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exotérique-ésotérique

La théôsis ou déification […] est le terme par lequel les Pères grecs désignent la réception et l’actualisation de la grâce de l’adoption filiale, conformément à l’affirmation de saint Jean, dans son Prologue : "il a donné le pouvoir de devenir fils de Dieu à ceux qui croient en son Nom". Cette grâce, rapportée au Saint-Esprit, est conférée par le baptême qui "communique la gnose divine" (Basile de Césarée, Traité du Saint-Esprit, 32, a). […] Le caractère propre de la doctrine chrétienne de la gnose déifiante, selon tous les Pères grecs, c’est qu’elle est livrée en fait à tous les baptisés. Mais son actualisation n’appartient qu’à ceux qui sont dignes du Saint-Esprit, ceux qui sont "capables de la lumière intelligible", dit Basile de Césarée. Cette situation de la gnose déifiante, dans le christianisme où elle est livrée à tous les baptisés, et qui définit le style propre de la perspective chrétienne, son "scandale" ou sa "folie", ruine la thèse de ceux qui affirment l’existence d’un christianisme ésotérique se distinguant institutionnellement d’un christianisme exotérique, et possédant ses propres moyens de grâce et ses propres rites. […] Enfin, nous ferons remarquer que nous avons parlé, pour en exclure la possibilité, d’un christianisme ésotérique, mais non pas d’un "ésotérisme" chrétien, car il existe une compréhension ésotérique du christianisme, celle de sa dimension la plus intérieure et la plus mystérieuse. Par ailleurs, il est impossible de nier l’existence historique d’un quasi ésotérisme de fait au Moyen Age. Mais il s’agit de développements particuliers compris dans la possibilité générale du christianisme et ne comportant nullement des sacrements ou des rites se superposant aux sacrements et aux rites ordinaires, comme le supérieur à l’inférieur. Si nous acceptons l’expression d’ésotérisme chrétien et refusons celle de christianisme ésotérique, c’est pour la même raison qu’on peut parler d’une métaphysique ou d’une théologie chrétiennes, alors qu’un christianisme théologique ou métaphysique n’aurait pas grand sens, car précisément le christianisme est tout ensemble ésotérique et exotérique.

Auteur: Borella Jean

Info: Amour et vérité, L’Harmattan, 2011, Paris, pages 201-202

[ universalité ] [ réfutation ] [ nuance ]

 

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philosophie antique

On voit dans Platon le responsable d’un dualisme quasi manichéen, de l’âme et du corps, conduisant au mépris de celui-ci. L’âme est de nature divine, le corps est un tombeau : en grec sôma-sèma. Il faut donc entre les deux un élément intermédiaire qui participe de l’une et de l’autre, et qui les met en communication. La "partie" qui dans l’homme est tournée vers le haut et l’intelligible, c’est l’intellect (noûs) ; la "partie" tournée vers le bas et le corporel, c’est le concupiscible (épithumètikon), objet du désir (épithumia) ; la "partie" intermédiaire, c’est l’irascible (thumoéidès) dont le siège est le thumos, le cœur noble. Quoique de nature différente, ces trois "parties" forment cependant, dans l’homme, un seul tout. […]

Loin d’être un mal par nature, le corps, chez Platon, peut appartenir aussi aux dieux : "nous forgeons, dit-il, sans en avoir ni expérience ni intellection suffisante, une idée d’un être divin : un vivant immortel qui possède une âme, qui possède un corps, mais tous deux naturellement unis pour une éternelle durée" [Phèdre, 246d]. Aucune malédiction ne pèse donc sur le corps. Mais la possibilité du mal réside, pour l’homme, dans l’âme elle-même, dans la mesure où le monde extérieur, par la présentation sensible qu’en opère le médium corporel, peut devenir pour l’âme objet de convoitise. […] Le corps, pour l’âme désirante, c’est la possibilité d’une ouverture vers la multiplicité indéfinie et dispersante ; il est cela, non en soi, mais parce qu’il offre à l’âme l’occasion d’actualiser le "vertige" qui est en elle.

