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réel brutal

Il existe une espèce d'excès dans la réalité, dont le grossissement devient insupportable. 

Auteur: Gombrowicz Witold

Info: Dans "Cosmos", trad. Georges Sédir, éd. Denoël, 1966, page 88

[ crudité ] [ perception immédiate ] [ das Ding ]

 

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beaux-arts

Nous dirons que d’une certaine façon, tout art […] se caractérise, en somme, par une certaine manière, un certain mode d’organisation autour de ce vide.

Auteur: Lacan Jacques

Info: 3 février 1960

[ das ding ] [ la chose ] [ béance ] [ origine ]

 
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Ajouté à la BD par Coli Masson

beauté

Que les analystes eux-mêmes - j’espère qu’ici personne ne se sentira visé - ne se recommandent pas par un agrément corporel, c’est là ce à quoi la laideur socratique donne son plus noble antécédent, en même temps d’ailleurs qu’elle nous rappelle que ce n’est pas du tout un obstacle à l’amour.

Mais il faut tout de même souligner quelque chose, c’est que l’idéal physique du psychanalyste - tel du moins qu’il se modèle dans l’imagination de la masse - comporte une addition d’épaisseur obtuse et de rustrerie bornée qui véhicule vraiment avec elle toute la question du prestige. L’écran de cinéma - si je puis dire - est ici le révélateur le plus sensible. Pour nous servir simplement du tout dernier film d’HITCHCOCK [Psychose], voyez sous quelle forme se présente le débrouilleur d’énigme, celui qui se présente là pour trancher sans appel au terme de tous les recours, franchement il porte toutes les marques de ce que nous appellerons un élément stigmatisé comme l’intouchable !

[…] En somme l’analyse est la seule praxis où le charme soit un inconvénient : il romprait le charme.

Auteur: Lacan Jacques

Info: 16 novembre 1960

[ apparence ] [ das ding ] [ la chose ] [ répulsion ]

 
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amour-propre

C’est un fait d’expérience que ce que je veux, c’est le bien des autres à l’image du mien. Ça ne vaut pas si cher. Ce que je veux, c’est le bien des autres, pourvu qu’il reste à l’image du mien. Et je dirai plus, ça se dégrade si vite que ça vient en ceci : pourvu qu’il dépende de mon effort.

Je n’ai pas besoin, je pense, de vous demander de vous porter loin dans l’expérience de vos malades, c’est à savoir qu’en voulant le bonheur de ma conjointe, sans doute je fais le sacrifice du mien, mais qui me dit que le sien ne s’y évapore pas aussi totalement ? Peut-être est-ce ici le sens de l’amour du prochain qui pourrait me redonner la direction véritable. Et pour ceci il faudrait savoir affronter ceci, que la jouissance de mon prochain, sa jouissance nocive, sa jouissance maligne, c’est elle qui se propose comme le véritable problème pour mon amour. 

Là-dessus, il est bien clair qu’il ne serait pas difficile de faire le saut tout de suite vers les extrêmes des mystiques. Malheureusement je dois dire que beaucoup de leurs traits les plus saillants me paraissent toujours marqués d’un quelque chose d’un peu puéril. C’est bien sûr de cet au-delà du principe du plaisir, de ce lieu de la Chose innommable, et de ce qui s’y passe, qu’il s’agit dans tel exploit dont on provoque notre jugement par des images, quand on nous dit qu’une Angèle DE FOLIGNO buvait avec délices l’eau dans laquelle elle venait de laver les pieds des lépreux. Et je vous passe les détails : il y avait une peau qui s’arrêtait en travers de sa gorge et ainsi de suite, ou que la bienheureuse Marie ALACOQUE mangeait, avec non moins de récompense d’effusions spirituelles, des excréments d’un malade.

Ce qui me paraît dans ces faits assurément édifiants, manquer un peu, c’est que, semble-t-il, leur portée convaincante vacillerait un peu si les excréments dont il s’agit étaient ceux par exemple d’une belle jeune fille ou encore s’il s’agissait de manger le foutre d’un avant de votre équipe de rugby.

Auteur: Lacan Jacques

Info: 23 mars 1960

[ das ding ] [ utilitarisme ] [ inconscient ] [ désir ]

 

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écrivain

On peut admettre que dans aucune littérature d’aucun temps il y eut un ouvrage aussi scandaleux, que nul autre n’a blessé plus profondément les sentiments et les pensées des hommes. Aujourd’hui que les récits de MILLER nous font trembler, qui oserait rivaliser de licence avec SADE ? Oui, on peut prétendre que nous tenons là l’œuvre la plus scandaleuse qui fut jamais écrite. Et Maurice BLANCHOT que je vous cite, continue : "N’est-ce pas un motif de nous en préoccuper ?"

[…] En fait, il semble qu’il n’y ait pas d’atrocité concevable qui ne puisse être trouvée dans ce catalogue où semblait puiser une sorte de défi à la sensibilité dont l’effet est à proprement parler stupéfiant.

Si le mot stupéfiant veut dire qu’en quelque sorte on abandonne la ligne du sens à l’auteur, qu’on perd les pédales autrement dit, et qu’à ce point de vue on peut même dire que l’effet dont il s’agit est obtenu sans art, c’est-à-dire sans considération de l’économie des moyens, par une sorte d’accumulation des détails, des péripéties auxquelles s’ajoute apparemment un truffage de dissertations, de justifications dont assurément les contradictions nous intéressent beaucoup car nous les suivrons dans le détail, et dont pour l’instant je veux seulement faire remarquer que seuls les esprits grossiers peuvent considérer - ce qui leur arrive - que ces dissertations sont là pour faire en quelque sorte passer des complaisances érotiques.

