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catharsis

C’est du côté de cet attrait que nous devons chercher le vrai sens, le vrai mystère, la vraie portée de la tragédie. C’est dans le côté d’émoi qu’il comporte, du côté des passions sans doute, mais d’une passion singulière où la crainte et la pitié sont bien "δι᾽ἐλέου καὶ ϕόβου"*. Par l’intermédiaire de la pitié et de la crainte, nous sommes purgés, purifiés de tout ce qui est de cet ordre, de cet ordre-là que nous pouvons d’emblée, d’ores et déjà, reconnaître : c’est la série de l’imaginaire à proprement parler.

Et si nous en sommes purgés par l’intermédiaire d’une image entre autres, c’est bien là où nous devons nous poser la question, quelle est alors la place occupée par cette image autour de laquelle toutes les autres semblent tout d’un coup s’évanouir, se déplier, se rabattre en quelque sorte ? N’est-ce pas parce que cette image centrale d’Antigone, de sa beauté... ceci je ne l’invente pas, car je vous montrerai le passage du chant du Chœur où elle est évoquée comme telle, et je vous montrerai que c’est le passage pivot ...ne nous éclaire pas, par l’articulation de l’action tragique, sur ce qui fait son pouvoir dissipant par rapport à toutes les autres images ?

À savoir la place qu’elle occupe, sa place dans l’entre-deux de deux champs symboliquement différenciés. C’est sans doute de tirer tout son éclat de cette place, cet éclat que tous ceux qui ont parlé dignement de la beauté n’ont jamais pu éliminer de leur définition. C’est cette place, vous le savez, que nous cherchons à définir et que nous avons déjà, dans nos leçons précédentes, approchée, tenté de saisir la première fois par la voie de "cette seconde mort" imaginée par les héros de SADE, la mort pour autant qu’elle est appelée comme le point où s’annihile le cycle même des transformations naturelles.

[…]

Et pour vous suggérer que cette dimension n’est pas une particularité d’Antigone, je peux facilement vous proposer de regarder dès lors de-ci, de-là, où vous pouvez en retrouver les correspondants. Vous n’aurez pas besoin de chercher bien loin pour vous apercevoir de la fonction singulière, dans l’effet de la tragédie, de la zone ainsi définie.

C’est ici, dans la traversée de cette zone, de ce milieu, que le rayon du désir se réfléchit et se réfracte à la fois, aboutissant en somme à nous donner l’idée de cet effet si singulier, et qui est l’effet le plus profond, que nous appelons l’effet du beau sur le désir, c’est à savoir ce quelque chose qui semble singulièrement le dédoubler là où il poursuit sa route. Car on ne peut dire que le désir soit complètement éteint par l’appréhension de la beauté, il continue sa course, mais il a là, plus qu’ailleurs, le sentiment du leurre, en quelque sorte, manifesté par la zone d’éclat et de splendeur où il se laisse entraîner. D’autre part, non réfracté mais réfléchi, repoussé, son émoi, il le sait bien le plus réel. Mais là il n’y a plus d’objet du tout.

D’où les deux faces de cette sorte d’extinction ou de tempérament du désir par l’effet de la beauté, sur lequel insistent certains penseurs, Saint THOMAS que je vous citai la dernière fois, et de l’autre côté, cette disruption de tout objet sur laquelle l’analyse de KANT, dans la Critique du Jugement, insiste.

Auteur: Lacan Jacques

Info: 25 mai 1960 *"par la pitié et la crainte"., provient de la définition de la tragédie donnée par Aristote dans sa Poétique (chapitre 6). Dans ce contexte, Aristote décrit la manière dont la tragédie agit sur les spectateurs.

[ réel-symbolique-imaginaire ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

construction psychologique

[...] si l’on généralise à l’excès la notion de libido, [...] ce faisant, on la neutralise. N’est-il pas évident, de plus, qu’elle n’apporte rien d’essentiel à l’élaboration des faits de la névrose si la libido fonctionne à peu près comme ce que M. Janet appelait la fonction du réel ? La libido prend son sens, au contraire, de se distinguer des rapports réels ou réalisants, de toutes les fonctions qui n’ont rien à faire avec la fonction de désir, de tout ce qui touche aux rapports du moi et du monde extérieur. Elle n’a rien à voir avec d’autres registres instinctuels que le registre sexuel, avec ce qui touche par exemple au domaine de la nutrition, de l’assimilation, de la faim pour autant qu’elle sert à la conservation de l’individu. Si la libido n’est pas isolée des fonctions de conservation de l’individu, elle perd tout sens.

Or, dans la schizophrénie, il se passe quelque chose qui perturbe complètement les relations du sujet au réel, et noie le fond avec la forme. Ce fait pose tout d’un coup la question de savoir si la libido ne va pas beaucoup plus loin que ce qui a été défini en prenant le registre sexuel comme noyau organisateur, central. C’est là que la théorie de la libido commence à faire problème.