Comme nous l’avons déjà noté, l’opposition de l’âme et du corps a donc, chez Platon, une signification essentiellement "alchimique" et spirituelle, encore que cette "séparation" ne soit elle-même qu’une phase de cette alchimie. L’autre phase est celle de l’unification des parties de l’âme par hiérarchisation : l’âme concupiscible se soumet à l’âme irascible qui se soumet elle-même à l’âme intellective ou noétique, laquelle ne réalise sa véritable nature qu’en accédant à la "vision béatifique".

Auteur: Borella Jean

Info: Amour et vérité, L’Harmattan, 2011, Paris, pages 151 à 153

[ doctrine ] [ triade ] [ résumé ]

 

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éloignement principiel

La métaphysique est d’abord gnose opérative, c’est-à-dire qu’en vertu de l’unité de l’être adamique, tout acte de connaissance est, inséparablement, un acte de son être tout entier, toute noèse est une ontonoèse. Il est ce qu’il connaît et il connaît ce qu’il est. La perte de cette unité paradisiaque entraîne le caractère séparatif de l’intellection. L’intelligence conserve la connaissance de la vérité, mais, n’étant plus unie aux autres puissances de l’être – dont elle est elle-même l’unité – cette connaissance se trouve "séparée", abstraite ; elle existe dans une sorte d’autonomie ontologiquement solitaire. […] La gnose opérative devient simplement théorie, et l’expression de cette gnose, le langage doctrinal – ou l’ordre symbolique – cessant lui aussi d’être opératif, acquiert à son tour une sorte de consistance propre : le symbole n’est plus une pure transparence, il existe pour lui-même, opposant sa propre opacité à la parfaite réalisation de sa fonction médiatrice et unitive.

Toutefois, à cette étape qui est celle du triomphe de la langue, l’unité – et donc l’universalité – de la pensée métaphysique est encore effective. Il n’en va plus de même après la division babélienne. La gnose théorique, hantée par le désir de retrouver la puissance opérative qu’elle a perdue, veut utiliser sa propre consistance pour reconquérir son pouvoir sur la réalité. Ce faisant, elle n’aboutit qu’à renforcer et à opacifier cette consistance. […]

On aboutit alors à la troisième étape, qui est celle que nous connaissons présentement. Dans cette étape, les langages doctrinaux sont à peu près irrémédiablement diversifiés. Ils indiquent tous un langage universel perdu et inlassablement recherché, dont chacun a gardé quelques éléments, autour desquels il a reconstitué une unité synthétique particulière. La tradition métaphysique n’est pas perdue. Mais elle est reflétée diversement par la multitude des fragments de l’unique miroir éclaté que sont les diverses cultures humaines. Et disons qu’il n’est pas jusqu’aux plus modernes constructions philosophiques qui ne continuent de refléter, si éloignées en soient-elles, l’antique lumière émanée de la Révélation primordiale.

Auteur: Borella Jean

Info: L'intelligence et la foi, L'Harmattant, Paris, 2018, pages 39-40

[ solidification ] [ chute ]

 

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théologie-philosophie

Or, si Dieu a créé l’intelligence de telle sorte qu’elle ne peut réaliser la perfection de sa nature qu’en accédant à la connaissance de l’Etre parfait, puisque Dieu ne fait rien en vain, il s’ensuit que l’union à Dieu semble due à l’intellect en vertu même de sa nature […].

Il n’y a donc pas de finalité purement naturelle pour l’homme qui n’accomplit sa nature que dans la surnature. La destinée de l’homme est naturellement surnaturelle. Mais alors, si l’on admet ces conclusions, ne risque-t-on pas de ruiner la gratuité de la grâce et de la soumettre à la nécessité de la nature ? C’est ce que l’encyclique Humanis generis (1950) entendait expressément condamner […]. […]

Il nous semble cependant que la crainte de voir la thèse d’un désir naturel du surnaturel ruiner la gratuité de la grâce résulte d’une conception trop fortement aristotélicienne de l’ordre naturel. Il y a, chez Aristote, une certaine tendance au naturalisme, c’est-à-dire à considérer l’ensemble des êtres comme un système rigide de natures complètes en elles-mêmes, parfaitement constituées et pleinement consistantes dans leur ordre, et à estimer qu’une telle considération suffit à en épuiser le mystère. Dans une telle conception, la nature exclut de soi la surnature comme le cercle exclut de soi le carré.

