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indépendance
Je ne me suis jamais senti seul. J'ai été dans une pièce, me suis senti suicidaire. J'ai été déprimé. Je me suis senti très mal, très mal au-delà de tout, mais je n'ai jamais ressenti que quelqu'un d'autre puisse entrer dans cette pièce et guérir ce qui me tourmente... ou plus de gens même qui viendraient dans cette pièce. En d'autres termes la solitude est un truc qui ne m'a jamais dérangé, parce que j'ai toujours eu cette terrible envie de solitude. C'est en étant à une fête, ou dans un stade rempli de gens qui acclament je ne sais quoi, que je peux me sentir seul. Je cite Ibsen : "Les hommes les plus forts sont les plus seuls." Je n'ai jamais pensé : "Une belle blonde va venir me faire une branlette, me caresser les couilles, et je me sentirai bien." Non, ça n'aidera pas. Vous connaissez la foule typique, "Wow, c'est vendredi soir, que vas-tu faire ? Rester assis là ?" Eh ben oui. Parce qu'il n'y a rien dehors. De la stupidité. Des gens stupides qui se mêlent à des gens stupides. Qu'ils se stupidifient eux-mêmes. Je n'ai jamais été dérangé par le besoin de me précipiter dans la nuit. Je me suis caché dans les bars, parce que je ne voulais pas me cacher dans les usines. C'est tout. Désolé pour ces millions de gens, mais je n'ai jamais été seul. Je m'aime bien. Je suis la meilleure forme de divertissement que j'ai. Allez, buvons encore !
Auteur:
Bukowski Charles
Années: 1920 - 1994
Epoque – Courant religieux: Récent et Libéralisme économique
Sexe: H
Profession et précisions: écrivain
Continent – Pays: Amérique du nord - Usa
Info:
[
monde intérieur
]
[
refuge
]
[
isolement
]
non-conformisme
j’habitais cette pension de famille à Philadelphie, j’avais 22 piges
crevais la dalle et perdais les pédales dans un monde en guerre qui prospérait
et puis une nuit où j’étais assis à ma fenêtre j’ai vu dans une chambre de l’autre côté
de la rue à l’intérieur d’une autre pension de famille de Philadelphie
une jeune femme qui s’agrippait à un jeune homme pour l’embrasser avec
joie et passion.
c’est à ce moment-là que j’ai pris conscience du recoin
dépravé dans lequel je m’étais
acculé :
je voulais être ce jeune homme à cet instant
mais je n’avais aucune envie de faire les nombreux efforts qu’il avait dû consentir pour me hisser
là où il était arrivé.
pire encore, j’ai réalisé que je pouvais avoir tort.
j’ai quitté ma piaule et commencé à déambuler dans les rues.
j’ai continué de marcher en dépit du fait que je n’avais pas
mangé ce
jour-là.
(le jour t’a mangé ! fait la chanson)
j’ai marché, j’ai marché.
j’ai dû marcher 8 kilomètres, après quoi je
suis rentré.
les lumières dans la chambre d’en face étaient
éteintes.
les miennes aussi.
je me suis désapé et me suis mis au lit.
je n’avais pas envie d’être ce qu’ils voulaient que je
sois.
et alors
tout comme eux
j’ai dormi.