[...]

Jung [...] introduit la notion d’introversion qui est pour lui – c’est la critique que lui fait Freud – une notion ohne Unterscheidung, sans aucune distinction. Et il aboutit à la notion vague d’intérêt psychique, qui confond en un seul registre ce qui est de l’ordre de la conservation de l’individu et ce qui est de l’ordre de la polarisation sexuelle de l’individu dans ses objets. Il ne reste plus qu’une certaine relation du sujet à lui-même que Jung dit d’être d’ordre libidinal. Il s’agit pour le sujet de se réaliser en tant qu’individu en possession des fonctions génitales.

La théorie psychanalytique a été depuis lors ouverte à une neutralisation de la libido qui consiste, d’un côté, à affirmer fortement qu’il s’agit de libido, et de l’autre, à dire qu’il s’agit simplement d’une propriété de l’âme, créatrice de son monde. Conception extrêmement difficile à distinguer de la théorie analytique, pour autant que l’idée freudienne d’un autoérotisme primordial à partir de quoi se constitueraient progressivement les objets est presque équivalente dans sa structure à la théorie de Jung.

Voilà pourquoi, dans l’article sur le narcissisme, Freud revient sur la nécessité de distinguer libido égoïste et libido sexuelle. [...]

Le problème est pour lui extrêmement ardu à résoudre. Tout en maintenant la distinction des deux libidos, il tourne [...] autour de la notion de leur équivalence. Comment ces deux termes peuvent-ils être rigoureusement distingués si on conserve la notion de leur équivalence énergétique, qui permet de dire que c’est pour autant que la libido est désinvestie de l’objet qu’elle revient se reporter dans l’ego ? [...] De ce fait, Freud est amené à concevoir le narcissisme comme un processus secondaire. Une unité comparable au moi n’existe pas à l’origine, nicht von Anfang, n’est pas présente depuis le début dans l’individu, et l’Inch a à se développer, entwickeln werden. Les pulsions autoérotiques, au contraire, sont là depuis le début. [...] Dans le développement du psychisme, quelque chose de nouveau apparaît dont la fonction est de donner forme au narcissisme. N’est-ce pas marquer l’origine imaginaire de la fonction du moi ?

Auteur: Lacan Jacques

Info: Dans le "Séminaire, Livre I", "Les écrits techniques de Freud (1953-1954)", éditions du Seuil, 1975, pages 182 à 185

[ historique ] [ déviations ]

 

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philosophie antique

Je crois que pour comprendre ce texte de PLATON, pour le juger, on ne peut pas ne pas évoquer dans quel "contexte du discours" il est, au sens du discours universel concret.

Et là encore, que je me fasse bien entendre : il ne s’agit pas à proprement parler de le replacer dans l’histoire ! Vous savez bien que ce n’est point là notre méthode de commentaire, et que c’est toujours pour ce qu’il nous fait entendre à nous, qu’un discours - même prononcé à une époque très lointaine où les choses que nous avons à entendre n’étaient point en vue - nous l’interrogeons.

Mais il n’est pas possible, concernant le Banquet, de ne pas nous référer à quelque chose qui est le rapport du discours et de l’histoire, à savoir : non pas comment le discours se situe dans l’histoire, mais comment l’histoire elle-même surgit d’un certain mode d’entrée du discours dans le réel. Et aussi bien il faut que je vous rappelle ici, au moment du Banquet où nous sommes, au IIème siècle de la naissance du discours concret sur l’univers, je veux dire qu’il faut que nous n’oubliions pas cette efflorescence philosophique du VIème siècle, si étrange, si singulière d’ailleurs pour les échos ou les autres modes d’une sorte de chœur terrestre qui se font entendre à la même époque en d’autres civilisations, sans relation apparente. Mais laissons cela de côté.

[…] Ce que je veux vous faire sentir, c’est que c’est la première fois que dans cette tradition occidentale […], ce discours s’y forme comme visant expressément l’univers, pour la première fois comme visant à rendre l’univers discursif. C’est-à-dire qu’au départ de ce premier pas de la science comme étant la sagesse, l’univers apparaît comme univers de discours.

Et en un sens, il n’y aura jamais d’univers que de discours. Tout ce que nous trouvons à cette époque, jusqu’à la définition des éléments [terre, eau, air, feu] qu’ils soient quatre ou plus, a quelque chose qui porte la marque, la frappe, l’estampille, de cette requête, de ce postulat, que l’univers doit se livrer à l’ordre du signifiant. Sans doute, bien sûr, il ne s’agit point de trouver dans l’univers des éléments de discours mais des éléments s’agençant à la manière du discours. Et tous les pas qui s’articulent à cette époque entre les tenants, les inventeurs de ce vaste mouvement interrogatoire, montrent bien que si, sur l’un de ces univers qui se forgent, on ne peut discourir de façon cohérente aux lois du discours, l’objection est radicale.