Il nous semble que ce naturalisme n’est pas tout à fait chrétien, ni vraiment conforme à ce qu’enseigne la Révélation telle qu’elle nous est donnée dans l’Ancien ou le Nouveau Testament. Il n’est peut-être même pas conforme à ce qu’enseigne Aristote chez qui se faisait jour, a-t-on dit, un certain "surnaturalisme" de la forme intelligible. Quoi qu’il en soit, il nous paraît difficile d’admettre que l’ordre de la nature est par lui-même complet et autonome, qu’il s’agisse de l’homme ou de la création en général. Tout au contraire, nous croyons que ni l’homme ni le monde ne sont achevés en eux-mêmes et par eux-mêmes. Il n’y a pas d’état de "pure nature" sauf en Dieu, au degré des Idées éternelles dont le Verbe est la synthèse proto-typique.

Auteur: Borella Jean

Info: Le sens du surnaturel, L'Harmattan, 1997, pages 18-20

[ actualisation ] [ christianisme ] [ naturel-surnaturel ]

 

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révélation

On sait que [saint] Augustin est platonicien, on sait qu’il affirme même que les platoniciens ont connu toute la doctrine qu’expose le Prologue de S. Jean, hormis l’Incarnation du Verbe en Jésus-Christ. Mais on sait moins que S. Augustin a fréquenté des cercles platoniciens, dont nous pensons qu’ils étaient une émanation directe du centre spirituel de l’Académie, et donc qu’il fut initié à la tradition vivante de l’enseignement du Maître. Il faisait partie, en effet, à Milan, d’un cercle néo-platonicien qui ne comportait pas seulement des chrétiens. D’autre part, par l’intermédiaire de S. Ambroise, qui fut disciple d’Origène, lui-même disciple de S. Clément, S. Augustin a reçu l’influence d’une tradition théologique existant au sein de l’Église catholique et qui représentait une gnose de type alexandrin [Contra Academicos, III, 17]. Augustin a d’ailleurs conscience du caractère ésotérique du platonisme : "ces enseignements et d’autres de même sorte, me paraissent avoir été, autant que possible, conservés au sein des successeurs de Platon et gardés comme des mystères" [Lettre à Dioscore, Epist. CXVIII]. Or, le christianisme vient précisément mettre fin à l’ésotérisme platonicien en enseignant au grand jour ce qui se transmettait en secret : "Lorsque, provoquant émerveillement et perturbation, le Nom du Christ se répandit parmi les royaumes terrestres, les Platoniciens commencèrent à sortir de l’ombre pour publier et révéler les conceptions de Platon" [Cité de Dieu, VII, 9]. 

Toutefois, la philosophie de Platon n’est, pour Augustin, qu’une formulation historiquement et culturellement la mieux adaptée, de la Vérité universelle [...]. Et c’est pourquoi S. Augustin peut déclarer, au terme de sa vie : "En elle-même, la chose que nous appelons aujourd’hui religion chrétienne, existait aussi chez les Anciens, et n’a pas manqué au genre humain depuis son origine, jusqu’à ce que le Christ vienne en la chair, et c’est pourquoi la religion, qui existait déjà, commença de s’appeler chrétienne". Soulignons-le, cette déclaration se trouve dans un ouvrage où S. Augustin passe en revue ses écrits afin de les corriger et de revenir sur les points qu’il estime devoir rétracter. Elle n’en a que plus de force.

Auteur: Borella Jean

Info: "Situation du catholicisme aujourd'hui", éditions L'Harmattan, Paris, 2023, pages 67-68

[ performativité rétroactive ] [ atemporalité ]

 