Auteur:
Bukowski Charles
Années: 1920 - 1994
Epoque – Courant religieux: Récent et Libéralisme économique
Sexe: H
Profession et précisions: écrivain
Continent – Pays: Amérique du nord - Usa
Info:
Dans "Tempête pour les morts et les vivants", au diable vauvert, trad. Romain Monnery, 2019, " seul à une époque où les armées avaient le vent en poupe"
[
impossible
]
[
envie
]
[
hommes-femmes
]
USA
Le téléphone sonnait sans arrêt. On désirait interviewer le scénariste. Je ne m'étais jamais rendu compte qu'il existait autant de magazines de cinéma ou de magazines qui s'intéressaient au cinéma. Ça me dégoûtait : cette fascination pour un genre qui, obstinément, immanquablement, film après film, se montrait incapable de produire quoi que ce soit de valable. Les gens étaient si habitués à voir de la merde sur les écrans qu'ils ne s'apercevaient même plus que c'était de la merde. Les hippodromes représentaient une autre forme de gaspillage d'énergie et d'intelligence humaine. Les gens se pressaient aux guichets pour y échanger leur argent contre des tickets avec des numéros dessus. Et presque tous ces numéros étaient perdants. En outre, les sociétés de courses et l'Etat prélevaient 18 % sur chaque dollar joué, qu'ils se partageaient. Les plus cons allaient au cinéma et aux courses. Et moi, j'étais un con qui allait aux courses. Mais je m'en sortais mieux que la plupart des turfistes parce qu'après des années passées sur les hippodromes, j'avais fini par apprendre un truc ou deux. Chez moi, c'était un passe-temps, et je ne flambais jamais. Quand on a été pauvre longtemps, on en retire un certain respect pour l'argent. On ne veut plus jamais se retrouver sans le sou. C'est réservé aux saints et aux imbéciles. L'une des clés de mon succès dans l'existence, c'est qu'en dépit de toutes les folies que j'avais faites, je demeurais parfaitement normal : j'avais choisi de les faire, elles ne s'étaient pas imposées à moi.
Auteur:
Bukowski Charles
Années: 1920 - 1994
Epoque – Courant religieux: Récent et Libéralisme économique
Sexe: H
Profession et précisions: écrivain
Continent – Pays: Amérique du nord - Usa
Info:
Hollywood p 197 Livre de Poche
[
vingtième siècle
]
[
occupation
]
cunnilingus
J’ai mangé ta chatte comme une pêche,
J’ai avalé le noyau
Le duvet,
Calé entre tes jambes
J’ai sucé mâchouillé léché
Avalé tout ton être,
Ai senti tout ton corps se tendre et tressaillir comme un
Fusil-mitrailleur
J’ai fait de ma langue une flèche
Et le jus a coulé
Et j’ai avalé
Pris de folie
Suçant l’intégralité de tes entrailles –
Ton con tout entier dans ma couche aspiré
J’ai mordu
J’ai mordu
Et avalé
Et toi aussi
Tu as cédé à la folie
Alors je me suis retiré pour recouvrir
De baisers ton nombril
Avant de glisser entre les fleurs blanches de tes jambes
J’ai embrassé croqué
Mordillé,
Encore une fois
Tout du long
Ces merveilleux poils pubiens
Qui m’attiraient m’attiraient toujours plus
J’ai résisté tant que possible
Et puis j’ai bondi sur la chose
Suçant et lapant,
Des poils dans mon âme
Un con dans mon âme
Ton être entier dans mon âme
Dans un lit miraculeux
Avec dehors des cris d’enfants
S’amusant sur leurs vélos
A roulettes aux environs de
5 heures de l’après-midi
Tous les poèmes d’amour étaient écrits :
Ma langue est entrée dans ta chatte et dans ton âme
Le couvre-lit bleu était là
Sans oublier les enfants dans l’allée
Et ça chantait et ça chantait et ça chantait et
Ça chantait.