[…] Donc à l’arrière-plan de ce Banquet, de ce discours de PLATON, et dans le reste de son œuvre nous avons cette tentative, grandiose dans son innocence, cet espoir qui habite les premiers philosophes dits "physiciens" de trouver, sous la garantie du discours - qui est en somme toute leur instrumentation d’expérience - la prise dernière sur le réel.

[…] Et c’est ainsi que je dois vous rappeler que ce réel, cette prise sur le réel n’a pas à être conçue à cette époque comme le corrélatif d’un sujet, fût-il universel, mais comme le terme que je vais emprunter à la Lettre VII de PLATON [324a-352a] où dans une courte digression, il est dit ce qui est cherché par toute l’opération de la dialectique : c’est tout simplement la même chose dont j’ai dû faire état l’année dernière dans notre propos sur L’Éthique et que j’ai appelé la Chose […].

Auteur: Lacan Jacques

Info: 21 décembre 1960

[ clé de lecture ] [ historique ] [ approche ] [ structure ] [ épistèmè ]

 

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religion

[…] il y a quelque paradoxe à aboutir à cette position d’exclure pratiquement du débat, de la discussion, de l’examen des choses, des termes, des doctrines qui ont été articulées dans le champ propre de la foi, comme restant dès lors en quelque sorte d’un domaine qui serait réservé aux croyants. […]

Je crois au contraire qu’il n’y a nul besoin de donner cette forme d’adhésion, quelle qu’elle soit, sur laquelle je n’ai pas même à entrer ici, dont l’éventail peut se déployer dans l’ordre de ce qu’on appelle la foi, pour que se pose pour nous analystes, je veux dire pour nous qui prétendons, dans des phénomènes qui sont de notre champ propre, vouloir aller au-delà de certaines conceptions d’une pré-psychologie, à savoir aborder ces réalités humaines sans préjugé, je considère que nous ne pouvons pas non seulement les laisser, mais nous ne pouvons pas ne pas nous intéresser de la façon la plus précise, à ce qui s’est articulé - j’entends ce qui s’est articulé comme tel, dans ces propres termes - dans l’expérience religieuse, sous les termes par exemple du conflit entre la liberté et la grâce.

Une notion aussi articulée, aussi précise, et aussi irremplaçable que celle de la grâce, quand il s’agit de la psychologie de l’acte, est quelque chose dont nous ne trouvons ailleurs - je veux dire dans la psychologie académique classique - rien d’équivalent. Et je considère donc que non seulement les doctrines, mais le texte historique, l’histoire des choix, c’est-à-dire les hérésies qui ont été faites, qui sont attestées au cours de l’histoire dans ce registre, la ligne des emportements qui ont motivé un certain nombre de directions dans l’éthique concrète des générations, est quelque chose qui non seulement appartient à notre examen, mais qui requiert, j’insiste, dans son registre propre, dans son mode d’expression, toute notre attention.

Il ne suffit pas, parce que de certains thèmes ne sont usités, mis en usage, que dans le champ des gens dont nous pouvons dire qu’ils croient croire - après tout qu’en savons-nous ? - que ce domaine leur reste réservé. Pour eux, ce ne sont pas des croyances. Si nous supposons qu’ils y croient vraiment, ce sont des vérités. Ce à quoi ils croient, qu’ils croient, qu’ils y croient ou qu’ils n’y croient pas, rien n’est plus ambigu que la croyance, il y a une chose certaine, c’est qu’ils croient le savoir.

C’est un savoir comme un autre, et à ce titre cela tombe dans le champ de l’examen que nous devons accorder, du point où nous sommes, à tout savoir, dans la mesure même où, en tant qu’analystes, nous pensons qu’il n’est aucun savoir qui ne s’élève sur un fond d’ignorance. C’est cela qui nous permet d’admettre comme tels bien d’autres savoirs que le savoir scientifiquement fondé.

[…]

Je crois qu’il n’y a pas de préjugé plus courant, sinon que FREUD parce qu’il a pris sur le sujet de l’expérience religieuse la position la plus tranchante, à savoir qu’il a dit que tout ce qui dans cet ordre était d’appréhension sentimentale, cet ordre, littéralement ne lui disait rien, que c’était littéralement pour lui aller jusqu’à la lettre morte. Seulement si nous avons ici, vis-à-vis de la lettre, la posture qui est la nôtre, cela ne résout rien, parce que toute morte qu’elle est cette lettre, elle peut néanmoins avoir été une lettre bel et bien articulée et articulée précisément au moins dans certains champs, dans certains domaines, précisément de la même façon que l’expérience religieuse l’a articulée.

Auteur: Lacan Jacques

Info: 16 mars 1960

[ psychanalyse ] [ actualité ] [ inconscient ]

 
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obsessionnel

Mais ce sur quoi je voudrais insister - car c’est une réalité clinique et cela peut servir d’orientation et de guide dans l’expérience analytique, et c’est un schéma général chez le névrosé - c’est une situation de quatuor : quatuor qui se renouvelle sans cesse mais qui n’existe pas sur le même plan.