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étymologie

Quant à l’adjectif esôterikos, il semble apparaître d’abord dans les milieux aristotéliciens au Ier siècle après Jésus-Christ. L’une des premières attestations s’en trouve en effet dans un ouvrage assez caustique de Lucien de Samosate intitulé Philosophes à vendre (vers 166). A qui veut acheter un esclave, Lucien conseille d’en choisir un qui soit disciple d’Aristote ; ainsi, dit-il, on en aura deux pour le prix d’un : "un vu de l’extérieur, un autre vu de l’intérieur [...] souviens-toi de donner au premier le nom d’exotérique, au deuxième celui d’ésotérique". L’Ecole aristotélicienne en effet suivant peut-être les indications de son fondateur, distinguait dans les écrits du maître, deux sortes de textes : des ouvrages largement publiés (et aujourd’hui perdus) qu’elle qualifiait d’exotériques, et des traités beaucoup plus difficiles et peu diffusés en dehors de l’Ecole (les seuls qui nous soient parvenus) qu’elle appelait acroamatiques (ce qui signifie : relatifs à un enseignement oral). [...] [Le texte de Lucien] témoigne en outre d’un changement de terminologie : ce n’est plus acroamatique mais ésotérique qui est opposé à exotérique. Tout se passe comme si cet adjectif, qu’Aristote emploie au sens très profane d’ "extérieur" ou de "public", avait fini par susciter son double inversé. [...] Trente ans plus tard, le terme s’est imposé, comme le prouve Clément d’Alexandrie qui fournit, sous la forme d’un adjectif substantivé au neutre pluriel (ta esôterika, "les (livres) ésotériques"), la première attestation d’esôterikos, pris en un sens noble, et désignant la classe des écrits qu’Aristote réservait aux savants. Le terme, désormais acquis, ne connaîtra cependant jamais qu’une diffusion restreinte et quasi technique.

Quant au substantif "ésotérisme", tous les efforts pour en trouver des attestations remontant au XVIIIe siècle sont jusqu’ici demeurés vain. Dans l’état actuel des recherches, on peut admettre que le terme apparaît pour la première fois en 1828 sous la plume d’un historien français, Jacques Matter, dans son Histoire du gnosticisme et de son influence. C’est le socialiste mystique Pierre Leroux qui, vers 1840, en assurera la diffusion dans son célèbre ouvrage De l’Humanité pour qualifier la doctrine pythagoricienne.

Auteur: Borella Jean

Info: "Esotérisme guénonien et mystère chrétien", éditions l’Age d’Homme, Lausanne, 1997, pages 20-21

[ historique ]

 

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glorification terminale

Comment donc expliquer spéculativement le paradoxe d’une "fusion sans confusion" de l’âme avec Dieu ? Comment un être singulier peut-il se transformer totalement en un autre sans pour autant cesser d’être lui-même ?

La première réponse à une telle question nous est offerte par l’acte intellectuel. L’intelligence, en effet, s’unit à ce qui n’est pas elle, reçoit en elle son objet, et, dans cette ouverture à l’autre, réalise sa nature propre. C’est pourquoi la fine pointe de l’intelligence, qui est aussi le cœur de l’être et son centre, ce que sainte Thérèse d’Avila appelle "l’esprit de l’âme" est considérée par la théologie comme le "lieu" de la déification, celui où l’Essence divine s’unit à l’être créé et devient l’acte même de son intellect, exactement comme la luminosité d’un cristal est l’acte de la seule lumière du soleil. L’Être divin actualise le cœur-intellect qui resplendit d’une Lumière incréée. […]

Il s’agit donc bien d’une identité de l’intellection (de l’Essence divine) avec son objet (l’Essence divine). Mais pour que cette Essence puisse devenir l’acte cognitif de l’intellect humain, il faut bien que dans sa pure essence lumineuse, cet intellect soit au fond identique à la lumière de l’Intellect divin […]. La connaissance de l’Essence divine consiste au fond en ce que Dieu est connaissance dans l’acte même de notre intellection […]. C’est donc dans cet acte de connaissance que l’intellect réalise son identité à son prototype in divinis, c’est-à-dire à l’Idée que Dieu, de toute éternité, a formée de cet intellect. La vision béatifique que l’intellect "déifié" possède de l’Essence divine ne peut être rien d’autre, en fin de compte, que la vision que l’Essence divine possède elle-même de cet intellect. Les créatures, selon saint Thomas, n’ont-elles pas en Dieu un "être incréé", ainsi que nous l’avons rappelé ailleurs ? Or, cet être incréé, qui est l’Idée ou l’archétype que Dieu forme de la créature dans son Verbe, ou Connaissance de Lui-même, n’est-il pas également et nécessairement le mode selon lequel Dieu se laisse participer par les créatures ? La "forme" dans laquelle ou selon laquelle Dieu voit la créature n’est-elle pas aussi la "forme" selon laquelle la créature glorifiée voit Dieu ?