Même des gens beaucoup plus fins que des esprits grossiers en sont venus à attribuer à ces dissertations, dénommées digressions, la baisse, si l’on peut dire, de la tension suggestive sur le plan où pourtant les esprits fins en question - il s’agit là très précisément de Georges BATAILLE - sur le plan où ils considèrent l’œuvre comme nous donnant proprement l’accès à cette sorte d’assomption de l’être en tant que dérèglement où ils voient la valeur de l’œuvre de SADE.

Attribuer cette espèce d’intérêt à ces dissertations et digressions est pourtant une erreur. L’ennui dont il s’agit est quelque chose d’autre. Il n’est que la réponse de l’être précisément - que ce soit du lecteur ou de l’auteur peu importe - à l’approche d’un centre d’incandescence ou, si je puis dire, de zéro absolu en tant qu’il est psychiquement irrespirable.

Sans doute, que le livre tombe des mains prouve qu’il est mauvais. Mais ici le mauvais littéraire est peut-être le garant de cette mauvaiseté à proprement parler - pour employer un terme qui était encore en usage au XVIIème siècle - qui est l’objet même de notre recherche.

Dès lors SADE se présente dans l’ordre de ce que j’appellerai la littérature expérimentale. À savoir l’œuvre d’art en tant qu’elle est elle–même expérience, et une expérience qui n’est pas n’importe laquelle, une expérience, dirais-je, qui arrache le sujet comme tel, et par son procès, à ce que je pourrais appeler ses amarres psychosociales, et pour ne pas rester dans le vague, je veux dire, à toute appréciation psychosociale de la sublimation dont il s’agit.

Auteur: Lacan Jacques

Info: 30 mars 1960

[ œuvre ] [ critique ] [ das ding ] [ impossible ]

 

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amour-propre

Il est de la nature du bien en somme d’être altruiste. Mais ce que FREUD ici nous fait sentir, c’est que ce n’est pas là l’amour du prochain. Il ne l’articule pas pleinement, mais nous allons essayer - sans rien forcer - de le faire à sa place, et uniquement sur ce fondement qui fait qu’à chaque fois qu’il s’arrête, comme horrifié devant la conséquence du commandement de l’amour du prochain, ce qui surgit, c’est la présence de cette méchanceté foncière qui habite en ce prochain, mais dès lors aussi en moi-même, car qu’est-ce qui m’est plus prochain que ce cœur en moi-même qui est celui de ma jouissance, dont je n’ose pas approcher ?

Car dès que j’en approche - c’est là le sens du Malaise dans la civilisation - surgit cette insondable agressivité devant quoi je recule, c’est-à-dire, nous dit FREUD, que je retourne contre moi, et qui vient donner son poids, à la place de la loi même évanouie, à ce qui arrête, à ce qui m’empêche de franchir une certaine frontière à la limite de la Chose. Tant qu’il s’agit du bien il n’y a pas de problème, parce que ce qu’on appelle le bien, le nôtre et celui de l’autre, ils sont de la même étoffe. Tant qu’il s’agit du bien il n’y a pas de problème, parce que ce qu’on appelle le bien, le nôtre et celui de l’autre, ils sont de la même étoffe. Saint MARTIN partage son manteau et on en a fait une grande affaire, mais enfin tout de même c’est une simple question d’approvisionnement. L’étoffe est faite pour être écoulée de sa nature, elle appartient à l’autre autant qu’à moi. Sans doute, nous touchons là un terme primitif de besoin qu’il y a à satisfaire.

Le mendiant est nu, mais peut-être au-delà de ce besoin de se vêtir mendiait-il autre chose, que Saint MARTIN le tue, ou le baise. C’est une tout autre question de savoir ce que signifie, dans une rencontre, la réponse, non pas de la bienfaisance, mais de l’amour. Il est de la nature de l’utile, d’être utilisé. Si je puis faire quelque chose en moins de temps et de peine que quelqu’un qui est à ma portée, par tendance je serai porté à le faire à sa place, moyennant quoi je me damne de ce que j’ai à faire pour ce "plus prochain des prochains" qui est en moi. Je me damne pour assurer à celui à qui cela coûterait plus de temps et de peine qu’à moi, quoi ? Un confort qui ne vaut que pour autant que j’imagine que, si moi, j’avais ce confort, c’est-à-dire pas trop de travail, je ferais de ce loisir le meilleur usage. Mais ça n’est pas du tout prouvé que je saurais le faire ce meilleur usage si j’avais tout pouvoir pour me satisfaire. Je ne saurais peut-être que m’ennuyer.

Dès lors, en procurant aux autres ce pouvoir, peut-être simplement que je les égare. J’imagine leurs difficultés, leur douleur au miroir des miennes. Ça n’est certes pas l’imagination qui me manque, c’est plutôt le sentiment, à savoir ce qu’on pourrait appeler cette voie difficile, l’amour du prochain.

Auteur: Lacan Jacques

Info: 23 mars 1960

[ das ding ] [ deuxième ] [ inconscient ] [ ignorance ] [ répugnance ]

 

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