Disons, pour schématiser les idées, que pour un sujet de sexe mâle, le problème de son équilibre moral et psychique est celui de l’assomption de sa propre fonction… en tant qu’elle est fonction donc d’une indépendance, moralement, psychiquement et éthiquement, qui est celle de l’assomption de son rôle en tant qu’il se fait reconnaître comme tel dans sa fonction … l’assomption de son propre travail au sens qu’il en assume les fruits sans conflit, sans avoir le sentiment que c’est quelqu’un d’autre que lui qui le mérite, ou que lui-même ne l’a que par raccroc, sans qu’il y ait de division intérieure qui fait que le sujet n’est en quelque sorte que le témoin aliéné des actes de son propre moi.

C’est la première exigence. L’autre exigence étant celle-ci : une jouissance qu’on peut qualifier de paisible, et d’univoque également, de l’objet sexuel une fois choisi, une fois accordé à la vie du sujet.

Eh bien, chez le névrosé, ce que nous voyons se passer, c’est quelque chose qui est à peu près ceci : chaque fois que le sujet réussit, ou vise, ou tend à réussir cette assomption de son propre rôle - au sens où le sujet assume ses responsabilités jusqu’à un certain point, devient identique à lui-même et s’assure du bien-fondé de sa propre manifestation dans le complexe social déterminé - c’est l’objet, c’est ce personnage du partenaire sexuel qui se dédouble, ici sous la forme de la femme riche et de la femme pauvre.

Et il suffit d’entrer, non plus dans le fantasme, mais dans la vie réelle du sujet pour toucher du doigt que ce dont il s’agit, c’est ce quelque chose qui est vraiment très frappant dans la psychologie des névrosés. C’est tout particulièrement l’aura d’annulation qui entoure le plus familièrement pour lui le partenaire sexuel qui a le plus de réalité, qui lui est le plus proche, avec lequel il a en général les liens les plus légitimes, qu’il s’agisse d’une liaison ou d’un mariage.

Et d’autre part, un personnage qui dédouble le premier, qui est l’objet d’une passion plus ou moins idéalisée, plus ou moins poursuivie de façon fantasmatique, avec un style qu’on peut considérer comme analogue à celui de l’amour passion, et qui d’ailleurs pousse à l’identification réalisée dans le vécu effectivement de la façon la plus active, un rapport narcissique avec le sujet, c’est-à-dire un rapport effectivement d’ordre mortel. Eh bien, ce dédoublement du partenaire sexuel, de l’objet d’amour, si on voit le sujet d’un autre côté, dans une autre face de sa vie, faire un effort pour retrouver son unité et sa sensibilité, c’est alors à l’autre bout de la chaîne relationnelle, c’est-à-dire dans l’assomption de sa propre fonction sociale - de sa propre virilité, puisque j’ai choisi le cas d’un homme - que le sujet voit apparaître à côté de lui, si l’on peut dire, un personnage avec lequel aussi il a ce rapport narcissique en tant que rapport mortel, personnage qu’il délègue à le représenter dans le monde et à vivre, qui n’est pas lui véritablement. Il se sent exclu, il se sent en dehors de son propre vécu, il ne peut pas assumer les particularités, les contingences, il se sent désaccordé à sa propre fonction, à sa propre existence, et dans cette alternance l’impasse se reproduit. 

Auteur: Lacan Jacques

Info: Le mythe individuel du névrosé

[ réel-symbolique-imaginaire ] [ symptôme ]

 
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philosophes

Nous savons que le discours de SOCRATE, même répété par des enfants, par des femmes, exerce un charme si l’on peut dire, sidérant. C’est bien le cas de le dire : "Ainsi parlait Socrate". Une force s’en transmet "qui soulève ceux qui l’approchent" disent toujours les textes platoniciens, bref, au seul bruissement de sa parole, certains disent "à son contact". 

Remarquez-le encore, il n’a pas de disciples, mais plutôt des familiers, des curieux aussi, et puis des ravis, frappés de je ne sais quel secret, des santons comme on dit dans les contes provençaux et puis, les disciples des autres aussi viennent, qui frappent à la porte. PLATON n’est d’aucun de ceux-là, c’est un tard-venu, beaucoup trop jeune pour n’avoir pu voir que la fin du phénomène. Il n’est pas parmi les proches qui étaient là au dernier instant, et c’est bien là la raison dernière - il faut le dire en passant très vite - de cette cascade obsessionnelle de témoignages où il s’accroche chaque fois qu’il veut parler de son étrange héros : 

"Un tel l’a recueilli d’un tel qui était là, à partir de telle ou telle visite où ils ont mené tel ou tel débat."

"L’enregistrement sur cervelle, là je l’ai en première, là en seconde édition".

