potus imbu

Si Donald Trump fascine autant, c'est qu'il existe chez lui une part de mysticisme, d'absolu de la connerie.

(Photo : Le prophète de la connerie universelle)

En finira-t-on jamais avec Donald Trump? Il est permis d'en douter. Alors qu'on le pensait hors course, tout juste bon à tapoter quelques balles de golf en sa lointaine Floride, le revoilà pimpant comme jamais, si affûté qu'il apparaît comme le favori pour remporter dans quelques mois les primaires républicaines. À se demander s'il n'existe pas chez lui comme une aptitude surnaturelle à enjamber obstacle sur obstacle –et Dieu sait s'ils sont nombreux– sans jamais vraiment trébucher.

Qui sait s'il n'a pas été dépêché sur Terre pour punir les hommes d'être ce qu'ils sont, une sorte de Messie à l'envers, capable à lui tout seul de renverser l'ordre établi du monde? Auquel cas, son immarcescible connerie serait non pas tant le résultat d'une éducation ratée alliée à un manque total de jugement mais bien plus une émanation divine, l'objectification d'une bêtise si puissante qu'elle emporte tout sur son passage.

 Comment expliquer autrement qu'un personnage aussi balourd, stupide, cupide, fat, les adjectifs manqueront toujours pour caractériser d'une manière appropriée son exceptionnelle vacuité, puisse séduire par millions et se faire passer pour l'incarnation d'un homme capable de diriger la première puissance mondiale?

Certes, je n'ignore pas que la plupart de ses électeurs partagent avec lui ces mêmes dispositions à habiter le monde sans jamais avoir été traversé par cette chose indéfinissable mais pourtant bien réelle qu'on nomme intelligence, vivacité d'esprit, perspicacité, mais pour autant la fascination qu'il suscite ne saurait s'expliquer par le seul truchement d'un sentiment d'identification poussé à l'extrême. Il doit forcément y avoir autre chose, un élément mystique, un élan qui dépasse de mille coudées la simple adhésion à un populiste de bazar.

C'est que Donald Trump transcende la connerie. Il l'habite avec une telle désinvolture qu'on jurerait qu'elle est née avec lui, qu'elle procède de lui, qu'avant lui, elle se cherchait encore. Ce n'est pas tant que Donald Trump soit expert en connerie –en cette matière, ils sont pléthores– mais qu'il la sublime au point où elle finit par nous apparaître comme une qualité, une sorte de négation de l'intelligence si raffinée, si développée, qu'elle force l'admiration.

Si Donald Trump était seulement et banalement con, il aurait été une météorite de la politique américaine, une de plus diront les mauvaises langues. Sa persistance, sa résilience, sa longévité attestent d'une connerie qui ne saurait se réduire à elle-même mais serait plutôt une sorte de sublimation, une supra-connerie jamais encore rencontrée sur Terre, si puissante qu'elle parvient à fédérer autour d'elle non seulement les cons habituels, mais aussi tout ceux qui gravitent autour, j'entends les envieux, les bêtes, les jaloux, les aigris, les pleutres, la panoplie complète de la mesquinerie humaine envisagée sous tous ces aspects.

Si bien que Donald Trump ressemble plus à un prophète dont la mission serait non pas de répandre la bonne parole mais d'établir sur Terre le royaume de l'universelle connerie, une sorte d'évangélisme détourné où les églises seraient remplacées par les téléviseurs, la Bible par un fil Twitter, la pensée par son absence, un corpus idéologique si simple qu'il parviendrait à réunir autour de lui des fidèles de toutes obédiences.

Évidemment, l'établissement d'un pareil royaume n'aurait jamais pu connaître pareille fortune si des circonstances extraordinaires n'avaient concouru à sa réussite. En cela, l'apparition des réseaux sociaux, la prééminence des films de super-héros, l'absence dans la plupart des foyers américains de toute trace de vie culturelle, la malbouffe, la publicité à outrance, le rôle prépondérant joué par les influenceurs de toutes sortes, la multiplication de séries vidées de toute substance, la domination de chaînes d'information versées dans le complotisme ou la provocation à tout prix, la lâcheté d'un personnel politique terrorisé à l'idée de perdre sa base électorale… furent autant de phénomènes qui ont rendu possible l'avènement d'un couillon comme Donald Trump.

Il est à craindre que nous ne nous débarrasserons jamais vraiment de Donald Trump. Comme tous les grands prophètes, son œuvre survivra à sa disparition et continuera à fédérer autour d'elle la vaste confrérie des cons, lesquels, il faut bien l'avouer, n'ont jamais eu l'air aussi nombreux qu'aujourd'hui. Le trumpisme triomphera de tout parce que son noyau central, la bêtise, demeure une arme invincible, capable de résister à tous les raisonnements et d'enchanter les imaginaires comme aucune autre force.

Aux armes, citoyens!



 



 

Auteur: Sagalovitsch Laurent

Info: https://www.slate.fr/. BLOG You Will Never Hate Alone, 9 juin 2023

[ crétin populiste ] [ trickster apparent ] [ démagogue ] [ imbécile heureux ] [ nivellement par le bas ]

 

Commentaires: 5

Ajouté à la BD par Le sous-projectionniste

Commentaires

Coli Masson, colimasson@live.fr
2025-04-12 15:29
La connerie universelle c'est le psittacisme lâche des journalistes qui profitent d'une brèche leur donnant l'autorisation d'insulter spécifiquement un homme politique, en particulier parce qu'il serait "populiste" (dément de considérer ce terme comme une insulte alors que par ailleurs, le régime dit démocratique est porté aux nues) ou réactionnaire (pourtant Musk est transhumaniste), alors que tous les hommes politiques incarnent cette connerie universelle. Ces putains de journalistes demeurés sont les représentants exemplaires de la ruine de la pensée.
Coli Masson, colimasson@live.fr
2025-04-12 15:29
On pourrait lier avec : https://filsdelapensee.ch/quote/477427
miguel, filsdelapensee@bluewin.ch
2025-04-13 07:47
Si tu veux tu peux les lier... Oui les journalistes se répètent les uns les autres. Et Trump est intéressant tant il est disruptif et vient déranger les petits conforts de chacun. Il n'en reste pas moins que pour avoir pas mal regardé ses conférences de presse je considère qu'il est un crétin simpliste incroyable et qu'il représente extraordinairement bien certaines profondes différences entre européens et ricains : pouvoir national-géographique de sa nation, niveau d'éducation, schématisations ploutocrates, etc... Bref on retombe sur la phrase d'Einstein, je crois, "Les USA sont allé de la barbarie à la décadence sans passer par la civilisation"
Coli Masson, colimasson@live.fr
2025-04-14 17:06
Pour ma part, je ne comprends pas que les journalistes français s'en prennent avec rage à Trump alors que nous avons chez nous, si près de nous, un représentant aussi effroyable de la connerie tremendum et fascinans. Il suffit de voir ce qu'il valorise en termes de culture, ses manières de s'adresser aux français, les ignares qu'il choisit comme ministres, et ses choix politiques qui vont à l'encontre du bon sens. C'est surtout cet aveuglement qui m'énerve.
miguel, filsdelapensee@bluewin.ch
2025-04-15 09:59
ok ok cool baby :-)