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amour-propre

Il est de la nature du bien en somme d’être altruiste. Mais ce que FREUD ici nous fait sentir, c’est que ce n’est pas là l’amour du prochain. Il ne l’articule pas pleinement, mais nous allons essayer - sans rien forcer - de le faire à sa place, et uniquement sur ce fondement qui fait qu’à chaque fois qu’il s’arrête, comme horrifié devant la conséquence du commandement de l’amour du prochain, ce qui surgit, c’est la présence de cette méchanceté foncière qui habite en ce prochain, mais dès lors aussi en moi-même, car qu’est-ce qui m’est plus prochain que ce cœur en moi-même qui est celui de ma jouissance, dont je n’ose pas approcher ?

Car dès que j’en approche - c’est là le sens du Malaise dans la civilisation - surgit cette insondable agressivité devant quoi je recule, c’est-à-dire, nous dit FREUD, que je retourne contre moi, et qui vient donner son poids, à la place de la loi même évanouie, à ce qui arrête, à ce qui m’empêche de franchir une certaine frontière à la limite de la Chose. Tant qu’il s’agit du bien il n’y a pas de problème, parce que ce qu’on appelle le bien, le nôtre et celui de l’autre, ils sont de la même étoffe. Tant qu’il s’agit du bien il n’y a pas de problème, parce que ce qu’on appelle le bien, le nôtre et celui de l’autre, ils sont de la même étoffe. Saint MARTIN partage son manteau et on en a fait une grande affaire, mais enfin tout de même c’est une simple question d’approvisionnement. L’étoffe est faite pour être écoulée de sa nature, elle appartient à l’autre autant qu’à moi. Sans doute, nous touchons là un terme primitif de besoin qu’il y a à satisfaire.

Le mendiant est nu, mais peut-être au-delà de ce besoin de se vêtir mendiait-il autre chose, que Saint MARTIN le tue, ou le baise. C’est une tout autre question de savoir ce que signifie, dans une rencontre, la réponse, non pas de la bienfaisance, mais de l’amour. Il est de la nature de l’utile, d’être utilisé. Si je puis faire quelque chose en moins de temps et de peine que quelqu’un qui est à ma portée, par tendance je serai porté à le faire à sa place, moyennant quoi je me damne de ce que j’ai à faire pour ce "plus prochain des prochains" qui est en moi. Je me damne pour assurer à celui à qui cela coûterait plus de temps et de peine qu’à moi, quoi ? Un confort qui ne vaut que pour autant que j’imagine que, si moi, j’avais ce confort, c’est-à-dire pas trop de travail, je ferais de ce loisir le meilleur usage. Mais ça n’est pas du tout prouvé que je saurais le faire ce meilleur usage si j’avais tout pouvoir pour me satisfaire. Je ne saurais peut-être que m’ennuyer.

Dès lors, en procurant aux autres ce pouvoir, peut-être simplement que je les égare. J’imagine leurs difficultés, leur douleur au miroir des miennes. Ça n’est certes pas l’imagination qui me manque, c’est plutôt le sentiment, à savoir ce qu’on pourrait appeler cette voie difficile, l’amour du prochain.

Auteur: Lacan Jacques

Info: 23 mars 1960

[ das ding ] [ deuxième ] [ inconscient ] [ ignorance ] [ répugnance ]

 

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transfert

Est-ce qu’il ne vous a jamais saisi à ce tournant, que dans ce que vous avez donné - à ceux qui vous sont les plus proches, j’entends - il n’y a pas quelque chose qui a manqué, et non pas seulement qui a manqué, mais qui les laisse - les susdits, les plus proches - eux, par vous irrémédiablement manqués ? En quoi ? Justement par ceci qui, à vous analystes, permet de comprendre que justement ces proches, avec eux, on ne fait que tourner autour du fantasme, dont vous avez cherché plus ou moins en eux la satisfaction, – qui, à eux, a plus ou moins substitué ses images ou ses couleurs. 