Auteur:
Bukowski Charles
Années: 1920 - 1994
Epoque – Courant religieux: Récent et Libéralisme économique
Sexe: H
Profession et précisions: écrivain
Continent – Pays: Amérique du nord - Usa
Info:
Dans "Tempête pour les morts et les vivants", au diable vauvert, trad. Romain Monnery, 2019, "chanson d'amour"
[
faim
]
coup d'un soir
[...] elle m’a ramené
chez elle, un endroit très chic
avec deux lits, parquet ciré
dans la cuisine, et une télé qui se déplaçait
comme un tigre, alors j’ai déposé les steaks,
le whisky et les bières sur la table,
ensuite on a mangé, elle a fait une bonne salade,
on a descendu quelques verres en regardant
le tigre se déplacer et puis j’ai cassé l’ambiance
j’ai dit à l’abeille que j’étais en train de mourir,
qu’ils m’avaient brisé les ailes,
que poursuivre me semblait peine perdue,
que la picole me conduisait juste
d’échec en échec,
mais ça elle ne l’a pas compris,
et plus tard sur le lit,
elle m’a grimpé dessus
cette abeille
je lui ai empoigné les fesses
et c’était assez réel, elle avait le dard
baissé, et j’ai dit,
magnifique o magnifique
mais je pouvais rien faire,
j’étais en train de mourir et elle était morte,
et plus tard une fois rhabillés,
je lui ai dit au revoir à la porte,
j’ai dit pardonne-moi, et puis la porte
m’a claqué au nez
alors j’ai traversé le hall en courant j’ai couru
dehors en mal d’oxygène
ces petits yeux de pierre cliquetaient dans
ma tête, alors j’ai pris la route
30 bornes vers le sud jusqu’à la plage
arrivé là je me suis posté sur la jetée
j’ai regardé les vagues,
imaginé de gigantesques batailles navales,
je me suis changé en sel en sable en son,
et rapidement les yeux ont disparu
alors j’ai allumé une cigarette,
j’ai toussé, et marché
vers la voiture.
Auteur:
Bukowski Charles
Années: 1920 - 1994
Epoque – Courant religieux: Récent et Libéralisme économique
Sexe: H
Profession et précisions: écrivain
Continent – Pays: Amérique du nord - Usa
Info:
Dans "Tempête pour les morts et les vivants", au diable vauvert, trad. Romain Monnery, 2019
[
baise
]
[
impuissance
]
[
femmes-hommes
]
[
terreur
]
lectures
Je lus tous les livres de D.H. Lawrence. Cela m'amena à d'autres. Cela m'amena à H.D. la poétesse. Et puis à Huxley - le plus jeune, l'ami de Lawrence. Tous ces livres qui m'arrivaient dessus ! Un livre conduisait à un autre. Arriva Dos Passos. Pas très bon, non, vraiment, mais assez bon quand même. Il me fallut plus d'une journée pour avaler sa trilogie sur les U.S.A. Dreiser ne me fit rien. Mais Sherwood Anderson, alors là, si ! Et puis ce fut Hemingway. Quels frissons ! En voilà un qui savait pondre ses lignes. Quel plaisir ! Les mots n'étaient plus ternes, les mots étaient des choses qui pouvaient vous faire chantonner l'esprit. Il suffisait de les lire et de se laisser aller à leur magie pour pouvoir vivre sans douleur et garder l'espoir, quoi qu'il arrive.
Mais retour à la maison
"EXTINCTIONS DES FEUX ! " hurlait mon père.
C'était les Russes que je lisais maintenant, Gorki et Tourgueniev. Mon père avait pour règle que toutes les lumières devaient être éteintes à huit heures du soir : il voulait pouvoir dormir pour être frais et dispo au boulot le lendemain. A la maison il ne parlait que de ça. Il en causait à ma mère dès l'instant où il franchissait la porte et jusqu'au moment où ils s'endormaient enfin. Il était fermement décidé à monter dans la hiérarchie.
"Bon alors, maintenant, ça suffit, ces putains de bouquins ! Extinction des feux !"
Pour moi, tous ces types qui débarquaient dans ma vie du fin fond de nulle part étaient la seule chance que j'avais d'en sortir. C'étaient les seuls qui savaient me parler.
"D'accord ! D'accord !" lui répondais-je.
Après quoi, je prenais la lampe de chevet, me faufilait sous la couverture, y ramenais l'oreiller et continuais de lire mes dernières acquisitions en les appuyant contre l'oreiller, là, en plein sous la couvrante. Au bout d'un moment, la lampe se mettait à chauffer, ça devenait étouffant et j'avais du mal à respirer. Je soulevais la couverture pour reprendre un bol d'air.
"Mais qu'est-ce qui se passe ? Ca serait-y que je verrais de la lumière ? Henry, tu m'éteins tout ça !"
