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étymologie

Le mot "scolie", qui signifie peu ou prou une glose, vient comme le mot "école" du grec skholê σχολή, qui désigne d’abord le "repos", le  "loisir" et ensuite "l’occupation d’un homme de loisir", puis le "lieu d’études". Le latin l’a repris en schola, qui signifie les "loisirs consacrés à l’étude", qui est devenu l’"école". Autant dire que le mot skholè serait une très judicieuse traduction du mot araméen "Talmoud"…

Auteur: Zagdanski Stéphane

Info: https://laggg2020.substack.com/p/le-manque-et-loubli-spinoza-et-la-05d?

[ signification ] [ équivalent ]

 

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rythme de la vie moderne

Dans sa guerre contre la Manutention du monde, la diffraction dispose d’une devise : "Ne travaillez jamais !".

"Ne travaillez jamais !" ne signifie évidemment pas : prenez des vacances, mais assassinez ce faux temps qui meut d’autant mieux le monde qu’il est concrètement mort. Le travail-mort coagulé dans la marchandise pétrifie les vivants par sa fausse fluidité circulatoire saccadée en instants interchangeables, dévalisés de toute intensité, purs produits de consommation d’une existence vouée à la vacuité.

Le désormais fameux jamais de Debord n’est pas un nevermore ; c’est un murmure tamtamé sur un mur, un dard empoisonné fiché dans l’épiderme du temps spectaculaire.

Auteur: Zagdanski Stéphane

Info: Debord ou la diffraction du temps, Gallimard, 2008

[ mécanique ] [ opposition ]

 

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expérience scientifique

Un laborantin étudie les aptitudes sensorielles de la sauterelle. Il dépose une sauterelle sur la table de son labo et lui intime : "Saute !" La sauterelle fait un bond. Puis il la maintient d’une main et l’ampute délicatement de la patte arrière gauche. Il lui dit : "Saute !" La sauterelle obtempère. Puis il l’ampute de la patte avant droite, et ordonne : "Saute !" Et la sauterelle sautille. Il lui ampute l’autre patte arrière et dit : "Saute !" Tant bien que mal, la sauterelle sursaute. Enfin il l’ampute de sa dernière patte et crie "Saute !" La sauterelle demeure immobile. Le laborantin prend alors son carnet de notes, et écrit : "Lorsqu’elle est amputée de ses quatre pattes, la sauterelle devient sourde."

Auteur: Zagdanski Stéphane

Info: https://laggg2020.substack.com/p/le-cas-singulier-dun-exalte-de-luniversel-e6b?

[ conclusion erronnée ] [ subjectivité ] [ interprétation ]

 
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séphiroth

Le mot sefira, rendu parfois par "nombre primordial", ce qui est une mauvaise traduction, rendu dans la traduction du Sefer Yetsirah de Bernard Dubourg par "inscription" et dans celle de Mopsik  par "chiffre", est à peu près intraduisible en réalité.

Le mot vient de la racine du verbe hébreu safar, qui signifie à la fois "gratter", "polir",  "inscrire  sur de la pierre", "écrire", "compter", "énumérer", "raconter", "narrer", ou simplement "proférer des mots".    Le terme safar est donc primordialement lié à l’écriture, à l’inscription puisqu’il n’y a pas de chiffres en hébreu.

Il apparaît pour la première fois au début du Sefer Yetsirah, le "livre de la Création" (Dubourg le rend par "Le Livre de l’Œuvre"), plus ancien traité mystique de cosmogonie juif, écrit vraisemblablement entre le 3ème et le 6ème siècle, où il est associé à un autre terme, beli-mah, qui littéralement signifie "sans quoi". On étudiera cette énigme plus tard.

Le monde divin, enseigne la Kabbale,  s’articule en dix sefiroth qui sont à la fois dix éléments de la structure de Dieu, dix dimensions du divin, dix parties du corps divin et dix émanations successives ayant abouti à la création du monde. Par ailleurs, cette antériorité ex nihilo du monde sefirotique est intégralement prise dans un processus analogue à la naissance de la parole depuis la pensée la plus secrète.

[...]

Tout cela reste assez confus, et l’on ne sait pas bien s’il s’agit plutôt d’un processus de "manifestation" du divin (par degrés, émanations, nominations, épanchements ? ) ou bien d’un processus de création et de production de l’univers (et de quel type exactement ? matériel, spirituel, luminescent, langagier ?) …Cette incertitude n’est pas sans dessein, vous vous en doutez bien.

Auteur: Zagdanski Stéphane

Info: https://laggg2020.substack.com/p/pensee-du-royaume-royaume-de-la-pensee-acb?

