"Un exploit intellectuel" : aux Etats-Unis, un faucon se sert des embouteillages pour approcher furtivement ses proies
Dans une étude publiée ce vendredi 23 mai dans la revue " Frontiers in Ethology " , un zoologiste américain décrit ce qu’il considère comme l’observation la plus avancée d’exploitation de l’environnement urbain chez les oiseaux.
Doit-on y voir un signe de plus de l’intelligence animale, ou bien une énième preuve de l’impact de l’humain sur la nature ? Sûrement les deux. Une étude publiée ce vendredi 23 mai dans la revue scientifique Frontiers of ethology par le zoologiste américain Vladimir Dinets raconte la chasse surprenante d’un jeune faucon en milieu urbain, un jeune épervier de Cooper qui se sert stratégiquement des embouteillages aux heures de pointe.
Un matin de novembre 2021, alors qu’il marchait dans les rues encombrées de voitures de la ville de West Orange, Vladimir Dinets a été témoin d’un étrange comportement adopté par le rapace en question. Posté dans un arbre, il est prêt à entamer sa chasse. 50 mètres plus loin, sa cible : la terrasse d’un pavillon où moineaux, tourterelles et autres étourneaux ont pris l’habitude de picorer les miettes laissées par ses habitants amateurs de repas en plein air. Tandis que les petits oiseaux se nourrissent paisiblement, le faucon émerge de l’arbre pour voler vers eux. Le zoologiste ne décèle rien de surprenant jusqu’ici… avant d’assister à la méthode d’approche du faucon. Celui-ci longe la file véhicules afin d’atteindre sans être vu l’arbre qui se dresse juste en face de la maison. Avant d’effectuer son piqué au-dessus de la chaussée et de fondre sur sa proie.
Intrigué, Vladimir Dinets va revenir sur les lieux et planquer dans sa voiture pendant dix-huit jours. Une veille quotidienne de douze heures, passée à observer le comportement du rapace dans l’hiver de West Orange. Le spécialiste a enregistré six tentatives d’attaques du même épervier, identifiable par son plumage. Au cours de son étude, il se rend compte que le faucon n’émerge de l’arbre qu’à une condition précise : lorsqu’une longue colonne de voitures est à l’arrêt.
Or, ce bouchon de plusieurs dizaines de mètres ne se crée que lorsqu’une personne appuie sur le bouton du passage piéton pour demander la priorité. Ce qui déclenche un signal sonore. Et ce bip strident, le faucon l’a bien identifié. Il ne se déplace ainsi que lorsqu’il retentit. De quoi suggérer que le volatile utilisait le son comme une indication d’un embouteillage à venir.
" Quand j’ai compris ce qu’il se passait, j’ai été vraiment impressionné. Je ne m’attendais pas à ça, a relaté Vladimir Dinets ce vendredi auprès du Guardian. D’un autre côté, chaque fois que j’étudie une espèce animale, elle se révèle plus intelligente que je ne le pensais."
L‘habitat originel du faucon Cooper se trouve dans les forêts de conifères au climat tempéré, ou bien les régions montagneuses d’Amérique du Nord. Mais depuis les années 1970, ce faucon a fait de la ville son habitat de reproduction et d’hivernage pour devenir aujourd’hui l’une des espèces d’éperviers les plus représentées dans les villes nord-américaines.
Selon l’étude, le comportement observé chez ce faucon témoigne chez l’animal d’une cartographie mentale de la zone et d’une compréhension du lien entre les signaux sonores et les changements de circulation. " Un exploit intellectuel remarquable pour un jeune oiseau qui venait probablement d’emménager en ville. […] Un tel niveau de compréhension et d’utilisation des schémas de circulation humaine par un animal sauvage n’avait jamais été observé auparavant", pointe le zoologiste.
La technique du rapace doit encore être perfectionnée, puisque le scientifique n’a assisté qu’à une seule capture réussie d’un moineau. Mais " on ne peut qu’imaginer le niveau de connaissance et de compréhension de l’environnement des éperviers vivant dans des paysages plus naturels ", développe Vladimir Dinets.
Si l’observation de cette technique de chasse urbaine chez le faucon est une première, les scientifiques avaient déjà pu remarquer certains comportements d’adaptation des oiseaux aux paysages urbains. Notamment dans leur relation avec les voitures en mouvement. " Les oiseaux apprennent non seulement à éviter le danger qu’ils représentent, mais aussi à l’exploiter de diverses manières " , précise l’étude.
Des corbeaux ont pris l’habitude de laisser tomber des noix, de petits vertébrés, des mollusques à coquille et d’autres proies sur les routes pour les faire tuer ou bien faire écraser leur coquille par les roues des voitures. D’autres charognards patrouillent régulièrement les axes très fréquentés pour récupérer les animaux tués sur l’asphalte. Quant aux passereaux, ils se font un festin en picorant les insectes morts coincés dans les capots ou écrasés sur le pare-brise des voitures. Certaines espèces n’hésitent pas non plus à profiter d’un trajet gratuit en se dissimulant sur un véhicule en mouvement et ainsi échapper à un prédateur.