L’homme qui murmurait à l’oreille des ceps de vigne
Joël Sternheimer, physicien dont le seul tort est peut-être d'avoir été un peu en avance sur son temps, a mis à jour la grande partition biologique de la nature.
Tel un Champollion musicien, il a décrypté les hiéroglyphes du vivant, en trouvant la mélodie de chacune des petites briques qui constituent la matière. Il a ainsi tracé le plus doux des chemins pour communiquer avec la nature. Les plantes vont être son terrain d'expérimentation idéal. En effet, chaque fleur est un laboratoire chimique qui travaille 24 heures sur 24.
Au premier rayon du soleil, des capteurs thermiques donnent le signal à la plante de produire la protéine de croissance. Dès la nuit venue, la température chute, c'est au tour de la protéine qui inhibe la croissance de s'activer, on la nomme le " complexe du soir ". Sans elle, la plante ne cesserait de pousser et s'écroulerait sous son propre poids. La nature exerce ainsi un arbitrage parfait entre agent stimulant et répresseur. Sans cette régulation, il n'y aurait que des créatures monstrueuses.
Sternheimer, grâce à la loi de De Broglie, a trouvé la fréquence de vibration des acides aminés en rapport à leur masse. Il la ramène par un jeu de proportion dans le champ que l'horaire humain entend, et nous livre ainsi la partition secrète du monde vivant. En jouant la mélodie d'une protéine, il se rend compte qu'il la stimule. En stimulant les protéines responsables de la croissance d'une plante, il contribue à accélérer cette croissance. En jouant la mélodie de la protéine qui inhibe la croissance, il inhibe la plante.
Le pouvoir de Sternheimer est désormais celui d'un démurge, d'un créateur de monde. Il devient le joueur de flûte de Hamelin qui exerce son charme sur les rats pour en débarrasser la ville, puis sur les enfants pour se venger de ne pas avoir été rétribué.
La manipulation du vivant, même par la musique, pose un problème éthique majeur. Est-ce ce problème qui va détourner la communauté scientifique de ce qui pourrait être une formidable avancée dans le monde de la santé ? Si l'intervention musicale n'est pas cadrée, il suffit de jouer une petite mélodie apparemment anodine pour déclencher un dérèglement hormonal majeur chez celui qui l'écoute.
Mais au bout de cette hypothèse, il y a le soin par le son. Plus besoin de chimie pour stimuler une défense immunitaire, plus besoin de pilules pour produire des enzymes, ni d'injections pour inhiber une protéine qui fait des ravages dans le corps d'un patient. En attendant ce moment, certes utopique, Sternheimer va se servir des plantes. Ou plutôt, les plantes vont lui servir de cobaye.
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Info: https://www.radiofrance.fr/ - 17 juillet 2023
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