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bilan

Il revoyait la naissance de sa fille. Il se rappelait sa fierté. Il n’avait pas de souvenirs de joie. Juste la fierté. Il s’accorda un peu de répit et parvint à considérer sa vie comme s’il lui était extérieur, comme s’il la contemplait depuis une calme esplanade située au-delà de sa propre mort, sans passion ni remords, juste avec l’impartialité scrupuleuse d’un scribe dépourvu de sentiments. Il énumérait des images et des métaphores. Il se voyait bêcher scrupuleusement dans un jardin écarlate les restes de ses enfants et de sa propre existence qui le submergeaient. Il sentait les pointes des seins de Lucille lui entrer dans la poitrine comme des couteaux. Il comptait une à une les lignes de cocaïne et les larmes versées. Il se remémorait chaque détail d’un mégot collé sur la cuisse d’une fille sans visage. Il caressait le visage souriant d’Agathe qui s’estompait. Et rien de tout cela n’était aussi réel que le soleil qui persistait à le réchauffer. Il n’y avait plus ni haine, ni pitié, ni simulacre d’espoir. Car telles étaient nos vies, songea-t-il. Et voilà tout l’amour dont je suis capable.

Auteur: Ferrari Jérôme

Info: Dans le secret, Actes sud, 2010, pages 177-178

[ regard rétrospectif ] [ rêverie ] [ indifférence ] [ pauvreté ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

enfance

Je me souviens d’anciennes soirées de Noël, de mes parents, de mes grands-parents, de mon oncle Paul, je me souviens des dizaines de cousins que nous n’avons plus revus, je me souviens de la solennité de la nuit, et du froid qu’il faisait dans l’église pendant la messe de la Nativité, je me souviens de l’ennui terrible dans lequel me plongeaient d’abord les prières et puis ensuite toutes les discussions des adultes avec tous ces souvenirs familiaux qui n’évoquaient rien pour moi, avec tous ces baisers si moites qui sentaient la vieillesse et le désespoir, un ennui si terrible, en vérité, que la perspective des cadeaux à ouvrir ne parvenait pas à m’en libérer, ma grand-mère m’embrassait, et je m’ennuyais, ma mère m’embrassait, et je m’ennuyais, un vieux cousin en chemise cachemire et mocassins blancs me demandait ce que je faisais à l’école et je lui répondais en périssant d’ennui, et tout le monde était si gentil avec moi mais pas au point de me dire que ce qui m’ennuyait était sur le point de mourir et que j’y repenserais bien des années plus tard – si peu d’années plus tard, en somme – avec une telle nostalgie et une si grande peur. Ce ne sont pas seulement les hommes qui meurent, les mondes meurent aussi d’une vraie mort, aussi définitive et triste que celle des hommes.

Auteur: Ferrari Jérôme

Info: Dans le secret, Actes sud, 2010, page 135

[ mélancolie ] [ passé ] [ temps ] [ regard rétrospectif ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

rapport sexuel

Agrippant à deux mains les montants du lit, la serveuse écrasa sa chatte sur la bouche d’Antoine sans se rendre compte qu’un de ses genoux bloquait presque complètement la circulation de son bras gauche et que, les narines complètement bouchées par toute la cocaïne qu’il s’était enfilée dans la soirée, il était en train de suffoquer comme un noyé. Trop effaré pour avoir le courage de la repousser, il tenta de respirer de temps en temps en faisant des contorsions d’apnéiste avec la bouche tout en continuant à s’acquitter de sa tâche du mieux qu’il pouvait. Ses poumons le brûlaient, il ne sentait plus son bras, des bulles tièdes crevaient au coin de ses lèvres, l’arête d’un paquet de cigarettes oublié dans les draps lui écorchait le dos, la cocaïne tendait ses muscles épuisés et faisait couler dans sa gorge un suc épais et amer, une érection mécanique lui tordait le ventre, tout son corps était tendu et crispé comme s’il allait craquer de toutes parts et se déchirer, le pubis de la serveuse lui griffait ses lèvres et il lui semblait entendre dans la chanson que raï que déversait la chaîne hi-fi les échos limpides de la voix de sa femme qui lui disait ne t’excuse pas pour ma vie, ne t’excuse pas pour mes rêves et il tordait la bouche avec frénésie, tendu vers les gémissements de la serveuse, si loin au-dessus de lui et rien ne parvenait à l’arracher à la nuit triste de son esprit dont il scrutait les ténèbres comme de l’extérieur.

Auteur: Ferrari Jérôme

Info: Dans le secret, Actes sud, 2010, pages 59-60

[ cunnilingus ] [ baise ] [ adultère ] [ torture ] [ désagréable ] [ drogue ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

humain-divin

Car nous méritons de mourir, et c’est là une pensée proprement évangélique. Une pensée qui rend Dieu à nouveau possible. Ne pouvoir se passer de Dieu et être incapable d’y croire a quelque chose d’atroce. Et chacun sait ce qu’est la vie. Chacun soupçonne à quel point elle peut  être pire. Ce qui rend, en un sens, la croyance en Dieu héroïque – ou seulement stupide. Concilier la bonté de Dieu, Sa puissance et l’état du monde fut pendant des siècles une entreprise jugée honorable que notre monde de surhommes a tournée en ridicule de manière injuste. Bien sûr, il y avait beaucoup de ridicule là-dedans, mais pas du genre qu’on croit. Ce qui l’était, c’était de penser que, si Dieu existe, Son œuvre doive être justifiée. Car Sa seule existence justifie tout, le mal, les tortures, les enfants morts-nés, les meurtres et l’ennui. Tout cela est purement et simplement effacé. Si Dieu est, les peines de l’enfer sont justifiées sans qu’il y ait besoin d’un seul argument et les damnés eux-mêmes, comprenant le sens de leur châtiment, le réduisent à rien. Ce n’est rien de brûler pour toujours si l’on comprend le sens et la nécessité ou même si, sans rien comprendre du tout, on sait que quelqu’un le comprend pour nous, si l’on sait qu’existe, en dehors de notre esprit limité, le point de vue de Dieu, en qui sont conciliées la cruauté impitoyable et la bonté parfaite. Le point de vue de Dieu n’a pas besoin d’être pertinent ou sublime ; il suffit qu’il soit multiple et infini. Le seul problème est d’avoir la force de croire car seule la foi, comme l’affirment les Ecritures, sauve.

Auteur: Ferrari Jérôme

Info: Dans le secret, Actes sud, 2010, pages 32-33

[ jugement dernier ] [ justice céleste ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson