Pourquoi un tel doute pesait-il sur la valeur des jugements de ma conscience ? […]
Remontant d’étape en étape dans ma vie, j’ai constaté que tout cela était extrêmement vieux, ou plutôt datait de ma première enfance.
J’avais toujours eu très honte de moi, les souvenirs de mes hontes me revenaient en foule, avec ce trait commun à tous que j’étais toujours très inférieure à ce que j’aurais dû être et que c’était une honte pour ma famille, dans laquelle je faisais tache.
Mon jugement personnel (en tant que personnel) ne m’avait jamais paru valable, en raison de certains faits très souvent répétés et d’une constatation :
- Les faits se rapportent à l’habitude qu’avaient mes sœurs de dire et répéter de moi : "Elle est bête, elle est trop bête, on n’en a jamais vu une si bête !" De plus, on s’amusait beaucoup à me dire, sur le même ton, des choses vraies et d’autres fausses et l’on jouissait sans malice de mon embarras, car je ne savais jamais s’il fallait croire ou rire ; quand je me trompais tous riaient, alors je pleurais et mes petits chagrins provoquaient alors une plus grande hilarité. Comme nous nous aimions tous beaucoup, cela paraissait aux autres anodins, mais à moi, tragique.
- J’ai constaté très jeune, en me comparant à ceux avec qui je vivais, que j’étais beaucoup plus qu’eux en communion avec la réalité concrète, je m’y sentais vivre tandis que tout ce qui relevait du domaine de l’abstrait me semblait vide et mort, sans consistance ; comme je ne savais comment faire pour m’y introduire, je pensai très tôt que j’étais incapable d’idées et, par suite, de jugements justes : ce domaine me dépassait.
Années: 1903 - 1980
Epoque – Courant religieux: Récent et Libéralisme économique
Sexe: F
Profession et précisions: religieuse dominicaine française
Continent – Pays: Europe - France