Auteur: Borella Jean

Info: Le sens du surnaturel, L'Harmattan, 1997, pages 213 à 215

[ théologie ] [ christianisme ] [ définition ]

 

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religion chrétienne

Jusqu’au quinzième siècle, les multiples hérésies qui se sont élevées au sein du christianisme ont été essentiellement d’ordre doctrinal. Comme nous l’avons dit, l’hérésie consiste à choisir, parmi les vérités dont l’ensemble constitue le corpus dogmatique, celles que l’on accepte et celles que l’on rejette, ou que l’on modifie. La notion d’un corpus dogmatique est ici essentielle. Si la raison première de la foi, c’est l’autorité de Dieu révélant ce que nous devons croire, et à quoi notre raison ne saurait parvenir par elle-même, l’un des effets de cette origine unique et divine est de constituer l’ensemble des vérités en un tout organiquement lié, un corpus unifié, où se vérifie constamment la cohérence intrinsèque du dogme. […] Plutôt que par la démonstration de la fausseté propre de telle thèse hérétique, l’Eglise a vaincu par la démonstration de son incompatibilité avec le reste de la doctrine. Le corpus dogmatique a résisté par la force de sa propre homogénéité.

Or, il est remarquable d’observer que, pour divergentes qu’elles soient, ces hérésies s’accordaient implicitement sur un point : la foi était spontanément envisagée comme adhésion de l’intelligence à des vérités dont le contenu seul importait. L’adhésion elle-même, la part subjective qui conduit l’être humain à donner son assentiment, était en quelque sorte absorbée par son contenu, l’objet auquel on adhérait. C’était de lui qu’on débattait, c’était lui qui constituait la foi, catholique ou non catholique. Une telle conception de la foi-vérité se situe d’emblée à un niveau intellectuel dont nos contemporains semblent ne plus être capables. […]

Ainsi l’hérésiologie du premier type nous révèle-t-elle une conception de la foi essentiellement objective dans laquelle c’est l’intelligence, faculté de l’objectivité par excellence, qui joue le rôle essentiel ; rôle d’autant moins visible que l’intelligence est transparence et capacité naturelle de recevoir en nous autre chose que nous-mêmes. […]

[…] le mouvement de la Réforme inauguré par Luther [nous conduit à la] substitution de la foi subjective à la foi objective, de la foi fiduciale (foi-confiance) à la foi doctrinale, de la foi-sentiment à la foi-connaissance. Substitution qui ne pouvait qu’entraîner une relativisation radicale du corpus dogmatique et de son pouvoir de cohérence interne.

Auteur: Borella Jean

Info: Le sens du surnaturel, L'Harmattan, 1997, pages 37-39

[ historique ] [ évolution ]

 

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christianisme

La formule "immaculée conception" en français remonte au moins à 1525. Elle s’impose peu à peu. Au début du XIXe siècle, elle est courante dans l’Église de France.

Cependant, ce n’est qu’en 1854 que le pape Pie IX promulgue ce dogme comme une vérité infaillible. Le dogme déclare : Marie, en vertu des mérites de Jésus-Christ, a été, dès le premier instant de sa conception, préservée de la tâche du péché originel. Dogme difficile à recevoir pour beaucoup de chrétiens catholiques ou non-catholiques, la foi les obligeant à croire que tous les êtres humains ont été marqués du péché originel et que seul le sacrifice du Christ, accompli sur la Croix, et dont la grâce est communiquée par le baptême, nous en a délivrés. Or, Marie n’a pas été baptisée et le sacrifice de la Croix n’était pas accompli au moment de sa naissance. Ces raisons de refuser le dogme continuent de valoir auprès de beaucoup de protestants et d’orthodoxes.