Je rabaissais la couverture à toute vitesse et attendais le moment où mon père se mettait à ronfler.
Tourgueniev était un mec très sérieux mais qui arrivait à me faire rire parce qu'une vérité sur laquelle on tombe pour la première fois, c'est souvent très amusant. Quand en plus la vérité du monsieur est la même que la vôtre et qu'il vous donne l'impression d'être en train de la dire à votre place, ça devient génial.
Je lisais mes livres la nuit, comme ça, sous la couverture et à la lumière d'une lampe qui chauffait. Tous ces bons passages, je les lisais en suffoquant. Pure magie.
Auteur:
Bukowski Charles
Années: 1920 - 1994
Epoque – Courant religieux: Récent et Libéralisme économique
Sexe: H
Profession et précisions: écrivain
Continent – Pays: Amérique du nord - Usa
Info:
Souvenirs d'un pas grand-chose
[
enfance
]
[
hiérarchie
]
[
réflexivité
]
[
littérature
]
[
écrivains
]
homme-animal
Je me suis mis au lit et j’ai essayé de dormir. Comment qu’elles jactaient [les perruches] ! Chaque muscle de mon corps me faisait mal. J’avais beau me coucher sur ce côté-ci, sur ce côté-là, sur le dos, j’avais mal. J’ai trouvé que le mieux c’était encore sur l’estomac, mais je m’en suis vite fatigué. Ça prenait deux ou trois bonnes minutes pour me tourner d’une position à l’autre.
Je me tournais et me retournais, pestant, criant un peu, et rigolant un peu également à cause du ridicule de la chose. Elles continuaient à papoter. Ça commençait à bien faire. Qu’est-ce qu’elles savaient de la douleur, dans leur petite cage ? Pipelettes à têtes d’œuf ! Rien que des plumes ; une cervelle grosse comme une tête d’épingle.
J’ai réussi à m’extraire du lit, passer à la cuisine, remplir une tasse d’eau, et puis je me suis approché de la cage et j’ai jeté de la flotte en plein sur elles.
"Enfoirées !" je les ai agonies.
Elles m’ont regardé d’un air sinistre sous leurs plumes mouillées. Elles avaient fermé leur clapet ! Rien de tel que le vieux traitement à la flotte. J’avais emprunté une page aux psychiatres.
Et puis la verte à gorge jaune a rentré la tête et s’est mordu la gorge. Ensuite elle a regardé en l’air et s’est mise à bavacher avec la rouge à gorge verte, et c’est reparti.
[…] C’en était trop. J’ai porté la cage dehors. […] 10 000 mouches se sont élevées dans les airs. J’ai posé la cage par terre, ouvert la porte de la cage et me suis assis sur les marches.
Les deux piafs ont regardé la porte. Elles (ou ils) comprenaient pas, et pourtant… Je sentais leur cervelle de minus essayer de fonctionner. Elles avaient leur nourriture et leur flotte juste ici, mais c’était quoi, cet espace grand ouvert ?
La verte à gorge jaune y a été la première. Elle a sauté de son perchoir jusqu’à l’ouverture. Elle est restée à agripper le fil de fer. Elle regardait les mouches autour d’elle (ou lui). Elle est restée là 15 secondes, à se décider. Et puis quelque chose s’est déclenché dans sa petite tête. Elle (ou il) ne s’est pas envolé à proprement parler. Elle a foncé tout droit dans le ciel. Plus haut, toujours plus haut. Droit en l’air ! Droit comme une flèche ! […] La saloperie de bestiole était partie.
Ensuite ça a été le tour du rouge à gorge verte.
Le rouge hésitait beaucoup plus. Il tournait sur le fond de la cage, nerveux. C’était pas une mince de décision. Les humains, les oiseaux, tout le monde doit prendre ce genre de décision. C’était pas facile.
Alors ce vieux rouge tournait en rond, à réfléchir. Soleil jaune. Mouches qui bourdonnaient. Homme et chien qui observaient. Tout ce ciel, tout ce ciel.
C’était trop. Vieux rouge a sauté sur le fil de fer. 3 secondes.
