Les montagnes et la mer.
Le monde est dépourvu de beauté. Toute la beauté du monde n’est qu’une interprétation de notre esprit et, sans interprétation, il ne reste rien, rien d’autre qu’un amas sans couleur ni sens, le tas d’ordures dispersées au hasard. Toute trace d’esprit avait disparu du monde et les montagnes, et la mer, dévoilaient leur présence inerte et silencieuse. Antoine sentit sa gorge se serrer. Un sanglot convulsif crispa un instant ses lèvres et il se dit qu’il avait trop bu et qu’il était très fatigué. Bizarrement, l’idée de fatigue l’emplit d’une tristesse terrible, mais il ignora à cet instant que, installée à la faveur d’une pensée fortuite, la tristesse ne quitterait pas son âme.
Il regarda Batti lisant le journal, les sourcils froncés, comme s’il n’était pas en train de lire pour la centième fois les mêmes phrases pompeuses et idiotes, qui ne lui apprenaient rien et dont la seule fonction visible était de figer le langage dans une carapace de merde.
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Info: Dans le secret, Actes sud, 2010, pages 16-17
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