Citation
Catégorie
Tag – étiquette
Auteur
Info
Rechercher par n'importe quelle lettre



nb max de mots
nb min de mots
trier par
Dictionnaire analogique intriqué pour extraits... Recherche mots ou phrases tous azimuts... Outil de précision sémantique et de réflexion communautaire... Voir aussi la rubrique mode d'emploi. Jetez un oeil à la colonne "chaînes". ATTENTION, faire une REINITIALISATION après  une recherche complexe. Et utilisez le nuage de corrélats ... Lire la suite >>
Résultat(s): 427
Temps de recherche: 0.0412s

attentats

Les attaques du 11 septembre 2001 ont été un formidable prétexte pour accélérer le développement de la dernière grande passion occidentale, la seule que les Occidentaux soient encore en état de s’offrir, et ce n’est nullement la guerre mais la petite manie maniaque de la sécurité ou de l’assurance tous risques. Et qu’en l’occurrence le troupeau abattu ne soit pas le bon (celui qui propage le virus du terrorisme international) n’a aucune importance. Ce qui compte c’est d’appliquer le principe préventif des abattages dissuasifs (les troupeaux voisins y regarderont à deux fois, maintenant, avant de nous emmerder). Mais ce principe, lui non plus, n’est pas historique. Il n’est que médical et prophylactique. Il relève de l’obsession de l’assurance-vie, c’est-à-dire du terrorisme de la survie, du contrôle de la mort par sa neutralisation. Et jamais, dans l’Histoire, aucune guerre n'a été décidée sur le modèle des traitements contraceptifs élevés au niveau de la géopolitique. Quand être protégé est la dernière preuve que l’on parvienne encore à s’administrer que l’on n’est pas mort, c’est la vie elle-même qui est pour ainsi dire dissuadée par sa protection même. Après l’Histoire, écrirait aujourd’hui Hegel, la vie protégée, c’est-à-dire la mort par anticipation, vit une longue vie humaine. Et fabriquer de la sécurité est la dernière activité, le dernier faire qui donne encore l’impression que l’on fait quelque chose. Le droit d’ingérence, dans ces conditions, devient aussi le droit du plus mort.

Auteur: Muray Philippe

Info: Dans "Exorcismes spirituels, tome 4", Les Belles Lettres, Paris, 2010, pages 1537-1538

[ obsession sécuritaire ] [ orient-occident ] [ monopole de la violence ]

 

Commentaires: 0

Ajouté à la BD par Coli Masson

politique

Notre époque ne produit pas que des terreurs innommables, prises d’otages à la chaîne, réchauffement de la planète, massacres de masse, enlèvements, épidémies inconnues, attentats géants, femmes battues, opérations suicide. Elle a aussi inventé le sourire de Ségolène Royal. C’est un spectacle de science-fiction que de le voir flotter en triomphe, les soirs électoraux, chaque fois que la gauche, par la grâce des bien-votants, se trouve rétablie dans sa légitimité transcendantale. On en reste longtemps halluciné, comme Alice devant le sourire en lévitation du Chat de Chester quand le Chat lui-même s’est volatilisé et que seul son sourire demeure suspendu entre les branches d’un arbre.

On tourne autour, on cherche derrière, il n’y a plus personne, il n’y a jamais eu personne. Il n’y a que ce sourire qui boit du petit-lait, très au-dessus des affaires du temps, indivisé en lui-même, autosuffisant, autosatisfait, imprononçable comme Dieu, mais vers qui tous se pressent et se presseront de plus en plus comme vers la fin suprême.

C’est un sourire qui descend du socialisme à la façon dont l’homme descend du cœlacanthe, mais qui monte aussi dans une spirale de mystère vers un état inconnu de l’avenir où il nous attend pour nous consoler de ne plus ressembler à rien.

C’est un sourire tutélaire et symbiotique. Un sourire en forme de giron. C’est le sourire de toutes les mères et la Mère de tous les sourires."

Auteur: Muray Philippe

Info: "Exorcismes spirituels, tome 4", Les Belles Lettres, Paris, 2010, page 1595. Le sourire à visage humain

[ publicité ] [ ironie ] [ vacherie ] [ chiasme ]

 
Commentaires: 1

écrivain-sur-écrivain

[…] ses livres [à Gertrude Stein] à sens creux dénoncent en creux le cadavre du sens – sans être capables, comme Joyce, par exemple, de dégager dans la langue le sens de cette mort, et de se faire le père invisible de l’enfer invisible nouvellement institué.

Le discours sur Stein est pauvre. Est-ce la conséquence de la pauvreté du discours de Stein ? On dirait qu’elle n’arrête pas d’attirer un certain type de stéréotypes : prose de mascaret, périodes équinoxiales, métrique obsessionnelle océanique. Sa doctrine profonde ? Chaque feuille doit avoir la même valeur qu’un arbre. Sainte Thérèse avait promis d’envoyer une pluie de roses sur le monde ; Stein y balance ses déluges d’automne. Pluies sulpiciennes de l’avant-garde.

