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narration

William Blake aurait été le premier à comprendre que n'importe quelle biographie devrait en fait commencer par les mots : "Au commencement Dieu créa le ciel et la terre." Si nous racontons l'histoire de Mr. Jean de la Ville du Kent, des siècles seront nécessaires pour l'expliquer. Nous ne pouvons pas même comprendre le nom "Jean", avant d'avoir réalisé que son ordinarité n'est pas l'ordinarité des choses vulgaires, mais des divines ; car son ordinarité est un écho de l'adoration de St Jean le Divin. Le toponyme "Kent", en tant qu'indication géographique, est une sorte de mystère ; mais le mot Kent n'est pas aussi mystérieux que l'effroyable et impénétrable mot : "ville". Nous aurons arraché les racines de l'humanité préhistorique et vu les dernières révolutions de la société moderne avant de vraiment comprendre le sens du mot "ville". Ainsi chaque mot que nous utilisons vient à nous coloré de toutes ses aventures au cours de l'histoire, dont chaque phase a produit au moins une minime altération. La seule bonne manière de raconter une histoire est de commencer au commencement - au commencement du monde. Donc, tous les livres doivent commencer de la mauvaise manière, par souci de brièveté. Si Blake écrivait la vie de Blake, le début n'aurait rien à voir avec sa naissance ou son lignage.

Auteur: Chesterton Gilbert Keith

Info: Début de "William Blake" - ma traduction

[ paradoxes ] [ méthode ] [ origines ] [ langage ]

 

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Ajouté à la BD par Benslama

philosophie

On sait que le nominaliste prétend que les choses sont trop diverses pour être réellement classées de sorte qu’elles sont seulement étiquetées. L’Aquinate, ferme réaliste mais modéré, tient qu’il existe réellement des caractères généraux ou "universaux", que les êtres humains, par exemple, sont tous humains et autres paradoxes. Un réalisme plus extrémiste l’aurait conduit trop près d’être platonicien. Il reconnaît que l’individualité existe mais dit aussi qu’elle coexiste avec certains caractères communs qui rendent une certaine généralisation possible. Il professe en somme ce que le bon sens nous dit s’il n’est pas perturbé par de subtils hérétiques. Cependant, ils persistent à le perturber. Il me souvient que H. G. Wells eut ainsi naguère un violent accès de fièvre nominaliste et produisit coup sur coup plusieurs livres afin de prouver que chaque chose est unique et sans type. L’homme, par exemple, est individualité au point de n’être même plus un homme. Il est surprenant et presque comique de constater que ce facteur de désordre attire principalement ceux qui se plaignent du désordre social et proposent d’y remédier par une salve de règlements. Les mêmes personnes affirment en même temps que toute classification est impossible et que tout doit être codifié. George Bernard Shaw prétend ainsi que l’unique règle d’or est qu’il n’y a pas de règle d’or. Sans doute préfère-t-il une règle de fer à la soviétique.

Auteur: Chesterton Gilbert Keith

Info: Saint Thomas du Créateur, Dominique Martin Morin, 2016, pages 149-150

[ querelle ] [ critique ] [ déconstruction ] [ totalitarisme ]

 
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Ajouté à la BD par Coli Masson

éternel-temporel

Aucun doute que l’être soit l’être. S’il paraît parfois se confondre avec le devenir, c’est parce que nous ne voyons pas la plénitude de l’être, ou, pour continuer à parler familièrement, parce que nous ne voyons pas l’être être autant qu’il le peut. […]

