Ce qui différenciait augustiniens et thomistes, comme toutes divergences entre catholiques, n’était qu’une affaire d’accents. Les augustiniens insistaient sur l’impuissance des hommes devant un Dieu omniscient, la nécessité de la crainte salutaire, l’humiliation de l’orgueil intellectuel. Ils soulignaient moins ces vérités complémentaires que sont le libre-arbitre, la dignité de l’homme, la nécessité des œuvres. […] Mais il y a accents et accents. Les choses en arrivaient au point où l’exaltation de certains aspects incluait la négation des aspects complémentaires. […] Car il était un moine, relevant d’un monastère augustinien enfoui dans les forêts rhénanes, qui possédait un singulier et percutant talent pour accentuer – accentuer jusqu’à faire trembler la terre des hommes. Il était fils d’un tailleur d’ardoises. Violent, sincère, certainement morbide, il était doué d’une forte personnalité et savait se faire entendre. Il s’appelait Martin Luther. Certes, ni Augustin ni même les augustiniens ne souhaitaient que naisse le jour d’un tel triomphe, mais d’une certaine façon, il s’agissait bien d’une sorte de revanche de la tradition augustinienne.
Elle sortit de sa cellule dans un jour de tempête et de ruine. Dans un grand cri, elle annonça d’une voix nouvelle et puissante une religion élémentaire, affective, et la disparition de toute philosophie. Elle détestait, elle avait en horreur les philosophies grecques et l’école scolastique fondée sur elles. La théorie qu’elle affichait détruisait toutes les autres théories. Elle avait sa propre théologie qui abolissait toute théologie. L’homme ne pouvait rien dire à Dieu, ni de Dieu, ni à son sujet. Il ne pouvait que lancer un cri presque inarticulé, sorte d’appel à l’assistance et à la miséricorde du Christ dans un monde où les créatures étaient inutiles. L’intelligence ne servait à rien. La volonté ne servait à rien. L’homme ne pouvait pas plus qu’une pierre se mouvoir d’un pouce, ni se fier à son cerveau plus qu’à un navet. Le ciel et la terre étaient vides. Il n’y demeurait que le nom du Christ, jeté en une imprécation désolée, lugubre comme le cri d’une bête traquée.
Auteur:
Info: Saint Thomas du Créateur, Dominique Martin Morin, 2016, pages 167-168
Commentaires: 2
miguel
28.12.2024
:-)
Coli Masson
28.12.2024
J'imagine que tu trouveras le portrait un peu poussé...