Nous sommes obligés de choisir, car les processus que nous avons lancés au cours de notre vie ne peuvent se poursuivre du vivant de nos enfants. Quoi que nous fassions, soit nous créons le cadre nécessaire à la poursuite de l'aventure suprême de la vie et de la conscience sur cette planète, soit nous préparons le terrain pour y mettre fin. Le choix qui s'offre à nous est urgent et important : il ne peut être ni reporté ni ignoré. 

La stratégie de ce livre consiste donc à nous réveiller du rêve selon lequel le monde est sur le point de prendre fin, car l'action sur Terre (la vraie Terre) en dépend. La fin du monde a déjà eu lieu. Nous pouvons déterminer avec une  troublante exactitude la date à laquelle le monde a pris fin. Ce genre de précision n'est généralement pas facile à associer à l'historiographie, ni d'ailleurs au temps géologique. Mais dans ce cas, c'est d'une clarté surprenante. C'était en avril 1784, lorsque James Watt a breveté la machine à vapeur, un acte qui a marqué le début du dépôt de carbone dans la croûte terrestre, c'est-à-dire la naissance de l'humanité en tant que force géophysique à l'échelle planétaire.

Songez que depuis que l'homme consomme massivement des combustibles fossiles (pétrole, charbon, gaz de schiste ou autre), le taux de CO² atmosphérique a augmenté d'environ 40% - une modification quasi instantanée à l'échelle des temps géologiques.

Songez qu'en moins de deux siècles on est passé de machines à vapeur plutôt rudimentaires à des centrales nucléaires - à vapeur aussi - capables d'alimenter en électricité des millions d'habitants.

Songez que le plutonium 239, l'un des nombreux éléments radioactifs déversés dans la nature à la suite de la catastrophe nucléaire de Fukushima, a une demi-vie de 24 000 ans, ce qui signifie que dans 24 siècles il en restera encore la moitié.

Songez que, tant pour le coton que pour le soja, 81% des surfaces cultivées le sont d'ores et déjà avec des plantes génétiquement modifiées.

Songez que dans son expertise de 2013, l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) nous dit qu'il existe près de 100 familles chimiques de pesticides et pas loin de 10 000 formulations commerciales - le tout destiné, bien sûr, à rejoindre notre environnement.