Par le fait que la sexualité infantile a assimilé la pulsion d’abandon de son propre moi aux autres, la soumission au monde extérieur pour éviter l’isolement, elle s’est donnée elle-même un caractère masochiste. Nous pourrions dire que le masochisme est la tentative de l’enfant de s’identifier à la situation passive qui lui est faite et de parvenir ainsi, par l’assujettissement, à un certain contact avec l’environnement. Le moteur du masochisme est la peur de la solitude, mais la peur de la solitude est un thème qui intervient tout au long de la vie. Dans la situation existante le mode des rapports réciproques entre les êtres […] est à tel point corrompu que tout individu se trouve constamment placé devant l’alternative entre rester seul et se faire violer. La tendance infantile à essayer d’établir un contact par la soumission est donc constamment entretenue. [...]
Nous pouvons donc dire que la pression extérieure de l’alternative devant laquelle se trouve placé l’enfant entre l’abandon de soi et la solitude crée en tout individu un facteur masochiste qui est l’expression d’un irrésistible besoin de contact. Face à cet élément s’élève la "protestation anti-sexuelle" qui vient contre-balancer l’hypertrophie de l’instinct de conservation de sa propre individualité. Mais il se forme alors un compromis entre cet instinct orienté vers le maintien de la solitude et la sexualité, en d’autres termes : il se forme aussi une composante sexuelle partielle dans laquelle le maintien de son propre isolement se combine en même temps avec la volonté de vivre sexuellement. La pulsion de moi hypertrophiée dans sa nature de refus du contact et d’affirmation de son propre soi par rapport à l’autre, autrement dit la "volonté de puissance" prend une expression sexuelle. Mais c’est la définition même du sadisme, au sens le plus large du terme. Il se forme donc aussi en chacun de nous un facteur sadique qui est l’expression du caractère insurmontable de l’instinct de conservation de soi. Le grand conflit intérieur, le conflit initial entre le propre et l’étranger, devient donc, en tant que conflit entre la sexualité et la pulsion du moi, entre les tendances au don de soi et la volonté de puissance, un conflit impliqué entièrement dans le domaine sexuel entre deux composantes instinctuelles antagonistes, l’une et l’autre de nature sexuelle, le facteur masochiste et le facteur sadique.
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Info: Révolution sur un divan, traduit de l’allemand par Jeanne Etoré Les éditions Solin, 1988, pages 119-120
Commentaires: 2
Coli Masson
08.04.2025
c'est la compromission du désir dans la jouissance!
miguel
04.04.2025
besoins contraires