ZOOP !
Plus de piaf.
Picasso et moi on a ramassé la cage vide et on est rentrés dans la maison.
Auteur:
Bukowski Charles
Années: 1920 - 1994
Epoque – Courant religieux: Récent et Libéralisme économique
Sexe: H
Profession et précisions: écrivain
Continent – Pays: Amérique du nord - Usa
Info:
Dans "Le postier", pages 92-94
[
choix
]
[
liberté
]
[
dérision
]
[
comique
]
[
séparation
]
[
destin
]
couple de poivrots
[...] et je me rappelle de toi bourrée sur le lit
dans cette chambre d’hôtel minable
avec personne aux côtés de qui vivre excepté moi,
quel enfer laborieux ça a dû
être, se coltiner
un jeune poivrot de dix ans ton cadet
qui faisait les cent pas en caleçon
cherchant des noises aux dieux sourds
et éclatant des verres contre les murs.
tu t’es certainement retrouvée au mauvais endroit
au mauvais moment,
ton mariage agonisant sur des carrelages
crasseux
et toi
qui te faisais tringler par un
crétin barbu terrorisé par la
vie, résigné devant l’adversité, cette
chose
qui faisait les cent pas, roulait une cigarette mouillée
avec son haleine de rat, et qui
s’arrêtait pour
ouvrir une autre bouteille de vin
bon marché.
les rivières mortes de nos vies,
des cœurs comme des pierres.
verse le sang rouge du vin.
jure, grogne, gémis, chante
dans cette chambre d’hôtel minable.
toi au réveil... "Hank ?"
"ouais... ici... qu’est-ce que tu veux
putain ?"
"bon dieu, file-moi à boire... "
le gâchis
malgré tout le courage
de se prêter au jeu.
comment on va payer le loyer en retard ?
je trouverai un boulot.
tu trouveras un boulot.
ouais, aucune chance. aucune foutue
chance
de toute façon, une quantité de vin suffisante vous évite
de penser.
je casse un grand verre de vin contre le
mur.
le téléphone sonne.
c’est encore le réceptionniste :
"M. Chinaski, je dois vous prévenir... "
"AH, VA PRÉVENIR LA CHATTE A TA MERE !"
le téléphone qui claque.
la puissance.
je suis un homme
tu m’aimes bien, tu aimes ça.
et, j’ai aussi un cerveau, je te l’ai
toujours dit.
"Hank ?"
"ouais ?"
"combien de bouteilles il nous reste ?"
"3."
"bien."
les cent pas, les yeux dans le vide, cherchant
à vivre.
le poison pleure des souvenirs lumineux.
4e étage d’un hôtel de seconde zone, les fenêtres
ouvertes sur la ville de l’enfer, le souffle précieux
des pigeons solitaires.
toi, bourrée sur le lit, moi jouant au miracle,
des bouchons de bouteilles de vin et des cendriers remplis.
c’est comme si tout le monde était mort, tout le monde est
mort avec la tête sur les épaules,
à nous de surmonter la gesticulation du
néant.
regarde-moi en caleçon et maillot de corps,
les pieds en sang bardés d’éclats de verre,
il y a toujours une issue possible avec
3 bouteilles
au garage.
