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explosion de Tchernobyl

Personne n’a encore avoué combien il y a eu de victimes. Le directeur de la centrale a été mis en prison, puis relâché. Il est difficile de dire qui était coupable, dans le système qui existait alors. Si des ordres arrivaient d’en haut, qu’étiez-vous censé faire ? Ils procédaient à des essais quelconques. J’ai lu dans le journal que les militaires y produisaient du plutonium pour les bombes atomiques… C’est pour cela qu’il y a eu une explosion…. Pour parler court, il faut se demander pourquoi il y a eu Tchernobyl. Pourquoi cela s’est-il passé chez nous et non pas chez les Français ou les Allemands ?

Auteur: Alexievitch Svetlana

Info: La supplication, Editions Jean-Claude Lattès, 1998, traduit du russe par Galia Ackerman et Pierre Lorrain, page 107

[ responsabilité ] [ questions ] [ centre d'expérimentation ] [ arme nucléaire ]

 

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explosion de Tchernobyl

Des odeurs… Je ne parvenais pas à comprendre pourquoi cela sentait comme ça, au village de Massaly, à six kilomètres du réacteur. Cela sentait l’iode ou un acide… Comme dans un cabinet de radiologie… J’ai dû tirer à bout portant. Une chienne, au milieu de la route, des chiots autour d’elle. Elle s’est jetée sur moi et je lui ai mis une balle. Les chiots me léchaient les mains, jouaient… J’ai dû tirer à bout portant… Et ce chien… Un caniche noir… Je le regrette encore aujourd’hui. Nous en avons rempli une benne entière… A ras bord. Nous l’avons déchargé dans la fosse. C’était, à vrai dire, une fosse profonde. Il y avait des instructions : creuser de préférence dans des endroits élevés, pas trop profondément pour ne pas atteindre les nappes phréatiques, et couvrir le fond d’une bâche en plastique. Mais vous pensez bien qu’elles n’ont pas été respectées à la lettre : il n’y avait pas de plastique et l’on ne se fatiguait pas à chercher des endroits convenables.

Auteur: Alexievitch Svetlana

Info: La supplication, Editions Jean-Claude Lattès, 1998, traduit du russe par Galia Ackerman et Pierre Lorrain, page 104

[ événement nucléaire ] [ liquidateur ] [ pollution ] [ moyens insuffisants ] [ homme-animal ]

 

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Tchernobyl

Le quatrième réacteur, nom de code "Abri", conserve toujours dans son ventre gainé de plomb et de béton armé près de vingt tonnes de combustible nucléaire. Ce qu’il advient aujourd’hui de cette matière, nul ne le sait.

Le sarcophage fut bâti à la hâte, et il s’agit d’une construction unique dont les ingénieurs de Piter qui l’ont conçue peuvent probablement se montrer fiers. Mais l’on procéda à son montage "à distance" : les dalles furent raccordées à l’aide de robots et d’hélicoptères, d’où des fentes. Aujourd’hui, selon certaines données, la surface totale des interstices et des fissures dépasse deux cents mètres carrés et des aérosols radioactifs continuent à s’en échapper.

Le sarcophage peut-il tomber en ruine ? Personne ne peut, non plus, répondre à cette question car, à ce jour, il est impossible de s’approcher de certains assemblages et constructions pour déterminer combien de temps ils peuvent durer encore. Mais il est clair que la destruction de l’ "Abri" aurait des conséquences encore plus horribles que celles de 1986… 

Auteur: Alexievitch Svetlana

Info: La supplication, Editions Jean-Claude Lattès, 1998, traduit du russe par Galia Ackerman et Pierre Lorrain, page 9

[ rafistolage ] [ solution provisoire ] [ catastrophe nucléaire ]

 

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victime de Tchernobyl

Je ne me suis plus détachée de lui… Je l’ai accompagné jusqu’au cercueil… Bien que je ne me souvienne pas d’un cercueil, mais d’un grand sac en plastique… Ce sac… A la morgue, ils me demandèrent : "Voulez-vous voir comment nous l’avons habillé ?" Bien sûr, je le voulais ! Il était revêtu de sa grande tenue, la casquette posée sur sa poitrine. On n’avait pas pu le chausser car personne n’avait pu trouver de chaussures à sa taille : ses pieds étaient trop gonflés… Il avait fallu également couper l’uniforme, car il était impossible de le lui enfiler, il n’avait plus de corps solide… Il n’était plus qu’une énorme plaie… Les deux derniers jours, à l’hôpital… Je lui ai soulevé le bras et l’os a bougé, car la chair s’en était détachée… Des morceaux de poumon, de foie lui sortaient par la bouche… Il s’étouffait avec ses propres organes internes… J’enroulais ma main dans une bande et la lui mettais dans la bouche pour en extraire ces choses… On ne peut pas raconter cela ! On ne peut pas l’écrire ! Et c’était tellement proche… Tellement aimé… Il était impossible de lui enfiler des chaussures… On le mit pieds nus dans le cercueil…

