Agrippant à deux mains les montants du lit, la serveuse écrasa sa chatte sur la bouche d’Antoine sans se rendre compte qu’un de ses genoux bloquait presque complètement la circulation de son bras gauche et que, les narines complètement bouchées par toute la cocaïne qu’il s’était enfilée dans la soirée, il était en train de suffoquer comme un noyé. Trop effaré pour avoir le courage de la repousser, il tenta de respirer de temps en temps en faisant des contorsions d’apnéiste avec la bouche tout en continuant à s’acquitter de sa tâche du mieux qu’il pouvait. Ses poumons le brûlaient, il ne sentait plus son bras, des bulles tièdes crevaient au coin de ses lèvres, l’arête d’un paquet de cigarettes oublié dans les draps lui écorchait le dos, la cocaïne tendait ses muscles épuisés et faisait couler dans sa gorge un suc épais et amer, une érection mécanique lui tordait le ventre, tout son corps était tendu et crispé comme s’il allait craquer de toutes parts et se déchirer, le pubis de la serveuse lui griffait ses lèvres et il lui semblait entendre dans la chanson que raï que déversait la chaîne hi-fi les échos limpides de la voix de sa femme qui lui disait ne t’excuse pas pour ma vie, ne t’excuse pas pour mes rêves et il tordait la bouche avec frénésie, tendu vers les gémissements de la serveuse, si loin au-dessus de lui et rien ne parvenait à l’arracher à la nuit triste de son esprit dont il scrutait les ténèbres comme de l’extérieur.
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Info: Dans le secret, Actes sud, 2010, pages 59-60
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