Auteur:
Bukowski Charles
Années: 1920 - 1994
Epoque – Courant religieux: Récent et Libéralisme économique
Sexe: H
Profession et précisions: écrivain
Continent – Pays: Amérique du nord - Usa
Info:
Dans "Tempête pour les morts et les vivants", au diable vauvert, trad. Romain Monnery, 2019, " les jours de gloire"
[
alcoolisme
]
[
engueulades
]
[
ennui
]
littérature prolétaire
tous ceux-là,
ventres mous des lettres
enseignant l’anglais à l’université
qui écrivent
de la poésie
sans jambes
sans tête
sans nombril
qui savent où postuler pour obtenir des
bourses
encore des bourses et
toujours plus de bourses
auxquels on doit toujours plus
de poésie
sans mains
sans cheveux
sans yeux
tous ceux-là,
ventres mous des lettres
ont trouvé une bonne planque
parvenant même à ce que des femmes
s’attachent à leurs âmes
d’andouilles
ceux-là,
font des voyages tous frais payés
dans les îles
en Europe
à Paris
le monde entier
dans le but
soit-disant
de rassembler
du matériau
(Mexico, ils s’y rendent juste à titre privé)
pendant que les prisons débordent
d’innocents égarés
pendant que les gros bras descendent
à la mine
pendant que les fils de pauvres
se font virer de boulots
ceux-là
ne se saliront ni les mains ni
leurs âmes
ceux-là,
ventres mous des lettres
intègrent des universités
se lisent leurs poèmes
entre eux
infligent leurs poèmes à
leurs étudiants
ceux-là
prétendent que la sagesse et
l’immortalité
contrôlent les rotatives
gras du bide
tandis qu’en prison se forment les rangs pour des moitiés de repas
pendant que 34 armoires à glace sont coincés dans une mine
ceux-là
embarquent sur un bateau pour une île de la mer du sud
afin d’assembler une anthologie
de petits poèmes
entre amis
et/ou
se pointent à des manifestations contre la guerre
sans même savoir
de quelle guerre
il s’agit
ventres mous des lettres
ils dressent une cartographie de notre
culture –
une division de zéro,
une multiplication de
grâce
dépourvue de sens
"Robert Hunkerford enseigne l’anglais à
S.U. Marié. 2 enfants, un chien.
il s’agit de son premier recueil de
vers. Il travaille actuellement à la
traduction des poèmes de
Vallejo. M. Hunkerford a été récompensé
l’année dernière par un prix Sol Stein."
ceux-là,
ventres mous des lettres
enseignant l’anglais à l’université
qui écrivent
de la poésie
sans cou
sans mains
sans couilles
voilà la manière, la méthode
et la raison pour laquelle les gens
ne comprennent pas
les rues
les vers
la guerre
ou
leurs mains sur la
table
notre culture se cache dans les rêves à dentelles de
nos classes d’anglais
dans les robes à dentelles de nos classes
d’anglais
Ce qu'il nous faut c'est
des cours de langue américaine
et des poètes sortis tout droit
des mines
des docks
des usines
des hôpitaux
des prisons
des bars
des bateaux
et des aciéries
des poètes américains,
déserteurs des armées
échappés des asiles de fous
déserteurs de femmes et de vies étouffantes ;
des poètes américains :
marchands de glace, commerciaux en cravate, distributeurs de journaux, manutentionnaires, chauffeurs-livreurs, maquereaux, liftiers, plombiers, dentistes, clowns, promeneurs de chevaux, meurtriers (on a entendu parler des victimes), barbiers, mécaniciens, garçons de café, groom, passeurs de drogue, boxeurs, barmen, des autres, des autres,
des autres
Tant que ceux-là n'arriveront pas
notre pays restera
mort en honteux.
Auteur:
Bukowski Charles
Années: 1920 - 1994
Epoque – Courant religieux: Récent et Libéralisme économique
Sexe: H
Profession et précisions: écrivain
Continent – Pays: Amérique du nord - Usa
Info:
Dans "Tempête pour les morts et les vivants", au diable vauvert, trad. Romain Monnery, 2019, "ventres mous des lettres"
[
entre-soi
]
[
dévitalisation
]
[
excès de confort
]
transhumanisme
[...] j’étais chez le dentiste l’autre jour
et je lisais cette revue médicale
et ils disaient
tout ce que t’as à faire
c’est vivre jusqu’à l’année 2020 après J.-C. et ensuite
si t’as assez de fric
une fois que ton corps lâche ils pourront transplanter ton cerveau dans un corps sans chair qui t’offrira
la vue et le mouvement – par exemple tu pourras faire du vélo ou n’importe quel truc de ce genre et aussi tu
n’auras pas besoin de t’enquiquiner à uriner ou déféquer ou manger – tu auras juste ce petit
réservoir de sang au sommet du crâne à recharger
environ une fois par mois – un peu comme l’essence
pour le cerveau.