[ judaïsme ] [ herméneutique ] [ signification ] [ étymologie ]

 

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généalogie

La propre source, c’est ce que chaque femme et chaque homme au monde reçoit en héritage par sa naissance, avec son nom propre, sans l’avoir en commun avec qui que ce soit d’autre. Qui que vous soyez, vous êtes né quelque part, de parents nés eux aussi quelque part. Ce quelque part n’est pas seulement un lieu géographique ni une histoire familiale : c’est une langue, une provenance spirituelle, une sagesse ascendante. Que vous le sachiez ou pas, qui que vous soyez votre origine est royale. La femme de ménage algérienne la plus démunie a sa propre source royale. L’ouvrier breton le plus harassé aussi. Le petit commerçant chinois endetté aussi. La prostituée albanaise aussi, comme l’Inuit alcoolisé, le Tibétain exilé, le Malais esclavagisé, le mendiant roumain, le Corse anachorète, le Juif haineux de soi…



Accéder à sa propre source n’est pas compliqué en soi. La méthode en est d’autant plus simple qu’elle n’a pas varié depuis des siècles. Commencez par méditer votre histoire familiale. Elle a été refoulée, occultée, envenimée ? Vos propres parents furent des monstres qui cherchèrent à vous détruire parce qu’eux-mêmes aussitôt nés furent écrabouillés ? Remontez plus haut, toujours plus haut, écoutez, parlez, questionnez, lisez surtout, partez à la recherche de  d’où vous venez, ce là qui est moins un lieu qu’un lien, un invisible ombilic tramé de mots, ce là où vos ancêtres vous attendent pour vous rajeunir.



Cela n’est pas compliqué, mais cela n’est pas facile. Ressusciter en pensée ne va pas de soi. Les obstacles se dressent avec autant de pugnacité que les portes dérobées s’ouvrent sans prévenir. Puis, une fois retrouvée votre propre source, rien ne peut vous empêcher de vous pâmer dans l’onde du fleuve jusque vers la mer que chérissent les hommes libres, de vous intéresser à toutes les autres cultures, d’apprendre tous les autres savoirs.

Auteur: Zagdanski Stéphane

Info: 17 janvier 2022 https://lundi.am/A-quoi-comparer-cela

[ interrogation ] [ rencontre ] [ singularités ]

 

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famille de mots

Le mot "globe" est assez tardif. Selon le Bloch & Von Warburg, il apparaît au XIVè s., est usuel au  XVIIè s. où il a déjà les acceptions principales d’un "corps sphérique, ou sphéroïdal".

À la différence de la sphère ou de la boule, qui s’accompagnent d’une exacte définition géométrique, le globe est une approximation, usitée en géographie, en astronomie et en anatomie ("globe utérin").

"Global" quant à lui est attesté pour la première fois en 1840, soit en pleine révolution industrielle, ce qui n’est sans doute pas un hasard.

Selon le Gaffiot, globus désigne une masse, un amas, un amoncellement. Tacite parle de globus nubium, "amas de nuages". C’est aussi, on s’en souvient,  l’une des acceptions de la Gestion, déployée à partir de la racine gerere, qui désigne la "masse", le "tas". Congerere, c’est "entasser", d’où les congères, les amas de neige portée par le vent.

L’étymologie de globus est différente de celle d’orbis, qui a aussi pour significations dérivées "la terre" (chez Ovide) et le monde. Car Orbis désigne, par opposition à la rotondité de globus, un cercle ou un disque plat ou creux (selon le Dictionnaire étymologique de la langue latine de Ernout et Meillet). Orbis désigne la courbure, un mouvement circulaire, et bien entendu la révolution d’un astre. Et, comme si orbis assumait la perte de matière à quoi le conduit le creux de son acception initiale, c’est un terme spontanément métaphorique, qui peut désigner le cours circulaire d’événements, le tour d’une discussion (chez Cicéron) ; per omnes in orbem imperium ibat, chez Tite-Live, signifie "l’autorité se transmettait à tous en faisant le tour"… Orbis suggère le creuxglobus le dense, la foule, et le peloton en langage militaire.

La distinction est subtile, mais elle a son importance.

Ce qu’il importe de comprendre, pour commencer, c’est que le globe, contrairement au cercle, est une vague vue de l’esprit. Le cercle est une notion bien définie, il désigne une forme précise, calculable et manipulable par et pour le calcul, tandis que le globe est une pure évaluation. Or, comme si l’idée de globe souffrait de son approximation initiale,  elle ne peut s’appliquer à la "Terre" qu’en faisant abstraction de son abstraction même. Concevoir "la Terre" comme "globe" (je dis "la Terre" par commodité, pour employer une expression triviale, qui elle-même est déjà la conséquence d’une façon globale d’envisager le monde), au sens d’une sphère artificielle sur laquelle le regard se pose en surplomb et que l’on manipule à son gré en la faisant tourner sur son axe, c’est s’engager à maintenir l’intégrale intégrité du monde que l’on conçoit ainsi, ce à quoi on ne peut parvenir qu’en faisant abstraction de tout ce qui risquerait de récuser cette intégrité.