La plupart des penseurs confrontés avec le problème de l’être et son apparente instabilité ont oublié le premier au profit de la seconde. Il leur est impossible de dire qu’une chose en devient une autre, car il faudrait que quelque chose soit, ne serait-ce qu’un instant, avant de devenir autre chose. Elle n’est plus que changement. Il serait plus logique de nommer ce processus changement du rien en rien, plutôt que de dire, selon leurs principes, qu’il y a un instant, passé ou futur, où une chose est elle-même. Saint Thomas [d'Aquin] tient, lui, qu’une chose quelconque est à tout moment quelque chose mais pas tout ce qu’elle pourrait être et qu’il existe une plénitude de l’être où elle pourrait être tout ce qu’elle peut être. Ainsi, tandis qu’à la plupart des sages il ne reste rien que le pur changement, il aboutit à cette chose ultime, invariable, parce qu’elle est toutes choses à la fois. Alors qu’ils décrivent un changement qui est réellement un changement de rien à rien, il décrit une immobilité qui inclut les changements de toutes choses. Les choses changent parce qu’elles ne sont pas complètes, mais leur réalité ne s’explique que comme fragment de quelque chose de complet. Qui est Dieu. 

Auteur: Chesterton Gilbert Keith

Info: Saint Thomas du Créateur, Dominique Martin Morin, 2016, pages 144-145

[ point de vue fragmentaire ] [ ontologie ] [ christianisme ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

réalisme

A l’encontre, la philosophie de saint Thomas [d'Aquin] prend pour point de départ la conviction communément répandue qu’un œuf est un œuf. Un hégélien dira que l’œuf est une poule, parce qu’il n’est qu’un moment du devenir. Un berkeleyen soutiendra que les œufs à la coque n’existent qu’autant que le rêve existe car l’on peut aussi bien prendre le rêve comme cause de l’œuf que l’œuf comme cause du rêve. Un pragmatiste croira que le meilleur parti qu’on puisse tirer d’œufs frits est d’oublier qu’ils ont été œufs au profit de la friture. Le disciple de saint Thomas ne sent pas le besoin de se brouiller la cervelle afin de mieux brouiller ses œufs, ni de mirer les œufs de travers pour découvrir une nouvelle façon de les réduire à merci. Sous la chaude lumière du soleil, le thomiste constate avec tous ses frères humains, que l’œuf n’est pas une poule ni un rêve ni une idée pure, mais une chose attestée par l’autorité des sens qui vient de Dieu.

Même ceux qui goûtent par ailleurs la profondeur métaphysique du thomisme manifestent leur surprise de découvrir qu’il n’accorde aucune place à la question métaphysique par excellence aux yeux de nos contemporains : est-il possible de prouver la réalité de l’acte primordial par lequel nous percevons le réel ? Saint Thomas admet aussitôt ce que, non sans mal, les sceptiques modernes commencent à soupçonner. Il faut répondre affirmativement à cette question ou ne plus jamais répondre à aucune question, ni jamais plus poser aucune question, ni même exister intellectuellement pour questionner ou répondre.

Auteur: Chesterton Gilbert Keith

Info: Saint Thomas du Créateur, Dominique Martin Morin, 2016, pages 125-126

[ différence ] [ exemple ] [ foi ] [ simplicité ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

ordre-désordre

Il ne convient pas de tirer notre idéal du principe de la nature pour la simple raison qu'il n'y a pas de principe dans la nature. Le vil antidémocrate d'aujourd'hui vous dira que l'égalité n'existe pas dans la nature. Il a raison, mais il ne voit pas ce qui en découle logiquement : si l'égalité n'existe pas dans la nature, alors l'inégalité non plus. L'inégalité, tout comme l'égalité, implique une échelle de valeurs. Voir de l'aristocratie dans l'anarchie du monde animal est tout aussi sentimental que d'y voir de la démocratie. Aristocratie et démocratie sont toutes deux des idéaux humains : l'une disant que tous les hommes ont de la valeur, l'autre que quelques hommes ont plus de valeur que les autres. Mais la nature ne dit pas que les chats ont plus de valeur que les souris : la nature ne fait aucune remarque à ce sujet. Elle ne dit même pas que le chat est enviable ou la souris digne de pitié. Nous pensons que le chat est supérieur parce que nous avons, du moins la plupart d'entre nous, une philosophie particulière qui nous fait dire que la vie est supérieure à la mort. Mais si la souris était une souris pessimiste allemande, elle pourrait croire qu'elle n'a pas du tout été vaincue par le chat : elle pourrait croire qu'elle a vaincu le chat en arrivant plus vite au tombeau ; ou elle pourrait s'imaginer qu'elle vient d'infliger au chat un terrible châtiment en lui permettant de se maintenir en vie. La souris pessimiste pourrait exulter à la pensée qu'elle renouvelle dans le chat la torture de l'existence consciente.


