Qui est le prochain ? C’est le Samaritain pour ce pauvre homme battu, volé, dépouillé. C’est le Samaritain qui s’était comporté comme son prochain. Le Christ demande donc au blessé de la route d’aimer ce Samaritain sauveur et de l’aimer comme lui-même.
C’est à celui qui a été sauvé que Jésus enseigne l’amour. Toute sa vie il aimera l’homme dont il a reçu attention, assistance et secours matériels, celui sans qui il serait mort. Jamais il ne devra oublier cet homme qui l’a remis en selle.
[…] Toute notre vie, d’après le Christ, nous avons à reconnaître une dette vis-à-vis de qui nous a épaulés dans un moment où, seuls, nous n’aurions pas pu continuer notre chemin. Que nous le connaissions ou pas, nous sommes en dette vis-à-vis de qui nous secourt dans nos moments de détresse.
[…] Le modèle "samaritain" de cet évangile laisse l’autre libre. Il se retire de notre chemin et continue le sien. Cette dette d’amour, de reconnaissance que nous avons envers le connu ou l’inconnu qui nous a aidé, nous ne pouvons la régler qu’en faisant de même avec d’autres.
[…] Quand tu es "samaritain", dit le Christ, tu dois ignorer et la dette et la reconnaissance.
C’est désintéressé, quand celui qui a accompli un geste généreux n’en a plus aucun souvenir. Il n’a pas à en chasser le souvenir. C’est accompli.
C’est un acte de sublimation génitale. C’est comme la mère qui accouche. C’est un acte d’amour. C’est donné. C’est comme dans un coït d’amour, c’est donné.
Mais qui s’en souviendra ? L’enfant. Il est en dette d’une vie, en dette de refaire la même chose avec ses enfants ou ses compagnons de vie. Mais non par "devoir", non par "justice". C’est un courant d’amour. S’il est stoppé, c’est la mort.
Combien de fois n’entend-on pas des gens convaincus d’avoir été charitables ou d’avoir donné, reprocher ensuite aux autres de manquer de reconnaissance […].
Ce n’est pas au "samaritain" que la reconnaissance est directement manifestée. On pense à ce qu’il a fait pour nous, et on agira de même avec un autre.
Si celui qui a été "charitable" garde en lui une exigence vis-à-vis de celui qu’il a un jour aidé, s’il en attend de la reconnaissance, il prouve qu’il cherchait à acheter quelqu’un et qu’il n’était donc pas "samaritain".
[…] Notre prochain, c’est tous ceux qui, à l’occasion du destin, se sont trouvés là quand nous avions besoin d’aide, et nous l’ont donnée, sans que nous l’ayons demandée, et qui nous ont secourus sans même en garder le souvenir. Ils nous ont donné de leur plus-value de vitalité. Ils nous ont pris en charge un temps, en un lieu où leur destin croisait notre chemin.
Notre prochain, c’est le "toi" sans lequel il n’y aurait plus en nous de "moi", dans un moment où, dépouillés de ressources physiques ou morales, nous ne pouvons plus nous paterner ni nous materner nous-mêmes, nous ne pouvons plus nous assister, nous assumer, nous soutenir ou nous diriger.
Tous ceux qui, comme des frères et de façon désintéressée, nous ont pris sous leur responsabilité, jusqu’à la réfection de nos forces, puis nous ont laissés libres d’aller notre chemin, ont été notre "prochain".
Années: 1908 - 1988
Epoque – Courant religieux: Récent et Libéralisme économique
Sexe: F
Profession et précisions: psychologue
Continent – Pays: Europe - France