Cet être auquel soudain vous pouvez être rappelé par quelque accident, dont la mort est bien celui qui nous fait entendre le plus loin sa résonance, cet être véritable - pour autant que vous l’évoquez - déjà s’éloigne et est déjà éternellement perdu. Or cet être c’est tout de même bien lui que vous tentez de joindre par les chemins de votre désir. Seulement cet être là c’est le vôtre. Et ceci comme analyste vous savez bien que c’est de quelque façon, faute de l’avoir voulu que vous l’avez manqué aussi plus ou moins. Mais au moins ici êtes-vous au niveau de votre faute, et votre échec la mesure exactement. 

Et ces autres dont vous vous êtes occupé si mal, est-ce pour en avoir fait, comme on dit, seulement vos objets ? Plût au ciel que vous les eussiez traités comme des objets dont on apprécie le poids, le goût et la substance, vous seriez aujourd’hui moins troublé par leur mémoire, vous leur auriez rendu justice, hommage, amour, vous les auriez aimés au moins comme vous-même, à ceci près que vous aimez mal, mais ce n’est même pas le sort des mal aimés que nous avons eu en partage. Vous en auriez fait sans doute - comme on dit - des sujets comme si c’était là la fin du respect qu’ils méritaient : respect, comme on dit, de leur dignité, respect dû à nos semblables. 

Je crains que cet emploi neutralisé du terme "nos semblables", soit bien autre chose que ce dont il s’agit dans la question de l’amour, et - de ces semblables - que le respect, que vous leur donniez aille trop vite : au respect du ressemblant, au renvoi à leurs lubies de résistance, à leurs idées butées, à leur bêtise de naissance, à leurs oignons quoi ! Qu’ils se débrouillent ! 

C’est bien là, je crois, le fond de cet arrêt devant leur liberté, qui souvent dirige votre conduite, liberté d'indifférence dit-on, mais non pas de la leur, de la vôtre plutôt. Et c’est bien en cela que la question se pose pour un analyste, c’est à savoir quel est notre rapport à cet être de notre patient ? On sait bien tout de même pourtant que c’est de cela dans l'analyse qu’il s’agit : – notre accès à cet être est-il ou non celui de l'amour ? A-t-il quelque rapport, notre accès, avec ce que nous saurons – de ce qu'est le point où nous nous posons quant à la nature de l'amour ? 

Auteur: Lacan Jacques

Info: 30 novembre 1960

[ rencontre ratée ] [ question ] [ mythe de l'intersubjectivité ]

 

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refoulement primordial

[…] dans FREUD la fonction de la mémoire comme telle, la remémoration fondamentale de tous les phénomènes auxquels nous avons affaire est à proprement […] rivale comme telle des satisfactions qu’elle est chargée d’assurer.

[…] La tyrannie de la mémoire, c’est cela qui pour nous, à proprement parler, s’élabore dans ce que nous pouvons appeler structure, dans le sens que ce terme de structure peut avoir pour nous. Tel est le point de départage, telle est la nouveauté, telle est la coupure sur laquelle il n’est pas possible de ne pas mettre l’accent si l’on veut voir clairement en quoi la pensée et l’expérience freudiennes apportent quelque chose de nouveau dans notre conception du fonctionnement humain comme tel.

[…] En d’autres termes, la structure engendrée par la mémoire ne doit pas vous masquer, dans notre expérience comme telle, la structure de la mémoire elle-même en tant qu’elle est faite d’une articulation signifiante. Car, à l’omettre, vous ne pouvez absolument soutenir ni distinguer ce registre qui est essentiel dans l’articulation de notre expérience, c’est à savoir l’autonomie, la dominance, l’instance comme telle de la remémoration, au niveau non du réel, mais du fonctionnement du principe du plaisir.

