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révolte

Sous le même nom de révolution, et souvent sous des mots d’ordre et des thèmes de propagande identiques, sont dissimulées deux conceptions absolument opposées. L’une consiste à transformer la société de manière que les ouvriers puissent y avoir des racines ; l’autre consiste à étendre à toute la société la maladie du déracinement qui a été infligée aux ouvriers. Il ne faut pas dire ou penser que la seconde opération puisse jamais être un prélude à la première ; cela est faux. Ce sont deux directions opposées, qui ne se rejoignent pas.

La seconde conception est aujourd’hui beaucoup plus fréquente que la première, à la fois parmi les militants et dans la masse des ouvriers. Il va de soi qu’elle tend à l’emporter de plus en plus, à mesure que le déracinement se prolonge et augmente ses ravages. Il est facile de comprendre que, d’un jour à l’autre, le mal peut devenir irréparable. 

Auteur: Weil Simone

Info: L'enracinement, Editions Gallimard, 1949, page 67

[ dépossession ] [ perte de pouvoir ] [ équivoque ] [ libération mensongère ] [ pseudo émancipation ] [ asservissement ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

littérature

Autre chose : dans Homère, Achille sait courir, etc. Hector, dompteur de chevaux. Ulysse. Dans Sophocle : Philoctète, etc. Aux héros de Racine, il ne reste que le pouvoir pur, sans aucun savoir-faire – (Hippolyte, le personnage sacrifié, car lui justement ne court pas à la mort.) Pas étonnant que Racine ait eu la vie privée la plus paisible. Ses tragédies sont en somme froides, elles n’ont rien de douloureux. Seul est douloureux le sort de l’homme de cœur qui veut vivre et ne peut y arriver (Ajax). (Les personnages de Racine sont précisément des abstractions en ce sens qu’ils sont déjà morts.) [Qui donc disait : Quand Racine écrit le mot : mort, il ne pense pas à la mort ? Rien de plus vrai. Cf. sa peur extrême de mourir. Au lieu que pour ses héros, comme Tal[agrand] l’a bien vu, la mort est une détente. Il faut n’avoir que 25 ans pour croire que ça, c’est un poète humain...]

Auteur: Weil Simone

Info: "La condition ouvrière", Journal d'usine, éditions Gallimard, 2002, pages 194-195

[ théorique-pratique ] [ irréalisme ] [ critique ] [ vacherie ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

stupidité religieuse

Les tentatives du même genre dans l'analyse de l'histoire peuvent être illustrées par une pensée ingénieuse exprimée dans une revue catholique de New York, lors du dernier anniversaire de la découverte de l'Amérique. Elle disait que Dieu avait envoyé Christophe Colomb en Amérique afin qu'il y eût quelques siècles plus tard un pays capable de vaincre Hitler. Cela est encore bien au-dessous de Bernardin de Saint-Pierre; cela est atroce. Dieu, apparemment, méprise, lui aussi, les races de couleur; l'extermination des populations d'Amérique au XVIème siècle lui paraissait peu de chose au prix du salut des Européens du XXème siècle; et il ne pouvait pas leur amener le salut par des moyens moins sanglants. On croirait qu'au lieu d'envoyer Christophe Colomb en Amérique plus de quatre siècles à l'avance, il aurait été plus simple d'envoyer quelqu'un assassiner Hitler aux environs de 1923.
On aurait tort de penser que c'est là un degré exceptionnel de bêtise. Toute interprétation providentielle de l'histoire est par nécessité située exactement à ce niveau.

Auteur: Weil Simone

Info: L'enracinement

[ Etats-Unis ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

affirmation de vie

Le risque est un besoin essentiel de l'âme. L'absence de risque suscite une espèce d'ennui qui paralyse autrement que la peur, mais presque autant. D'ailleurs il y a des situations qui, impliquant une angoisse diffuse sans risques précis, communiquent les deux maladies à la fois.

Le risque est un danger qui provoque une réaction réfléchie ; c'est-à-dire qu'il ne dépasse pas les ressources de l'âme au point de l'écraser sous la peur. Dans certains cas, il enferme une part de jeu ; dans d'autres cas, quand une obligation précise pousse l'homme à y faire face, il constitue le plus haut stimulant possible.

