite aussi bien pour la description minutieuse que pour la méditation. C’est une belle occasion de s’adonner à des dissertations aux sujets très variés : le lecteur apprend non seulement les techniques de la fabrication du papier, la composition géologique des différentes couches de la Terre et l’insémination des hinoki, mais il est aussi renseigné sur la typologie des vents. Miracle du trépas et miracle de la reproduction, mouvement versus immobilité, labyrinthe déserté par le monstre : parmi les nombreuses pistes de lecture, il y a aussi celle d’un roman policier. Et si dans mille ans, quelqu’un se risquait à continuer l’histoire du/de Genji, il sera désormais obligé à commencer par le chapitre trois. 



 



 

Auteur: Kányádi András

Info: sur https://litteraturehongroise.fr/

[ mise en abyme ] [ digressions ] [ réalité ] [ miroir ]

 

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Ajouté à la BD par miguel