[…] c’est ici que se peut apercevoir où peut résider la naissance du sujet comme tel, dont rien par ailleurs ne peut justifier le surgissement. Je vous l’ai dit, la finalité de l’évolution d’une matière vers la conscience, purement et simplement, est une notion mystique, insaisissable et, à proprement parler, indéterminable historiquement. Ce qui d’ailleurs se voit par ceci, c’est qu’il n’y a aucune homogénéité d’ordre dans l’apparition des phénomènes, qu’ils soient prémonitoires, préalables, partiels, préparatoires à la conscience, ou un ordre naturel quelconque, puisque c’est bien quand même de son état actuel que la conscience se manifeste comme phénomène dans une répartition absolument erratique, je dirais presque éclatée.

Ce sont aux niveaux les plus différents de notre engagement dans notre propre réel que la tache ou la touche de conscience apparaît, qu’il n’y a aucune continuité, aucune homogénéité de la conscience et, après tout, c’est bien là où plusieurs fois FREUD, à plus d’un détour, s’est arrêté, soulignant toujours ce caractère infonctionnalisable du phénomène de la conscience.

Notre sujet, par rapport à ce fonctionnement de la chaîne signifiante, a par contre, lui, une place tout à fait solide et je dirai presque repérable, je veux dire dans l’histoire. L’apparition, la fonction du sujet comme tel, nous en apportons une formule tout à fait nouvelle et susceptible d’un repérage objectif. La définition d’un sujet, du sujet originel, d’un sujet en tant qu’il fonctionne comme sujet, d’un sujet détectable dans la chaîne des phénomènes, n’est pas autre chose que celle-ci : c’est que ce qu’un sujet comme tel représente, à proprement parler, essentiellement, originellement, c’est cela, c’est qu’il peut oublier.

Supprimez ce "il", le sujet est littéralement, à son origine et comme tel, l’élision d’un signifiant, le signifiant sauté dans la chaîne. Telle est la première place, la première personne. Ici se manifeste comme telle l’apparition du sujet, faisant toucher du doigt pourquoi la notion de l’inconscient, pourquoi et en quoi la notion de l’inconscient est, dans notre expérience, centrale.

Auteur: Lacan Jacques

Info: 11 mai 1960

[ définition ] [ frayages ]

 

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difficulté de vivre

Un certain champ semble indispensable à la respiration mentale de l’homme moderne, celui où s’affirme son indépendance par rapport, non seulement à tout maître, mais aussi bien à tout dieu, celui de son autonomie irréductible comme individu, comme existence individuelle. C’est bien là quelque chose qui mérite en tous points d’être comparé à un discours délirant. C’en est un. Il n’est pas pour rien dans la présence de l’individu moderne au monde, et dans ses rapports avec ses semblables. [...]

Maintenant, comment ce discours peut-il être accordé non seulement avec le discours de l’autre, mais avec la conduite de l’autre, pour peu qu’il tende à la fonder abstraitement sur ce discours ? Il y a là un problème vraiment décourageant. Et les faits montrent qu’il y a à tout instant non pas seulement composition avec ce qu’effectivement chacun apporte, mais bien plutôt abandon résigné à la réalité. [...]

Assurément, nous avons, nous, beaucoup moins confiance dans le discours de la liberté, mais dès qu’il s’agit d’agir, et en particulier au nom de la liberté, notre attitude vis-à-vis de ce qu’il faut supporter de réalité, ou de l’impossibilité d’agir en commun dans le sens de cette liberté, a tout à fait le caractère d’un abandon résigné, d’une renonciation à ce qui est pourtant une partie essentielle de notre discours intérieur, à savoir que nous avons, non seulement certains droits imprescriptibles, mais que ces droits sont fondés sur certaines libertés premières, exigibles dans notre culture pour tout être humain. [...]