La protection des hommes contre la peur et la terreur n'implique pas la suppression du risque ; elle implique au contraire une présence permanente d'une certaine quantité de risque dans tous les aspects de la vie sociale ; car l'absence de risque affaiblit le courage au point de laisser l'âme, le cas échéant, sans la moindre protection intérieure contre la peur.

Auteur: Weil Simone

Info:

[ passivité-activité ] [ oser ]

 

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christianisme

Les mystères de la foi catholique ne sont pas faits pour être crus avec toutes les parties de l’âme. La présence du Christ dans l’hostie n’est pas un fait à la manière de la présence de l’âme de Paul dans le corps de Paul (l’un et l’autre d’ailleurs sont complètement incompréhensibles, mais pas de la même façon). L’Eucharistie ne doit donc pas être un objet de croyance pour la partie de moi-même qui appréhende les faits. Là est la part de vérité du protestantisme. Mais cette présence du Christ dans l’hostie n’est pas un symbole, car un symbole est la combinaison d’une abstraction et d’une image, c’est quelque chose de représentable pour l’intelligence humaine, ce n’est pas surnaturel. En cela les catholiques ont raison, non les protestants. Seule la partie de soi-même qui est faite pour le surnaturel doit adhérer à ces mystères.

La part de l’intelligence – de la partie de nous-même qui affirme et nie, pose des opinions – est seulement la soumission.

Auteur: Weil Simone

Info: "La pesanteur et la grâce", Librairie Plon, 1988, page 209

[ abandon de l'esprit critique ] [ humilité ]

 

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art roman

L'architecture, quoique ayant emprunté une forme à Rome, n'a aucun souci de la puissance ni de la force, mais uniquement de l'équilibre; au lieu qu'il y a quelque souillure de force et d'orgueil dans l'élan des flèches gothiques et la hauteur des voûtes ogivales. L'église romane est suspendue comme une balance autour de son point d'équilibre, un point d'équilibre qui ne repose que sur le vide et qui est sensible sans que rien en marque l'emplacement. C'est ce qu'il faut pour enclore cette croix qui fut une balance où le corps du Christ fut le contrepoids de l'univers. Les êtres sculptés ne sont jamais des personnages; ils ne semblent jamais représenter; ils ne savent pas qu'on les voit. Ils se tiennent d'une manière dictée seulement par le sentiment et par la proportion architecturale. Leur gaucherie est une nudité. Le chant grégorien monte lentement, et au moment qu'on croit qu'il va prendre de l'assurance, le mouvement montant est brisé et abaissé; le mouvement montant est continuellement soumis au mouvement descendant. La grâce est la source de tout cet art.

Auteur: Weil Simone

Info: Publié dans les Cahiers du Sud à Marseille durant la guerre.

[ religieux ]

 

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agriculture

Le soleil et la sève végétale parlent continuellement, dans les champs, de ce qu’il y a de plus grand au monde. Nous ne vivons pas d’autre chose que d’énergie solaire ; nous la mangeons, et c’est elle qui nous maintient debout, qui fait mouvoir nos muscles, qui corporellement opère en nous tous nos actes. Elle est peut-être, sous des formes diverses, la seule chose dans l’univers qui constitue une force antagoniste à la pesanteur ; c’est elle qui monte dans les arbres, qui par nos bras soulève des fardeaux, qui meut nos moteurs. Elle procède d’une source inaccessible et dont nous ne pouvons pas nous rapprocher même d’un pas. Elle descend continuellement sur nous. Mais quoiqu’elle nous baigne perpétuellement nous ne pouvons pas la capter. Seul le principe végétal de la chlorophylle peut la capter pour nous et en faire notre nourriture. Il faut seulement que la terre soit convenablement aménagée par nos efforts ; alors, par la chlorophylle, l’énergie solaire devient chose solide et entre en nous comme pain, comme vin, comme huile, comme fruits. Tout le travail du paysan consiste à soigner et à servir cette vertu végétale qui est une parfaite image du Christ.

Auteur: Weil Simone

Info: "La condition ouvrière", Journal d'usine, éditions Gallimard, 2002, page 427

[ vision cosmique ] [ homme-végétal ]

 
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groupements

La lutte des partis, telle qu'elle existait dans la Troisième République, est intolérable ; le parti unique, qui en est d'ailleurs inévitablement l'aboutissement, est le degré extrême du mal ; il ne reste d'autre possibilité qu'une vie publique sans partis. 