Et les exemples de ce qui récuse cette intégrité abondent. Ainsi  l’énonciation de Wittgenstein, dans le Tractatus logico-philosophicus, selon qui  "le monde se dissout en faits". Le monde wittgensteinien est incompatible avec une conception du monde comme "globe".

Auteur: Zagdanski Stéphane

Info: https://laggg2020.substack.com/p/gober-le-globe-les-romains-les-bretons

[ historique ] [ impact conceptuel ]

 

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homme-machine

Les conférences Macy élaborent ainsi le projet d’une collaboration interdisciplinaire de diverses expertises, mathématiques, anthropologie, psychologie, psychanalyse non freudiennne, économie, logique…, en vue d’édifier une "science générale du fonctionnement de l’esprit". Les mathématiques et la logique sont bien entendu les références majeures de ces conférences. On y retrouve l’ancêtre auto-régulateur à boules de James Watt dans le concept principal qui nourrit leurs réflexions, et qui reste la part privilégiée de Wiener : "Feedback Mechanisms and Circular Causal Systems in Biological and Social Systems". La causalité circulaire, appréhendée dans le phénomène de feedback ou "rétroaction", est définie comme "processus dans lequel un effet intervient aussi comme agent causal sur sa propre origine, la séquence des expressions de la cause principale et des effets successifs formant une boucle dite boucle de rétroaction". Une autre formulation, par Heinz von Foerster à partir des années cinquante, est celle de "mécanismes qui produisent eux-mêmes leur unité (self-integrating mechanisms)". C’est là, pendant ces conférences Macy que se formalise et se conceptualise l’idée littéralement folle d’un auto-entrepreneuriat de l’homme par l’homme.

La 5e conférence, en 1948, qui porte le même intitulé que la 1re et la 4e : Circular Causal and Feedback Mechanisms in Biological and Social Systems, est consacrée à la structure du langageRoman Jakobson y participe. C’est la même année que McCulloch déclare que "du point de vue de l’analyse qu’on peut en faire, ‘‘il n’y a pas de différence entre le système nerveux et une machine informatique’’".

À partir de 1949, le terme "Cybernétique" est officiellement appliqué à la série des conférences, comme condensé de l’intitulé initial : Cybernetics : Circular Causal and Feedback Mechanisms in Biological and Social Systems. Comme d’habitude, le style de ces grands délirants les trahit d’avantage que toutes leurs équations. Deux participants à la 7e conférence en 1950, Pitts et Stroud, évoquent "l’immense perte d’information" entre les organes des sens et notre "computer" mental. C’est la dernière conférence à laquelle assistent Wiener et Von Neumann, qui passent la main au mathématicien Claude Shannon, père de la "théorie de l’information". Psychiatres et psychologues, spécialistes de l’hypnose et Gestalt thérapistes accompagnent depuis le début cette aventure qui ressemble à s’y méprendre à l’Académie d’exaltés dingos de Lagado décrite par Swift dans ses Voyages de Gulliver.

Voici par exemple comment Willard Rappleye, le président de la fondation Macy, résume en 1955 leurs découvertes : "Les conflits sociaux sont en réalité les symptômes de causes sous-jacentes : la psychiatrie nous enseigne la nature de ces causes. Par conséquent, les Insights et les méthodes de la psychiatrie, de la psychologie et de l’anthropologie culturelle élucident les perturbations émotionnelles du monde."

Une société qui va mal n’est donc pas une société où le riche exploite le pauvre, comme on l’imagine depuis la plus haute Antiquité jusqu’aux Gilets Jaunes. C’est une société "émotionnellement perturbée" dont la Psychiatrie est à même de résoudre tous les symptômes.

Freud y est banni d’emblée. Lors de la conférence de 1946, toujours sous l’égide du même intitulé : "Mécanismes de rétroaction et Systèmes causaux circulaires dans les Systèmes biologiques et sociaux", Norbert Wiener remet en cause le concept freudien de Libido, sous prétexte que "l’information est un concept de base plus approprié pour décrire des évènements psychologiques.".

Pourquoi ? Comment ? Bien malin qui le dira.

Auteur: Zagdanski Stéphane

Info: https://lundi.am/La-Cybernetique-a-l-assaut-de-l-Homme?

[ historique ] [ dépolitisation ] [ révisionnisme freudien ] [ critique ]

 

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