gouvernement

L’obéissance étant une nourriture nécessaire à l’âme, quiconque en est définitivement privé est malade. Ainsi, toute collectivité régie par un chef souverain qui n’est comptable à personne se trouve entre les mains d’un malade.

C’est pourquoi, là où un homme est placé pour la vie à la tête de l’organisation sociale, il faut qu’il soit un symbole et non un chef, comme c’est le cas pour le roi d’Angleterre ; il faut aussi que les convenances limitent sa liberté plus étroitement que celle d’aucun homme du peuple. De cette manière, les chefs effectifs, quoique chefs, ont quelqu’un au-dessus d’eux ; d’autre part, ils peuvent, sans que la continuité soit rompue, se remplacer, et par suite recevoir chacun sa part d’indispensable obéissance.

Ceux qui soumettent des masses humaines par la contrainte et la cruauté les privent à la fois de deux nourritures vitales, liberté et obéissance ; car il n'est plus au pouvoir de ces masses d'accorder leur consentement intérieur à l'autorité qu'elles subissent. Ceux qui favorisent un état de choses où l'appât du gain soit le principal mobile enlèvent aux hommes l'obéissance, car le consentement qui en est le principe n'est pas une chose qui puisse se vendre.

Mille signes montrent que les hommes de notre époque étaient depuis longtemps affamés d'obéissance. Mais on en a profité pour leur donner l'esclavage. 

Auteur: Weil Simone

Info: L'enracinement, Editions Gallimard, 1949, page 24

[ hiérarchie ] [ ordre-désordre ] [ abus ] [ illégitimité ] [ asservissement ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

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