PLATON est un témoin très particulier. On peut dire "qu’il ment" et d’autre part "qu’il est véridique même s’il ment" car, à interroger SOCRATE, c’est sa question à lui, PLATON, qui se fraye son chemin. PLATON est tout autre chose. Il n’est pas un "va nu pieds", ce n’est pas un errant. Nul dieu ne lui parle ni ne l’a appelé, et à la vérité, je crois qu’à lui, les dieux ne sont pas grand-chose. 

PLATON est un maître, un vrai, un maître témoin du temps où la cité se décompose, emportée par la rafale démocratique, prélude au temps des grandes confluences impériales. C’est une sorte de SADE en plus drôle. On ne peut même pas - naturellement, comme personne - on ne peut jamais imaginer la nature des pouvoirs que l’avenir réserve : les grands bateleurs de la tribu mondiale, ALEXANDRE, SELEUCIDE, PTOLÉMÉE, tout cela est encore à proprement parler impensable. Les militaires mystiques, on n’imagine encore pas ça !

Ce que PLATON voit à l’horizon, c’est une cité communautaire tout à fait révoltante à ses yeux comme aux nôtres. Le haras en ordre, voilà ce qu’il nous promet dans un pamphlet qui a toujours été le mauvais rêve de tous ceux qui ne peuvent pas se remettre du discord toujours plus accentué, de "l’ordre de la cité" avec "leur sentiment du bien". Autrement dit, ça s’appelle La République et tout le monde a pris cela au sérieux : on croit que c’est vraiment ce que voulait PLATON !

[…] Je crois qu’on a raison de lire le texte de PLATON sous l’angle de ce que j’appelle le dandysme : ce sont des écrits pour l’extérieur, j’irai jusqu’à dire qu’il jette aux chiens que nous sommes, les menus "bons ou mauvais morceaux", débris d’un humour souvent assez infernal, mais il est un fait : c’est qu’il a été entendu autrement.

C’est que le désir chrétien, qui a si peu à faire avec toutes ces aventures, ce désir chrétien dont l’os, dont l’essence est dans la résurrection des corps (il faut lire Saint AUGUSTIN pour s’apercevoir de la place que ça tient), que ce désir chrétien se soit reconnu dans PLATON, pour qui le corps doit se dissoudre dans une beauté supraterrestre et réduite à une forme - dont nous allons parler tout à l’heure - extraordinairement décorporalisée, c’est le signe évidemment qu’on est en plein malentendu.

Auteur: Lacan Jacques

Info: 21 décembre 1960

[ description ] [ interprétation ] [ sens de l'œuvre ] [ néoplatonisme ] [ erreur ] [ reprise ] [ différences ]

 

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psychanalyse

La question éthique de l’analyse se pose, non dans une spéculation d’ordonnance, d’arrangement, de ce que j’appelle "service des biens", mais à proprement parler implique cette dimension qui s’exprime dans ce qu’on appelle "l’expérience tragique de la vie". […]

Disons que ce rapport de l’action, au désir qui l’habite dans la dimension tragique se situe, s’exerce dans le sens, disons en première approximation, d’un triomphe de la mort. C’est le caractère fondamental de toute action tragique. Je vous ai appris à rectifier, à corriger : triomphe de "l’Être pour la mort". Qu’importe le μὴ ϕῦναι [mé phunai] tragique : ce μὴ, cette négation est identique à l’entrée du sujet comme tel sur le support du signifiant. […]

Et c’est parce que nous savons mieux que ceux qui nous ont précédés, reconnaître la nature du désir qui est au cœur de cette expérience, qu’une révision éthique est possible, qu’un jugement éthique est possible, qui répercute cette valeur de "jugement dernier" : "Avez-vous agi conformément au désir qui vous habite ?" Ceci n’est pas une question facile à soutenir. C’est une question - je le prétends - qui n’a jamais été posée dans cette pureté ailleurs qu’elle ne peut l’être, c’est-à-dire dans le contexte analytique.

À ce pôle du désir s’oppose la tradition, non pas dans son entier bien sûr - rien n’est nouveau et tout l’est, dans l’articulation humaine - mais ce que j’ai voulu, à l’opposé, vous faire sentir, et justement en prenant dans une tragédie l’exemple de l’antithèse du héros tragique qui, comme antithèse, ne participe pas moins dans la tragédie d’un certain caractère héroïque, et c’est CRÉON, sur ce support, autour de ce support, je vous l’ai rappelé aussi, préparé par un rappel : je vous ai parlé de ce qu’on appelle la position du "service des biens". 

Cette position du "service des biens" est la position de l’éthique traditionnelle. Tout ce qui est ravalement du désir, toute cette modestie, ce tempérament, cette voie médiane que nous voyons si éminemment remarquablement articulée dans ARISTOTE, il s’agit de savoir de quoi elle prend mesure, si sa mesure peut être quelque part fondée.

