enfance

Je me souviens d’anciennes soirées de Noël, de mes parents, de mes grands-parents, de mon oncle Paul, je me souviens des dizaines de cousins que nous n’avons plus revus, je me souviens de la solennité de la nuit, et du froid qu’il faisait dans l’église pendant la messe de la Nativité, je me souviens de l’ennui terrible dans lequel me plongeaient d’abord les prières et puis ensuite toutes les discussions des adultes avec tous ces souvenirs familiaux qui n’évoquaient rien pour moi, avec tous ces baisers si moites qui sentaient la vieillesse et le désespoir, un ennui si terrible, en vérité, que la perspective des cadeaux à ouvrir ne parvenait pas à m’en libérer, ma grand-mère m’embrassait, et je m’ennuyais, ma mère m’embrassait, et je m’ennuyais, un vieux cousin en chemise cachemire et mocassins blancs me demandait ce que je faisais à l’école et je lui répondais en périssant d’ennui, et tout le monde était si gentil avec moi mais pas au point de me dire que ce qui m’ennuyait était sur le point de mourir et que j’y repenserais bien des années plus tard – si peu d’années plus tard, en somme – avec une telle nostalgie et une si grande peur. Ce ne sont pas seulement les hommes qui meurent, les mondes meurent aussi d’une vraie mort, aussi définitive et triste que celle des hommes.

Auteur: Ferrari Jérôme

Info: Dans le secret, Actes sud, 2010, page 135

[ mélancolie ] [ passé ] [ temps ] [ regard rétrospectif ]

 

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