Auteur: Chesterton Gilbert Keith

Info: Orthodoxie

[ interdépendance ] [ complexité émergente ]

 

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Ajouté à la BD par Le sous-projectionniste

christianisme

Le scepticisme a pour effet d’affaiblir les opérations normales d’un être humain.

Dans un des plus brillant et amusant livre de Mr Sinclair Lewis (1885-1951 premier écrivain américain à recevoir le prix Nobel de littérature), il y a un passage que je citerai de mémoire, plus ou moins correctement. Il a dit que la foi catholique diffère du puritanisme actuel en ce qu’elle ne demande pas à quelqu’un d’abandonner son goût du beau, son humour ou ses petits vices agréables (par lesquels il entendait probablement le fait de fumer et de boire, qui ne sont pas du tout des vices), mais elle demande d’abandonner sa vie, son âme, son esprit et son corps, sa raison et tout le reste. Je demande au lecteur de considérer ce jugement aussi calmement et impartialement que possible, et de le comparer avec tous les autres faits concernant la fossilisation des opérations de l’esprit humain par les principaux doutes d’aujourd’hui.

Il serait bien plus vrai de dire que la foi rend aux hommes leurs corps et leurs âmes, leurs intelligences et leurs volontés, et en fin de compte toute leur vie. Il serait bien plus vrai de dire que l’homme qui l’a reçue reçoit toutes les vieilles capacités humaines, que toutes les autres philosophies sont en train de lui enlever. Il serait plus proche de la réalité de dire que le croyant sera le seul à posséder la liberté, la volonté, parce qu’il sera le seul à professer le libre-arbitre ; qu’il sera le seul à avoir une intelligence puisque le doute systématique renie l’intelligence tout comme il renie l’autorité ; qu’il sera le seul à agir véritablement puisqu’une action est toujours accomplie en vue d’une fin. Il serait donc moins improbable de dire que tout ce durcissement et ce désespoir intellectuel feront du croyant le seul citoyen capable de marcher et de parler dans une cité de paralytiques.

Auteur: Chesterton Gilbert Keith

Info: Pourquoi je suis Catholique, Versailles, Via Romana, 2017. Page 42.

[ agir moral ] [ force ]

 
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Ajouté à la BD par Coli Masson

théologie

Rentré victorieux de son ultime combat contre Sigier de Brabant, Thomas [d'Aquin] s’était retiré. Cette grave querelle fut l’unique circonstance où se rencontrèrent et même coïncidèrent sa vie publique et sa vie intime. Il réalisa à quel point, depuis l’enfance, il avait toujours désiré rassembler tous les alliés dans la bataille pour le Christ et qu’il n’avait compté Aristote parmi eux que beaucoup plus tard. Cet ultime cauchemar sophistique lui montra que certains de ses adversaires pouvaient vouloir que le Christ s’incline vraiment devant Aristote. Il ne se remit jamais du choc. Il gagna la bataille parce qu’il était le plus grand esprit de son temps, mais il ne put oublier cette monstrueuse inversion de toute son œuvre et de tous les efforts de sa vie. […] Car l’abîme de sophisme creusé par Sigier de Brabant et sa théorie du double entendement humain rendaient possible la disparition de toute notion de religion et même de vérité. Les quelques réflexions fragmentaires qui nous sont parvenues le montrent en proie à une sorte d’horreur de ce monde extérieur balayé par les vents de doctrines sauvages, et à la soif de ce monde intérieur auquel tout catholique peut accéder, où le saint n’est pas coupé des hommes simples. Il reprit strictement la vie conventuelle et pendant quelque temps ne dit rien à personne. Advint alors un événement (tandis qu’il célébrait la messe, dit-on) dont nul mortel ne saura jamais rien.

