Il [Achille] suit PATROCLE dans la mort.
Comprendre ce que veut dire pour un ancien cette interprétation de ce qu’on peut appeler le geste d’ACHILLE, c’est aussi quelque chose qui mériterait beaucoup de commentaires, car enfin c’est tout de même beaucoup moins clair que pour ALCESTE. Nous sommes forcés de recourir à des textes homériques d’où il résulte qu’en somme ACHILLE aurait eu le choix. Sa mère THÉTHIS lui a dit :
"si tu ne tues pas Hector - il s’agit de tuer HECTOR uniquement pour venger la mort de PATROCLE - tu rentreras chez toi bien tranquille et tu auras une vieillesse heureuse et peinarde, mais si tu tues Hector ton sort est scellé, c’est la mort qui t’attend".
Et ACHILLE en a si peu douté que nous avons un autre passage où il se fait cette réflexion à lui-même en aparté : "je pourrais rentrer tranquille". Et puis ceci est quand même impensable, et il dit, pour telle ou telle raison. Ce choix est à lui seul considéré comme étant aussi décisif que le sacrifice d’ALCESTE : le choix de la μοίρα [moïra], le choix du destin a la même valeur que cette substitution d’être à être. […] dans la suite ACHILLE se tue, paraît-il, sur le tombeau de PATROCLE.
[…] Mais pour rester, pour nous tenir au discours de PHÈDRE [dans Le Banquet de Platon], l’important est ceci : PHÈDRE se livre à une considération longuement développée concernant la fonction réciproque dans leur lien érotique de PATROCLE et d’ACHILLE. Il nous détrompe sur un point qui est celui-ci : ne vous imaginez point que PATROCLE - comme on le croyait généralement - fût l’aimé.
Il ressort d’un examen attentif des caractéristiques des personnages, nous dit PHÈDRE en ces termes, que l’aimé ne pouvait être qu’ACHILLE beaucoup plus jeune et imberbe. Je l’écris parce que cette histoire revient sans cesse, de savoir à quel moment il faut les aimer : si c’est avant la barbe ou après la barbe. On ne parle que de cela, cette histoire de barbe on la rencontre partout. On peut remercier les romains de nous avoir débarrassés de cette histoire. Cela doit avoir sa raison. Enfin ACHILLE n’avait pas de barbe. Donc en tout cas c’est lui l’aimé. Mais PATROCLE, semble-t-il, avait quelque dix ans de plus. Par un examen des textes c’est lui l’amant. Ce qui nous intéresse ce n’est pas cela.
[…] c’est que - quoi qu’il en soit - ce que les dieux trouvent de sublime, de plus merveilleux que tout, c’est quand l’aimé se comporte en somme comme on attendait que se comportât l’amant.
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Info: 30 novembre 1960
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