Il y a quelque chose, tout de même, qui me semble filtrer par ses ressassements. Quelque chose comme un ressassement des êtres et des choses traduisant une angoisse précise pour la conjurer. L’angoisse, peut-être, de la fourmilière elle-même se ressassant sur le monde en tant que pseudo-nouveauté alors qu’elle n’est que le visage accompli, enfin, d’une éternelle menace. Les livres de Stein sont remplis de notations qui ont l’air de conjurer ce vidage brutal du sens et ce remplissage par tout autre chose :

"Toujours est-il que personne ne peut plus se perdre parce que la terre est tellement couverte de gens et tout le monde passe son temps à aller d’un endroit à un autre." 

Auteur: Muray Philippe

Info: Ultima Necat, tome 1, Les Belles Lettres, 2015, 9 septembre 1979

[ style ] [ romancière ] [ critique ]

 
Commentaires: 1
Ajouté à la BD par Coli Masson

grand-père

Le mal est extérieur à l’enfant ; même quand l’homme y succombe, il n’en est jamais responsable ; chaque nouveau-né est une figure du rédempteur destinée à nous arracher à la fatalité. Hugo dit même qu’il croit en lui "comme on croyait aux apôtres"… Le voilà qui nous apparaît en éducateur moderne ultra-permissif et culpabilisé (dans le poème intitulé Les Enfants gâtés), en pédagogue non directif d’école moderne ouvert aux idées avancées. Il feint de s’accuser d’être un aïeul-gâteau qui passe "toutes bornes" dans la clémence, qui fait "enjamber toutes lois" à ses petits protégés, ose leur montrer "l’auguste armoire où sont les pots de confiture", grimpe même pour eux sur des chaises… Bref, il s’idéalise lui-même en décastrateur :

"Oui, je tiens pour erreurs stupides les maximes
Qui veulent interdire aux grands aigles les cimes,
L’amour aux seins d’albâtre et la joie aux enfants."

Il s’en prend autant qu’il peut bien sûr aux curés. Toutes les occasions sont bonnes pour en parler, de ceux-là. Voilà un vase de Chine qui tombe et se casse : immédiatement il en explique les figures peintes aux enfants :

"Voici le Yak ; voici le singe quadrumane ;
Ceci c’est un docteur peut-être ou bien un âne.
Il dit la messe, à moins qu’il ne dise hi-han."

On trouve aussi l’histoire particulièrement bouffonne d’un lion qui enlève un enfant puis se laisse attendrir par sa mère agenouillée devant lui et abandonne sa proie. Miracle moderne. Triomphe du non-péché.

Auteur: Muray Philippe

Info: Dans "Le 19e siècle à travers les âges", page 560

[ enfance ] [ vacheries ] [ modèle ]

 

Commentaires: 0

Ajouté à la BD par Coli Masson

écrivain-sur-écrivain

Ceux qui croient vraiment être ce qu’ils sont, qui ne se sentent pas malades de leur nom fuyant, qui habitent patiemment la maladie de leur corps, qui savent reconnaître leur droite de leur gauche, ce monde du néant, ce siècle des autres, leur femme des autres femmes, leur mort des autres morts, leur mémoire de toutes les mémoires montantes et descendantes, n’ont pas besoin de lire Bloy, ni d’ailleurs aucun écrivain, ils peuvent dormir tranquilles en se pensant nés de l’homme et de la femme, ils ne seront jamais réveillés par le cauchemar de la chute infinie, jamais travaillés par la multiplicité dans l’identité, ou encore par cette efflorescence de signatures glissantes qu’aligne Bloy pour reconstituer son impossible nom propre : Satan-Paraclet-Femme-Christ-Lucifer-Napoléon-Israël et qui vous voudrez. Bloy emprunte un long chemin détourné pour tenter de revenir à lui-même, n’y parvient pas, repart, débouche dans ce siècle, dans un autre. A sa manière tellement tordue, anachronique, souvent grandiloquente, parfois ridicule, c’est pourtant, en un sens et très exactement, toute l’aventure de la modernité littéraire qu’il dessine – Artaud, Lautréamont, Céline, Joyce, etc. – de l’extérieur et à gros traits appuyés, à travers des saturations insensées de syntaxe. La sphère où, après lui, les écrivains du XXe siècle interviendront mais de façon absolument négative (sans plus se préoccuper d’aucune signification supérieure), Bloy l’a connue, cernée de l’extérieur, il s’est exténué à lui trouver un sens et c’est cela que je veux tenter de suggérer d’abord à travers ces pages.