Son ami Réginald le priait de reprendre ses habitudes régulières de lecture, de travail, et de s’intéresser aux controverses de l’heure. Il lui répondit avec une force singulière : "Je ne puis écrire davantage". Il semble qu’il y eut un silence avant que Réginald ose revenir à la charge pour s’entendre répondre avec plus de force encore : "Je ne puis écrire davantage. J’ai vu des choses auprès desquelles mes écrits sont comme de la paille."

Auteur: Chesterton Gilbert Keith

Info:

[ hérésie ] [ traumatisme ] [ effondrement ] [ vanité ] [ vision ]

 
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christianisme

D'abord, et en dépit de ce qui se dit de ses superstitions et de sa scolastique stérile, le Moyen Âge fut un étonnant épanouissement, une illumination et une libération de l'esprit. Deuxièmement, en dépit de tout ce qui s'est dit ensuite sur le progrès, la Renaissance et les précurseurs de la pensée moderne, il fut presque intégralement un mouvement d'enthousiasme théologique orthodoxe - un épanouissement. Il ne fut en rien un compromis avec le monde, ni une soumission aux païens ou aux hérétiques, ni un simple emprunt à des appuis extérieurs, même s'il en utilisait. S'il atteignait la pleine lumière, c'était à la manière d'une plante qui, par ses seules forces, déploie ses feuilles sous le soleil et non à la manière de quelqu'un qui se contente de la lumière de la prison. En bref, il fut ce qui s'appelle techniquement un développement de la doctrine.

[…] Un développement doctrinal est une explication de toutes les implications, de toutes les virtualités d’une doctrine, au fur et à mesure qu’on les distingue et qu’on les comprend mieux. En l’occurrence, l’œuvre de la théologie médiévale fut simplement la pleine compréhension de cette théologie. Au temps du grand dominicain [Thomas d'Aquin] et du premier franciscain [François d'Assise] […], l’objectif, humaniste de bien des façons, était le complet développement de la doctrine essentielle, du dogme entre tous les dogmes. La chanson populaire de saint François et la prose presque rationaliste de saint Thomas apparaissent ici très clairement unies dans un même élan. Toutes deux sont de puissants et magnifiques développements de la doctrine catholique qui ne dépendent du monde extérieur qu’autant que tout ce qui vit et s’accroît en dépend. C’est à dire qu’ils s’en nourrissent et l’assimilent et continuent d’être ce qu’ils sont et non ce qu’ils ingurgitent. Un bouddhiste ou un communiste peut bien imaginer deux éléments qui s’entre-dévorent et atteignent ainsi à l’union parfaite. Mais dans le monde réel, il n’en est pas ainsi. […] Saint Thomas ne conduisit pas le Christ à Aristote, mais Aristote au Christ.

Auteur: Chesterton Gilbert Keith

Info: Saint Thomas du Créateur, Dominique Martin Morin, 2016, pages 26-27

[ définition ] [ dépôt de la révélation ] [ approfondissement ] [ complémentarité ]

 

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protestantisme

Ce qui différenciait augustiniens et thomistes, comme toutes divergences entre catholiques, n’était qu’une affaire d’accents. Les augustiniens insistaient sur l’impuissance des hommes devant un Dieu omniscient, la nécessité de la crainte salutaire, l’humiliation de l’orgueil intellectuel. Ils soulignaient moins ces vérités complémentaires que sont le libre-arbitre, la dignité de l’homme, la nécessité des œuvres. […] Mais il y a accents et accents. Les choses en arrivaient au point où l’exaltation de certains aspects incluait la négation des aspects complémentaires. […] Car il était un moine, relevant d’un monastère augustinien enfoui dans les forêts rhénanes, qui possédait un singulier et percutant talent pour accentuer – accentuer jusqu’à faire trembler la terre des hommes. Il était fils d’un tailleur d’ardoises. Violent, sincère, certainement morbide, il était doué d’une forte personnalité et savait se faire entendre. Il s’appelait Martin Luther. Certes, ni Augustin ni même les augustiniens ne souhaitaient que naisse le jour d’un tel triomphe, mais d’une certaine façon, il s’agissait bien d’une sorte de revanche de la tradition augustinienne.