[…]

Aux yeux des gens de 1789, il n’y avait même pas d’autre possibilité ; une vie publique telle que la nôtre au cours du dernier demi-siècle leur aurait paru un hideux cauchemar ; ils n’auraient jamais cru possible qu’un représentant du peuple pût abdiquer sa dignité au point de devenir le membre discipliné d’un parti.

Rousseau d’ailleurs avait montré clairement que la lutte des partis tue automatiquement la République. Il en avait prédit les effets. Il serait bon d’encourager en ce moment la lecture du Contrat social. En fait, à présent, partout où il y avait des partis politiques, la démocratie est morte. […] Une démocratie où la vie publique est constituée par la lutte des partis politiques est incapable d’empêcher la formation d’un parti qui ait pour but avoué de la détruire. Si elle fait des lois d’exception, elle s’asphyxie elle-même. Si elle n’en fait pas, elle est aussi en sécurité qu’un oiseau devant un serpent.

Auteur: Weil Simone

Info: L'enracinement, Editions Gallimard, 1949, page 42

[ critique ] [ impasse ] [ coteries ]

 
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fordisme

Mais la rationalisation de Ford consiste non pas à travailler mieux, mais à faire travailler plus. En somme, le patronat a fait cette découverte qu’il y a une meilleure manière d’exploiter la force ouvrière que d’allonger la journée de travail.

En effet, il y a une limite à la journée de travail, non seulement parce que la journée proprement dite n’est que de vingt-quatre heures, sur lesquelles il faut prendre aussi le temps de manger et de dormir, mais aussi parce que, au bout d’un certain nombre d’heures de travail, la production ne progresse plus. Par exemple, un ouvrier ne produit pas plus en dix-sept heures qu’en quinze heures, parce que son organisme est plus fatigué et qu’automatiquement il va moins vite.

Il y a donc une limite de la production qu’on atteint assez facilement par l’augmentation de la journée de travail, tandis qu’on ne l’atteint pas en augmentant son intensité.

C’est une découverte sensationnelle du patronat. Les ouvriers ne l’ont peut-être pas encore bien comprise, les patrons n’en ont peut-être pas absolument conscience ; mais ils se conduisent comme s’ils la comprenaient très bien.

C’est une chose qui ne vient pas immédiatement à l’esprit, parce que l’intensité du travail n’est pas mesurable comme sa durée.

Auteur: Weil Simone

Info: "La condition ouvrière", Journal d'usine, éditions Gallimard, 2002, pages 317-318

[ organisation du travail ] [ principe ] [ résumé ]

 

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gouvernement

L’obéissance étant une nourriture nécessaire à l’âme, quiconque en est définitivement privé est malade. Ainsi, toute collectivité régie par un chef souverain qui n’est comptable à personne se trouve entre les mains d’un malade.

C’est pourquoi, là où un homme est placé pour la vie à la tête de l’organisation sociale, il faut qu’il soit un symbole et non un chef, comme c’est le cas pour le roi d’Angleterre ; il faut aussi que les convenances limitent sa liberté plus étroitement que celle d’aucun homme du peuple. De cette manière, les chefs effectifs, quoique chefs, ont quelqu’un au-dessus d’eux ; d’autre part, ils peuvent, sans que la continuité soit rompue, se remplacer, et par suite recevoir chacun sa part d’indispensable obéissance.

Ceux qui soumettent des masses humaines par la contrainte et la cruauté les privent à la fois de deux nourritures vitales, liberté et obéissance ; car il n'est plus au pouvoir de ces masses d'accorder leur consentement intérieur à l'autorité qu'elles subissent. Ceux qui favorisent un état de choses où l'appât du gain soit le principal mobile enlèvent aux hommes l'obéissance, car le consentement qui en est le principe n'est pas une chose qui puisse se vendre.

Mille signes montrent que les hommes de notre époque étaient depuis longtemps affamés d'obéissance. Mais on en a profité pour leur donner l'esclavage. 

Auteur: Weil Simone

Info: L'enracinement, Editions Gallimard, 1949, page 24

[ hiérarchie ] [ ordre-désordre ] [ abus ] [ illégitimité ] [ asservissement ]

 

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