Il suffit d’un examen articulé et attentif pour voir que sa mesure est toujours profondément marquée d’ambiguïté. En fin de compte, l’ordre des choses sur lequel elle entend, elle prétend se fonder, c’est l’ordre du pouvoir, d’un pouvoir trop humain, et non pas parce que nous disons qu’il est humain et trop humain, mais parce qu’il ne peut pas même faire trois pas pour s’articuler, sans dessiner la circonvallation qui la serve du lieu où règne, disons-nous, le déchaînement des signifiants et où pour ARISTOTE il s’agit du caprice des dieux, pour autant qu’à ce niveau dieux et bêtes se réunissent pour signifier le monde de l’impensable. Certainement, ce dieu n’est pas le premier moteur. Il s’agit des dieux de la mythologie. Nous savons depuis, quant à nous, réduire ce déchaînement du signifiant. Mais ce n’est pas parce que nous l’avons mis presque tout entier, notre jeu, sur le Nom du Père, que la question en est simplifiée. 

Donc voyons-le bien, la morale d’ARISTOTE, c’est tout à fait clair - cela vaut la peine d’aller y voir de près - se fonde toute entière sur un ordre d’ailleurs arrangé, idéal, mais qui tout de même est celui qui répond à la politique de son temps, je veux dire au point où les choses étaient structurées dans la cité. Sa morale est une morale du maître, faite pour les vertus du maître, elle est essentiellement liée à un ordre des pouvoirs. L’ordre des pouvoirs n’est point à mépriser. Ce ne sont point ici à vous tenir propos d’anarchisme, simplement il faut en savoir la limite concernant le champ offert à notre investigation, à notre réflexion.

[…] La morale du pouvoir, du "service des biens", est comme telle : 

"Pour les désirs, vous repasserez, qu’ils attendent". 

Auteur: Lacan Jacques

Info: 6 juillet 1960

[ perspectives ] [ amoralisme ] [ dépassement ]

 

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rapports humains

[à propos du graphe du désir]

Cette autre ligne [δ→δ’] est donc celle du discours courant, commun, tel qu’il est admis dans le code du discours, de ce que j’appellerais le discours de la réalité qui nous est commune. C’est aussi le niveau où se produit le moins de créations de sens, puisque le sens est déjà en quelque sorte donné, et que la plupart du temps ce discours ne consiste qu’en un fin brassage de ce qu’on appelle idées reçus, que c’est très précisément au niveau de ce discours que se produit le fameux " discours vide " dont un certain nombre de mes remarques sur la fonction de la parole et du langage sont parties.

Vous le voyez donc bien :

– ceci [δ→δ’] est le discours concret du sujet individuel, de celui qui parle et qui se fait entendre. C’est ce discours que l’on peut enregistrer sur un disque.

– L’autre [γ→A] est ce que tout cela inclut comme possibilités de décomposition, de ré-interprétation, de résonance, d’effets métaphoriques et métonymiques.

L’un va dans le sens contraire de l’autre, pour la simple raison justement qu’ils glissent l’un sur l’autre, mais l’un recoupe l’autre, et ils se recoupent en deux points parfaitement reconnaissables.

Si nous partons du discours [δ→δ’], le premier point où le discours rencontre l’autre chaîne [γ→A] que nous appellerons la chaîne proprement signifiante, c’est, du point de vue du signifiant, ce que je viens de vous expliquer, à savoir " le faisceau des emplois ", autrement dit ce que nous appellerons " le code ". Et il faut bien que le code soit quelque part pour qu’il puisse y avoir audition de ce discours. Ce code est très évidemment dans le grand A qui est là, c’est-à-dire dans l’Autre en tant qu’il est le compagnon de langage. Cet Autre, il faut absolument qu’il existe, et je vous prie de noter à l’occasion qu’il n’y a absolument pas besoin de l’appeler de ce nom imbécile et délirant qui s’appelle " la conscience collective ".

Un Autre c’est un Autre, il en suffit d’un seul pour qu’une langue soit vivante, il suffit même tellement d’un seul, que cet Autre à lui tout seul peut être aussi le premier temps. Qu’il y en ait un qui reste et qui puisse se parler à lui-même sa langue, cela suffit pour qu’il y ait lui, et non seulement un Autre, mais même deux autres, en tout cas quelqu’un qui le comprenne. On peut continuer à faire des traits d’esprit dans une langue, quand on en est encore le seul possesseur.

Voilà donc la rencontre première [α] au niveau de ce que nous avons appelé " le code ". Et dans l’autre, la seconde rencontre [γ] qui achève la boucle, qui constitue à proprement parler le sens, qui le constitue à partir du code qu’elle a d’abord rencontré, c’est à ce point d’aboutissement. Vous voyez deux flèches qui aboutissent - et aujourd’hui je me dispenserai de vous dire quelle qu’elle est la seconde des flèches qui aboutit ici [γ] - dans ce point γ, c’est le résultat de cette conjonction du discours avec le signifiant comme support créateur de sens : c’est le message. Ici le sens vient au jour, la vérité qu’il y a à annoncer - si vérité il y a - est là dans le message.