Elle sortit de sa cellule dans un jour de tempête et de ruine. Dans un grand cri, elle annonça d’une voix nouvelle et puissante une religion élémentaire, affective, et la disparition de toute philosophie. Elle détestait, elle avait en horreur les philosophies grecques et l’école scolastique fondée sur elles. La théorie qu’elle affichait détruisait toutes les autres théories. Elle avait sa propre théologie qui abolissait toute théologie. L’homme ne pouvait rien dire à Dieu, ni de Dieu, ni à son sujet. Il ne pouvait que lancer un cri presque inarticulé, sorte d’appel à l’assistance et à la miséricorde du Christ dans un monde où les créatures étaient inutiles. L’intelligence ne servait à rien. La volonté ne servait à rien. L’homme ne pouvait pas plus qu’une pierre se mouvoir d’un pouce, ni se fier à son cerveau plus qu’à un navet. Le ciel et la terre étaient vides. Il n’y demeurait que le nom du Christ, jeté en une imprécation désolée, lugubre comme le cri d’une bête traquée. 

Auteur: Chesterton Gilbert Keith

Info: Saint Thomas du Créateur, Dominique Martin Morin, 2016, pages 167-168

[ influence ] [ christianisme ] [ doctrine ] [ résumé ]

 
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réalisme

[…] le côté spirituel et mystique du catholicisme des premiers siècles portait trois empreintes : celle du génie d’Augustin qui avait été platonicien et peut-être l’était demeuré ; celle du transcendantalisme des œuvres attribuées à l’Aréopagite ; celle des influences orientales au sein de l’empire tardif et du caractère quasi asiatique de la Byzance des empereurs-pontifes. Tout cela l’avait emporté sur ce que nous pouvons appeler globalement l’élément occidental, qu’on pourrait aussi nommer chrétien puisque, bien compris, il n’est rien d’autre que la sainte familiarité avec le Verbe incarné. En tout cas il suffit ici de dire que les théologiens s’étaient quelque peu sclérosés, avec une sorte d’orgueil platonisant, dans la possession de vérités intangibles et intraduisibles, comme si leur sagesse ailée n’avait aucune racine dans le monde réel. Le premier soin de l’Aquinate – fort loin d’être le dernier – fut de tenir à ces métaphysiciens transcendantaux un discours du genre de celui-ci :

"Il n’est pas question qu’un pauvre frère mendiant nie que votre cervelle abrite des pierres précieuses d’une eau quasi céleste et de formes mathématiques idéales, déjà présentes alors que vous aviez à peine commencé à penser, sans parler de voir, entendre ou sentir. Mais je n’éprouve aucune honte à le dire : je constate que ma raison est informée par mes sens et que je dois une grande partie de ce que je pense à ce que je vois, sens, goûte et touche. Et, pour autant que ma raison y soit engagée, je me vois obligé de considérer tout ce donné comme réel. D’un mot et en toute humilité, je ne crois pas que Dieu ait doué l’homme de raison seulement pour lui permettre d’exercer cette forme rare, subtile et abstraite d’intellect dont vous êtes les fortunés détenteurs. Mais je crois que le terrain des faits existe. Je crois que notre raison informée par les sens fait sa pâture quotidienne des faits qu’elle connaît ainsi, et que, représentante de Dieu en l’homme, elle a le droit de régner sur ce domaine. Certes ce terrain est moins élevé que celui des anges, mais il est moins bas que celui des animaux et de tous les objets réels et matériels que l’homme trouve autour de lui. Convenons-en, l’homme aussi peut être un objet – et même passablement abject. Il est certain que ce qu’un homme a fait, un autre homme peut le faire. Si un archaïque vieux païen du nom d’Aristote peut m’aider dans mon entreprise, je l’en remercierai en toute humilité."

Auteur: Chesterton Gilbert Keith

Info: Saint Thomas du Créateur, Dominique Martin Morin, 2016, pages 28-29

[ christianisme ] [ développement doctrinal ] [ résumé ]

 

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