Auteur: Muray Philippe

Info: Ultima Necat, tome 1, Les Belles Lettres, 2015, Bloy, l’homme au secret, 1er septembre 1979

[ division subjective ] [ intranquillité ] [ précurseur ] [ littérature ] [ identité illusoire ] [ quêteur ]

 
Commentaires: 2
Ajouté à la BD par Coli Masson

écrivain-sur-écrivain

Ce que veut Sollers, je le comprends enfin, je le savais depuis toujours, ce n’est pas être un grand écrivain, ça ne lui suffit pas. Ce qu’il veut, c’est être le dernier écrivain. Qu’après lui il n’y ait rien. Son aventure, selon lui, ne prendra tout son sens qu’à cette condition. Ce qu’écrivent les autres, si ça ne concourt pas à la réalisation de ce projet, est nuisible. C’est un danger, ou au moins un retard, un atermoiement inutile. L’ennui est que, plus timidement, dans mon coin, avec infiniment moins de moyens (d’où ma discrétion), je pense la même chose. Son agressivité destructrice s’explique par là. Le besoin de maintenir sous sa surveillance n’importe qui, du moment qu’il sent un peu d’originalité virtuelle. La nécessité d’être en éveil tout le temps, jour et nuit. Épuisant probablement. La haine maladive. La gentillesse aussi, la générosité soudaine, comme une surprise qu’il se fait à lui-même. La nécessité, la fatalité de n’avoir plus autour de lui que des larbins obscurs ou des cons célèbres sans aucun danger. La rage folle consistant à jouer l’un contre l’autre tous les écrivains, tout le temps (Roth pour écraser Kundera, en ce moment ; Jean Rhys contre O’Connor à cause de mon penchant, ces derniers mois, pour elle). N’importe quel écrivain, vivant, mort. Tout ça doit disparaître. Vue de l’extérieur, subie péniblement, son attitude est absolument nihiliste. La nullité de ce qu’il publie maintenant dans sa revue et sa collection est également logique. Puisqu’il doit être le dernier.

Auteur: Muray Philippe

Info: Ultima Necat I : Journal intime 1978-1985, Les Belles Lettres, 2015. 5 décembre 1985

[ vacherie ] [ parisianisme ]

 

Commentaires: 0

Ajouté à la BD par Le sous-projectionniste

héritiers

A tout moment, les artistes d'autrefois sont susceptibles de se voir inculper pour des crimes ou des délits qui n'existaient pas de leur vivant.
Nous sommes si fiers de nos "valeurs" que nous les avons rendues rétroactives : c'est ce qui les différencie des lois ordinaires qui, comme le dit le Code Civil, "ne disposent que pour l'avenir".
C'est souvent un fils ou une fille de notable qui exerce des représailles posthumes sur son géniteur ou sa génitrice. Voir le livre de la fille de Jacques Lacan, il y a quelques mois.
Ce peut être aussi une ex-compagne : Françoise Gilot réglant ses comptes avec Picasso dans "Vivre avec Picasso". La plupart sont très colère contre le génie qui les a génités. Ils l'auraient souhaité un peu moins génial et beaucoup plus géniteur. Ils écrivent des livres pour s'en plaindre. Ils donnent des entretiens. Ça pourrait même devenir un genre littéraire. Dans le style "Ma rancoeur mise à nu".
J'ai entendu l'une des petites-filles de Picasso confesser qu'elle haïssait son grand-père ("Il a fait tellement de mal à ses proches !"), mais que, tenant de lui un assez bel héritage, elle le consacrait à aider l'enfance malheureuse. Ainsi se retrouve blanchi l'argent si mal gagné de cet odieux aïeul.
Quant à la fille unique de Céline, on lui doit cet aveu : "Je préfère être la fille de "Louis" plutôt que celle de Céline." L'ennui c'est que "Voyage au bout de la nuit", ce n'est pas "Louis" qui l'a écrit.

Auteur: Muray Philippe

Info: Désaccord parfait

[ ingrats ] [ injustes ]

 
Commentaires: 2
Ajouté à la BD par miguel

sécularisation

Comment se décompose le Christianisme ?

Lorsque l'on descend du salut à la sécurité, de l'espoir du salut à la demande de sécurité, et de la grâce à la santé, de la grâce sanctifiante à la prison de la santé.

Le nihilisme (et aussi bien le fascisme) se loge entre ces deux stades, entre ces deux marches de la descente aux enfers de la modernité : le salut n'est déjà plus crédible, mais la sécurité n'a pas encore disposé sa police efficace, totalisante et maternelle.

Il y a donc une place pour l'explosion : c'est le nihilisme.

Orphelin de la croyance, le nihiliste ne demande qu'une chose : qu'elle soit remplacée par quelque chose d'encore plus efficace.

