Il est évident d’après ce qui précède qu’il n’y a pas de premier principe des maux, comme il y a un premier principe des biens.
1. Parce que le premier principe des biens est le bien par essence, ainsi qu’on l’a montré. Or rien ne peut être le mal par essence, puisque, on l’a montré aussi, tout être, en tant qu’être, est bon, et que le mal ne se trouve que dans le bien, comme dans son sujet.
2. Parce que le premier principe des biens est le bien souverain et parfait, en qui préexiste toute bonté, ainsi qu’on l’a vu. Or il ne peut y avoir un souverain mal ; car, on l’a montré, même si le mal diminuait sans cesse le bien, jamais il ne peut le détruire totalement. Comme il y a toujours du bien dans les êtres, il n’y a rien qui soit intégralement et parfaitement mauvais. C’est ce qui fait dire au Philosophe : "Si le mal était mal intégralement, il se détruirait lui-même" ; car en supprimant tout bien, au point de le rendre intégralement mauvais, on supprimerait aussi le mal lui-même, qui a le bien pour sujet
Parce que la raison de mal s’oppose à la raison de premier principe. D’abord parce que tout mal est causé par le bien, comme on l’a montré. Et aussi parce que le mal ne peut être cause que par accident ; ainsi ne peut-il pas être cause première, puisque la cause par accident est postérieure à ce qui est par soi, comme le prouve Aristote.
Ceux qui ont admis deux premiers principes, l’un bon et l’autre mauvais, sont tombés dans cette erreur pour la même raison qui fit avancer aux philosophes anciens d’autres erreurs également étranges. Au lieu de s’élever à la cause universelle de tout l’être, ils se sont arrêtés aux causes particulières d’effets particuliers. C’est pourquoi, quand ils ont observé que certains êtres nuisent à d’autres en vertu de leur nature, ils en ont conclu que cette nature était mauvaise, comme si l’on disait que le feu est mauvais par nature parce qu’il a brûlé la maison d’un pauvre. Mais on ne doit pas juger de la bonté d’une chose d’après le rapport qu’elle a avec un être particulier ; on doit considérer cette nature en elle-même, et par rapport à l’univers entier, dans lequel tout être tient son rang avec un ordre admirable, nous l’avons vu.
De même, ceux qui trouvaient à deux effets antagonistes particuliers des causes particulières également antagonistes, ne surent pas ramener ces causes particulières à une cause universelle commune, et ils conclurent que les principes premiers étaient eux-mêmes antagonistes. Mais étant donné que tous les contraires se rejoignent dans un même genre, il est nécessaire de reconnaître, au-dessus des causes particulières qui s’opposent, une cause unique commune. Ainsi, au-dessus des qualités contraires des éléments, on trouve la vertu active du corps céleste. De même, au-dessus de tout ce qui est d’une manière quelconque, se trouve un unique premier principe d’être, ainsi que nous l’avons fait voir.
Années: 1225 - 1274
Epoque – Courant religieux: moyen âge
Sexe: H
Profession et précisions: philosophe et théologien
Continent – Pays: Europe - Italie