La plupart du temps aucune vérité n’est annoncée, pour la simple raison que le discours [δ→δ’] ne passe absolument pas à travers la chaîne signifiante [γ→A], qu’il est le pur et simple ronron de la répétition et du moulin à paroles, et qu’il passe quelque part en court-circuit entre β et β’, et que le discours ne dit absolument rien, sinon de vous signaler que je suis un animal parlant. C’est le discours commun de ces mots pour ne rien dire, grâce à quoi on s’assure qu’on n’a pas en face de soi affaire à simplement ce que l’homme est au naturel, à savoir une bête féroce.

Auteur: Lacan Jacques

Info: Le séminaire, tome 5 : Les formations de l'inconscient - blabla de la non rencontre (tag de mg) *souligne la nature de l'interaction entre les plans distincts (les deux singularités horizontales et le consensus idiomatique vertical). C'est précisément le croisement de ces axes qui rend l'inventivité possible.

[ dialogiques ] [ interaction sémantique ] [ ronron aliénant ] [ contact créatif ] [ inventivité orthogonale * ]

 
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famille

On peut dire que la constellation originelle d’où est sorti le développement de la personnalité du sujet [l'homme aux rats étudié par Freud] - je parle de "constellation" au sens où en parleraient les astrologues - ce à quoi elle doit sa naissance et son destin, sa préhistoire je dirais presque, à savoir les relations familiales fondamentales qui ont présidé à la jonction de ses parents, ce qui les a amenés à leur union, c’est quelque chose qui se trouve avoir un rapport, et un rapport dont on peut dire qu’il est peut-être définissable dans la formule d’une certaine transformation à proprement parler mythique, un rapport tout à fait précis – avec quoi ? – avec la chose qui apparaît la plus contingente, la plus fantasmatique, la plus paradoxalement morbide, à savoir le dernier état de développement de ce qu’on appelle, dans cette observation : "la grande appréhension obsédante du sujet", c’est-à-dire le scénario auquel il parvient, scénario imaginaire, comme étant celui qui doit résoudre pour lui l’angoisse provoquée par le déclenchement de sa grande crise.

Je m’explique. 

La constellation familiale, la constellation originelle du sujet, par quoi est-elle formée, dans ce qu’on peut appeler la légende, la tradition familiale ? Par le récit d’un certain nombre de traits qui sont ceux qui typifient, ou spécifient l’union des parents, de ses géniteurs, et qui sont les suivants.

D’abord, le fait que le père… qui a été sous-officier au début de sa carrière, qui est resté un personnage très sous-officier, avec ce que cela comporte de note d’autorité – mais un peu dérisoire – une certaine dévaluation qui accompagne le sujet de façon permanente dans l’estime de ses contemporains, un mélange de braverie et d’éclat, dont on peut dire qu’il compose une sorte de personnage conventionnel et qu’on retrouve à travers l’homme sympathique qui est décrit dans les déclarations du sujet …ce père se trouve après son mariage dans la position suivante : il a fait ce qu’on appelle un mariage avantageux. En effet, c’est sa femme, qui appartient à un milieu beaucoup plus élevé dans la hiérarchie bourgeoise, qui a apporté à la fois les moyens de vivre et la situation même dont il bénéficie au moment où ils vont avoir leur enfant.

Donc, le prestige est du côté de la mère. Et une des taquineries les plus familières entre ces personnes - qui en principe s’entendent bien, et même semblent liées par une affection réelle - est une sorte de jeu fréquemment répété, un dialogue des époux où la femme fait une allusion à la fois amusée et taquine à l’existence, juste avant le mariage, à un vif attachement de son mari pour une jeune fille pauvre, mais jolie. Et le mari de se récrier et d’affirmer en chaque occasion qu’il s’agit là de quelque chose d’aussi fugitif que lointain et d’oublié. Mais ce jeu, dont la répétition même implique peut-être une part d’artifice, est quelque chose qui certainement impressionne profondément le jeune sujet qui deviendra plus tard notre patient.

D’autre part, il y a un autre élément du mythe familial qui n’est pas de peu d’importance. Le père a eu, au cours de sa carrière militaire, ce qu’on peut appeler en termes pudiques "des ennuis" et même de fort gros ennuis. Il n’a fait ni plus ni moins que dilapider les fonds dont il était dépositaire, les fonds du régiment au titre de ses fonctions, il les a dilapidés en raison de sa passion pour le jeu, et il n’a dû son honneur, voire même sa vie - au moins au sens de sa carrière, de la figure qu’il peut continuer à faire dans la société - qu’à l’intervention d’un ami qui lui a prêté la somme qu’il convenait de rembourser, et qui se trouve donc avoir été le sauveur, dans cet épisode dont on parle encore comme de quelque chose qui a été vraiment important et significatif dans le passé du père.