Et t’en fais pas, il y aura même du sexe, ils disent,
seulement ce sera un peu différent (haha) tu pourras
la sauter jusqu’à ce qu’elle te supplie de lever le pied
(elle te quittera non plus à cause d’un manque
mais seulement d’un trop-plein)
c’est la partie transplantation désincarnée.
mais il y a une autre alternative : ils pourront
transplanter ton cerveau dans un corps vivant
dont le cerveau aura été retiré de manière à ce qu’il y ait de la place pour le tien.
seulement le coût de cette opération sera plus
prohibitif
sachant qu’ils devront localiser un corps
un corps vivant quelque part
disons par exemple dans un asile ou une prison ou
quelque part dans la rue – peut-être un kidnapping –
et bien que ces corps seront plus adaptés,
plus réalistes, ils ne dureront pas aussi longtemps que
le corps sans chair qui pourra durer dans les
500 ans avant qu’on doive le remplacer.
donc tout ça ne sera qu’une question de choix, selon
ce que tu souhaites, ou ce que tu peux te payer.
si tu intègres un corps vivant il faut savoir que ça ne
durera pas aussi longtemps – ils évaluent la durée à 110 ans à compter de
2020 après J.-C. – Et après ça il te faudra de nouveau trouver
un corps vivant de substitution ou bien opter pour un
de ces corps désincarnés.
globalement, dans cet article que j’ai lu chez mon dentiste,
il est sous-entendu que si tu n’es plus très riche
tu te rabats sur l’option désincarnée mais
si t’as toujours les poches bien remplies
tu repars sur une base de corps vivant.
(le dispositif des corps vivants a des avantages
dans la mesure où tu pourras leurrer la plupart des gens
dans la rue et qu’accessoirement
la vie sexuelle sera plus réaliste quoique
plus brève.) [...]
bref, Carl, j’ai continué ma lecture
et ce type racontait que
pour chaque type de transplantation du cerveau
que ce soit dans un corps vivant ou un corps désincarné
quelque chose d’autre se produirait pour les gens
assez blindés pour investir dans ces histoires de transfert :
le savoir informatisé de tous les siècles passés serait
injecté dans le cerveau – et quelle que soit la discipline que tu voudrais exercer
tu la maîtriserais sur le bout des doigts : tu serais capable de peindre comme
Rembrandt ou Picasso,
conquérir le monde comme César, tu pourrais faire tous ces trucs
que ces gars-là et d’autres dans ton genre ont réalisé
mais en mieux.
tu serais plus brillant qu’Einstein –
il y aurait très peu de choses que tu ne pourrais pas faire
et peut-être que le prochain corps à ta disposition
pourrait le permettre.
à partir de là ça donne un peu le vertige –
le type va toujours plus loin
un peu comme ces mabouls dans leurs
Maserati blindés de coke ; il tient à préciser
dans son langage technique à la limite du compréhensible que
ça n’est pas de la Science-Fiction
c’est une porte ouverte sur un monde d’horreur et d’émerveillements
qu’on n’aurait jamais osé imaginer avant et il soutient que la
dernière Guerre de l’Être humain opposera les riches
au cerveau alimenté par un ordinateur et les moins riches constituant
la Majorité
qui ne supporteront plus d’être écartés de
l’immortalité
et les riches voudront la préserver
pour toujours
et
à la fin
les riches au cerveau alimenté par ordinateur remporteront
la dernière
guerre de l’Être Humain.
Auteur:
Bukowski Charles
Années: 1920 - 1994
Epoque – Courant religieux: Récent et Libéralisme économique
Sexe: H
Profession et précisions: écrivain
Continent – Pays: Amérique du nord - Usa
Info:
Dans "Tempête pour les morts et les vivants", au diable vauvert, trad. Romain Monnery, 2019, " lettre à un ami victime d'un problème domestique:"
[
spéculations
]
[
moyen de domination
]