Mais le dogme de 1854 ne les ignore pas. il affirme au contraire que c’est en rapport au sacrifice du Christ que Marie dans sa conception a été préventivement préservée. Cette vérité est inscrite implicitement dans les paroles de l’Ange qui salue en Marie la "pleine de grâce". [...] Le privilège de Marie signifie que, dans son être le plus profond, elle est au contraire, et par elle-même, dans un état d’Alliance avec Dieu. Et c’est pourquoi Marie est nommée l’Arche d’Alliance.

Mais l’histoire ne s’arrête pas là. En 1858, quatre ans après la proclamation de 1854, se produisit à Lourdes un événement inattendu et peut-être unique dans l’histoire de l’Église : la Vierge elle-même vient confirmer la déclaration romaine, confiant son message à une jeune fille illettrée, enfant d’un pauvre boulanger. [...]

Cette mystérieuse déclaration se répand alors dans le monde entier, plongeant les théologiens et les saints dans un abîme de réflexion, car elle ouvre une fenêtre sur le mystère de la sainte Trinité. Ce fut en particulier l’œuvre d’un prêtre polonais, franciscain, le Père Maximilien Kolbe, missionnaire au Japon. Il fonde à Nagasaki un ordre des Chevaliers de l’Immaculée Conception et construit une chapelle dédiée à l’Immaculée... Ce sera la seule construction qui échappera miraculeusement à la bombe atomique.

Auteur: Borella Jean

Info: "Situation du catholicisme aujourd'hui", éditions L'Harmattan, Paris, 2023, pages 111 à 113

[ historique ] [ réfutation ] [ miracles ]

 

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anagogie

Au regard de la connaissance théologique, qui porte sur une Réalité infinie, le concept ne devient-il pas un obstacle, et ne doit-on pas le détruire ? C’est vers une solution de ce genre que s’est orientée toute une partie de la pensée religieuse moderne et contemporaine. Les théologies de la mort de Dieu (Dieu est mort en tant qu’idée ou concept objectif) n’envisagent le concept que comme une véritable aliénation qui interdit tout contact "existentiel" avec "Celui qui nous interpelle". Incontestablement, ce rejet de l’intellectualité en théologie trouve en Luther un précurseur : "On ne fait pas de théologien, déclarait-il, sinon sans Aristote". Aujourd’hui, les bultmanniens, catholiques ou protestants, poursuivent le même combat contre la théologie conceptuelle, mais d’une manière beaucoup plus radicale. Nous n’avons pas, dans cette étude, à nous occuper de ce suicide spéculatif, conséquence lointaine mais inévitable, de la disparition progressive de la gnose sacrée en Occident. Nous voulons seulement souligner que, certes, Denys [l'Aréopagite] les eût sévèrement condamnés. Et nous ne cacherons pas que l’une des intentions majeures de notre travail est précisément de demander à Denys de nous apprendre à écarter toute interprétation "bultmanienne", c’est-à-dire antimétaphysique, de la théologie négative, et à récuser le "heideggerisme" dévastateur qui s’est emparé de l’intelligentsia chrétienne depuis quarante ans.

Et d’une part, en effet, loin d’éliminer la théologie affirmative, Denys nous apprend que c’est un devoir, pour le théologien, de commenter et d’expliquer la science de Dieu que nous révèle l’Écriture à l’aide des idées de Cause, de Principe, d’Un, d’Être, de Vie, etc., afin que nos concepts soient aussi adéquats que possible. D’autre part, le remède aux inévitables limites d’une telle voie ne réside pas dans sa destruction. Étant donné la nature nécessairement conceptuelle de la pensée humaine, détruire la théologie affirmative ou spéculative, c’est éliminer une science juste et garantie par la Tradition (la théologie scolastique) pour lui substituer une pensée déviée et corrompue par la mentalité moderne. Le remède consiste, au contraire – le concept étant admis dans sa pleine validité théologique – à l’ouvrir vers le haut, c’est-à-dire à saisir sa nature de symbole mental, donc à le dépasser, mais en s’appuyant sur lui, comme sur un tremplin, parce qu’il nous indique, par son propre contenu, quel doit être le sens de ce dépassement. Telle est l’œuvre de la théologie négative.

Auteur: Borella Jean

Info: Dans "Lumières de la théologie mystique", éditions L'Harmattan, Paris, 2015, pages 102-103

[ anti-nihilisme ] [ religion ]

 

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