Auteur: Alexievitch Svetlana

Info: La supplication, Editions Jean-Claude Lattès, 1998, traduit du russe par Galia Ackerman et Pierre Lorrain, pages 24-25

[ mort ] [ description ] [ conséquences ] [ irradiation ] [ agonie ]

 
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Tchernobyl

Là-bas, on entrait dans un monde fantastique, un mélange de fin du monde et d’âge de pierre. Je percevais tout d’une manière particulièrement aiguë, épidermique… Nous vivions dans des tentes, au milieu de la forêt, à vingt bornes du réacteur. Comme des partisans. On appelait d’ailleurs ainsi les réservistes qui avaient été convoqués comme moi. Des hommes entre vingt-cinq et quarante ans, beaucoup avec une éducation supérieure ou technique. Moi, j’enseigne l’histoire. En guise de fusil, nous avions des pelles. Nous retournions les décharges, les potagers. Dans les villages, les femmes nous regardaient et se signaient. Nous portions des gants, des masques, des tenues de camouflage... Le soleil était chaud... Nous apparaissions dans leurs potagers, comme des diables. Elles ne comprenaient pas pourquoi nous retournions leurs parcelles, arrachant les plants d’ail et les choux alors qu’ils semblaient parfaitement normaux. Les grand-mères se signaient et criaient : “Petits soldats, est-ce la fin du monde ?”

Dans une maison, le four était allumé et une bonne femme y faisait frire du lard. On a approché le dosimètre : ce n’était pas un four, mais un véritable petit réacteur. Ils nous ont invités : "Restez manger un morceau, les gars !" Nous avons refusé. Mais eux : "Nous allons trouver de la vodka ! Asseyez-vous ! Racontez !" Mais que pouvions-nous bien raconter ? Près du réacteur, les pompiers marchaient directement sur le combustible mou. Il luisait et ils ne savaient même pas ce que c’était. Alors, nous autres, que pouvions-nous savoir ?

Nous y allions. Nous avions un seul dosimètre pour une unité entière. Et la radiation n’était jamais la même à des endroits différents : l’un de nous travaillait là où il n’y avait que deux röntgens, et un autre là où il y en avait dix. D’un côté régnait l’arbitraire, comme dans les camps, et de l’autre la peur. Moi, je voyais tout comme de l’extérieur.

Un groupe de scientifiques est arrivé en hélicoptère. Ils portaient des vêtements spéciaux de caoutchouc, des bottes hautes, des lunettes de protection. Comme pour un débarquement sur la Lune… Une vieille femme s’est approchée de l’un d’eux. 

- Qui es-tu ?

- Un scientifique.

- Un scientifique ? Voyez comment il est affublé. Et nous alors ?

[…] J’ai vu un homme dont on enterrait la maison devant ses yeux… (Il s’arrête.) On enterrait des maisons, des puits, des arbres… On enterrait la terre… On la découpait, on en enroulait des couches… Je vous ai prévenue… Rien d’héroïque.

[…] Nous enterrions la forêt. Nous sciions les arbres par tronçons d’un mètre et demi, les entourions de plastique et les balancions dans une énorme fosse. Je ne pouvais pas dormir, la nuit. Dès que je fermais les yeux, quelque chose de noir bougeait et tournait, comme si la matière était vivante. Des couches de terre vivantes… Avec des insectes, des scarabées, des araignées, des vers… Je ne savais rien sur eux, je ne savais même pas le nom de leurs espèces… Ce n’étaient que des insectes, des fourmis, mais ils étaient grands et petits, jaunes et noirs. Multicolores. Un poète a dit que les animaux constituaient un peuple à part. Je les tuais par dizaines, centaines, milliers, sans savoir même le nom de leurs espèces. Je détruisais leurs autres, leurs secrets. Et je les enterrais…

Auteur: Alexievitch Svetlana

Info: Témoignage d'Arkadi Filine dans La supplication, Editions Jean-Claude Lattès, 1998, traduit du russe par Galia Ackerman et Pierre Lorrain, pages 94 à 97

[ liquidateur ]

 

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