Ce sera le contrôle, l'espionnage, la lutte planétaire du Bien contre le Mal, la terreur sécuritaire enfin réalisée à tous les niveaux.

Le nihiliste s'en satisfera pleinement : c'est cela qu'il voulait, comme un enfant turbulent réclame une baffe sans le savoir.

La baffe est faite, les jeux aussi.

La sécurité, qui est l'idéal sur lequel se rebâtit le monde d'après l'Histoire (et, pour moi, l'Histoire, j'y insiste, était celle du salut), comble pleinement le nihiliste dont le malheur était d'avoir perdu un maître et de ne pas en avoir retrouvé un autre (c'est tous le sens des Démons).

Il en a trouvé un.

Le nihilisme est derrière nous.

Le sécuritisme universel l'a englobé.

Auteur: Muray Philippe

Info: 2003

[ infantilisation ] [ dégénérescence ]

 

Commentaires: 0

Ajouté à la BD par Coli Masson

roman des origines

La majorité de nos hommes du 19e siècle ont une affaire de baptême plus ou moins raté dans leurs souvenirs d’enfance. Pas de baptême ; ou baptême truqué ; ou encore baptême compliqué, clandestin. Libre à quiconque, bien entendu, de penser qu’il s’agit là d’un détail insignifiant qui n’aurait à être pris en compte que si on se rangeait sur les positions d’un culte archaïque dépassé. Que si on imaginait qu’il y a eu un crime à la naissance des temps, une affaire de ratage devenu tout de suite sanglant. Une tache sur l’Harmonie. […] Pourtant, si le baptême est bien cette tentative de diviser tout de suite, de démanteler dès la naissance le réseau du moi cohérent et cuirassé par le rappel du péché originel arbitraire, contracté sans faute personnelle, ne serait-il pas normal que, ayant été écartés de cette espèce d’essai de transfert d’une façon ou d’une autre, chacun à sa manière et dans des conditions biographiques diverses […], ils se soient racontés de manière sublimatoire qu’ils étaient nés le plus naturellement du monde dans l’immersion de l’Harmonie qu’ils avaient désormais à retrouver, reconstituer, réchauffer ? Quelle raison auraient-il eu d’imaginer qu’ils écrivaient à partir d’une exclusion dont ils n’étaient pas conscients, alors que tout leur travail consistait à démontrer que l’exclusion originelle (la première Faute biblique, la première exclusion que le baptême entend "absorber" et résorber) n’était qu’une invention, un mythe forgé par un complot de curés fanatiques ? Exclus de l’opération qui tente l’impossible effacement de l’exclusion, comment auraient-ils pu se réveiller ?

Auteur: Muray Philippe

Info: Dans "Le 19e siècle à travers les âges", pages 135-136

[ sacrement chrétien ] [ rafistolage ] [ onction ]

 

Commentaires: 0

Ajouté à la BD par Coli Masson

surpopulation

[…] voici le Dieu de la Bible qui se préoccupe énormément de recensements de populations. Qui demande à Moïse, sur le Sinaï, dans la Tente d’Assignation, le premier jour du deuxième mois de la deuxième année de la sortie d’Egypte : "Faites le relevé de toute communauté des enfants d’Israël, selon leurs familles et leurs maisons paternelles, au moyen d’un recensement nominal de tous les mâles, comptés par tête." Qui recommence un peu plus tard : "Faites le relevé de la communauté entière des enfants d’Israël", etc. Et qui soudain s’énerve et envoie la peste sur l’indénombrable qui vient une nouvelle fois d’être recensé dans Samuel, 11, 24, après la débauche de Moab. Le geste a paru tellement bizarre, injustifiable de la part de Dieu, que le "chroniste" a cru bon de remplacer Dieu par Satan ! Mais en réalité, la colère de Dieu est logique : elle vient de ce que David s’est contenté de lui communiquer un chiffre, et non plus un rapport détaillé énumérant comme par le passé les tribus et les familles par leurs noms. Dieu est tout à fait contre l’anonymat. Il déteste l’administration, les bureaucraties, l’emmêlement des œuvres collectives. Alors il retourne à David son compliment et lui démontre par l’envoi d’une épidémie spécialement meurtrière que, lorsqu’on se met en nombre, en collectivité, lorsque les noms deviennent légion, eh bien on est immédiatement vulnérable en tant que nombre. Parodie prévisionnelle, en quelque sorte, de la gestion par l’Etat moderne de ces génocidées en puissance que sont toujours les masses.

Auteur: Muray Philippe

Info: Dans "Le 19e siècle à travers les âges", page 124

[ interprétation ] [ interchangeables ] [ ancien testament ]

 

Commentaires: 0

Ajouté à la BD par Coli Masson