[…] Il faut toute l’intuition de FREUD - et je pourrai peut-être vous indiquer tout à l’heure ce qu’il a dit en cette occasion - pour comprendre qu’il y a là des éléments absolument essentiels du déclenchement de la névrose obsessionnelle. 

Auteur: Lacan Jacques

Info: Le mythe individuel du névrosé

[ psychanalyse ] [ étude de cas ] [ insertion dans la chaîne signifiante ] [ symptôme ]

 

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partisanerie

Il y a [...] l'intellectuel de gauche et l'intellectuel de droite.

Je voudrais vous donner des formules qui, pour tranchantes qu'elles puissent paraître au premier abord, peuvent tout de même nous servir à éclairer le chemin.

Le terme de sot, de demeuré, qui est un terme assez joli pour lequel j'ai quelques penchants, tout ceci n'exprime qu'approximativement un certain quelque chose pour lequel je dois dire assurément la langue et la tradition, l'élaboration de la littérature anglaise, me paraît nous fournir un signifiant infiniment plus précieux.

Une tradition qui commence à Chaucer, mais qui s'épanouit pleinement dans le théâtre du temps d'Elisabeth ; qu'une tradition dis-je nous permette de centrer autour du terme de fool -- le fool est effectivement un innocent, un demeuré, mais par sa bouche sortent des vérités qui ne sont pas seulement tolérées, que parce que ce fool est quelquefois revêtu, désigné, imparti, des fonctions du bouffon.

Cette sorte d'ombre heureuse, de foolery fondamentale, voilà ce qui fait à mes yeux le prix de l'intellectuel de gauche.

À quoi j'opposerai [...] un terme employé d'une façon conjuguée [...] c'est le terme de knave.

Le knave, c'est-à-dire quelque chose qui se traduit à un certain niveau de son emploi par le valet, est quelque chose qui va plus loin.

Ce n'est pas non plus le cynique, avec ce que cette position comporte d'héroïque.

C'est à proprement parler ce que Stendhal appelle le coquin fieffé, c'est-à-dire après tout Monsieur Tout-le-Monde, mais Monsieur Tout-le-Monde avec plus ou moins de décision.

Et chacun sait qu'une certaine façon même de se présenter qui fait partie de l'idéologie de l'intellectuel de droite est très précisément de se poser pour ce qu'il est effectivement, un knave.

Autrement dit, à ne pas reculer devant les conséquences de ce qu'on appelle le réalisme, c'est-à-dire, quand il le faut, de s'avouer être une canaille.

Le résultat de ceci n'a d'intérêt que si l'on considère les choses au résultat.

Après tout, une canaille vaut bien un sot, au moins pour l'amusement, si le résultat de la constitution des canailles en troupe n'aboutissait infailliblement à une sottise collective.

C'est ce qui rend si désespérante en politique l'idéologie de droite.

Observons que nous sommes sur le plan de l'analyse de l'intellectuel et des groupes articulés comme tels.

Mais ce qu'on ne voit pas assez, c'est que par un curieux effet de chiasme, la foolery, autrement dit ce côté d'ombre heureuse qui donne le style individuel de l'intellectuel de gauche, aboutit elle fort bien à une knavery de groupe, autrement dit, à une canaillerie collective. [...]

Ce qui me fait le plus jouir, je l'avoue, c'est la face de la canaillerie collective.

Autrement dit, cette rouerie innocente, voire cette tranquille impudence qui leur fait exprimer tant de vérités héroïques sans vouloir en payer le prix.

Grâce à quoi ce qui est affirmé comme l'horreur de Mammon à la première page se finit à la dernière dans les ronronnements de tendresse pour le même Mammon.

Ce que j'ai voulu ici souligner, c'est que Freud n'est peut-être point un bon père, mais en tous cas, il n'était ni une canaille, ni un imbécile.

C'est pourquoi nous nous trouvons devant lui devant cette position déconcertante qu'on puisse en dire également ces deux choses déconcertantes dans leur lien et leur opposition : il était humanitaire, qui le contestera à pointer ses écrits, il l'était et il le reste, et nous devons en tenir compte, si discrédité que soit par la canaille de droite ce terme.

Mais d'un autre côté, il n'était point un demeuré, de sorte qu'on peut dire également, et ici nous avons les textes, qu'il n'était pas progressiste. Je regrette, mais c’est un fait, FREUD n’était progressiste à aucun degré, et il y a même des choses en ce sens chez lui extraordinairement scandaleuses. Le peu d’optimisme manifesté - je ne veux pas insister lourdement - sur les perspectives ouvertes par les masses est quelque chose qui, sous la plume d’un de nos guides, a quelque chose sûrement de bien fait pour heurter.

Auteur: Lacan Jacques

Info: L’éthique de la psychanalyse - 23 mars 1960

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