Chacun se pose à tout instant des problèmes qui ont d’étroits rapports avec ces notions de libération intérieure et de manifestation de quelque chose qui est inclus en soi. De ce point de vue, on arrive très vite à une impasse, étant donné que toute espèce de réalité vivante immergée dans l’esprit de l’aire culturelle du monde moderne tourne essentiellement en rond. C’est pourquoi on revient toujours sur le caractère borné, hésitant, de son action personnelle [...]. Chacun en reste au niveau d’une contradiction insoluble entre un discours, toujours nécessaire sur un certain plan, et une réalité, à laquelle, à la fois en principe et d’une façon prouvée par l’expérience, il ne se coapte pas. [...]

N'est-il pas manifeste que l’expérience analytique s’est engagée sur ce fait qu’en fin de compte, personne, dans l’état actuel des rapports interhumains dans notre culture, ne se sent à l’aise ? Personne ne se sent honnête à simplement avoir à faire face à la moindre demande de conseil, si élémentaire qu’elle soit, empiétant sur les principes. [...]

C’est précisément d’un renoncement de toute prise de parti sur le plan du discours commun, avec ses déchirements profonds, quant à l’essence des mœurs et au statut de l’individu dans notre société, c’est précisément de l’évitement de ce plan que l’analyse est partie. Elle s’en tient à un discours différent, inscrit dans la souffrance même de l’être que nous avons en face de nous, déjà articulé dans quelque chose qui lui échappe, ses symptômes et sa structure [...]. La psychanalyse ne se met jamais sur le plan du discours de la liberté, même si celui-ci est toujours présent, constant à l’intérieur de chacun, avec ses contradictions et ses discordances, personnel tout en étant commun, et toujours, imperceptiblement ou non, délirant. La psychanalyse vise ailleurs l’effet du discours à l’intérieur du sujet.

Auteur: Lacan Jacques

Info: Dans le "Séminaire, Livre III", "Les psychoses", éditions du Seuil, 1981, pages 212-215

[ objectif ] [ anti guide de conscience ] [ clivage ] [ décentrement ] [ moi-sujet ]

 

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catharsis

C’est du côté de cet attrait que nous devons chercher le vrai sens, le vrai mystère, la vraie portée de la tragédie. C’est dans le côté d’émoi qu’il comporte, du côté des passions sans doute, mais d’une passion singulière où la crainte et la pitié sont bien "δι᾽ἐλέου καὶ ϕόβου"*. Par l’intermédiaire de la pitié et de la crainte, nous sommes purgés, purifiés de tout ce qui est de cet ordre, de cet ordre-là que nous pouvons d’emblée, d’ores et déjà, reconnaître : c’est la série de l’imaginaire à proprement parler.

Et si nous en sommes purgés par l’intermédiaire d’une image entre autres, c’est bien là où nous devons nous poser la question, quelle est alors la place occupée par cette image autour de laquelle toutes les autres semblent tout d’un coup s’évanouir, se déplier, se rabattre en quelque sorte ? N’est-ce pas parce que cette image centrale d’Antigone, de sa beauté... ceci je ne l’invente pas, car je vous montrerai le passage du chant du Chœur où elle est évoquée comme telle, et je vous montrerai que c’est le passage pivot ...ne nous éclaire pas, par l’articulation de l’action tragique, sur ce qui fait son pouvoir dissipant par rapport à toutes les autres images ?

À savoir la place qu’elle occupe, sa place dans l’entre-deux de deux champs symboliquement différenciés. C’est sans doute de tirer tout son éclat de cette place, cet éclat que tous ceux qui ont parlé dignement de la beauté n’ont jamais pu éliminer de leur définition. C’est cette place, vous le savez, que nous cherchons à définir et que nous avons déjà, dans nos leçons précédentes, approchée, tenté de saisir la première fois par la voie de "cette seconde mort" imaginée par les héros de SADE, la mort pour autant qu’elle est appelée comme le point où s’annihile le cycle même des transformations naturelles.

[…]

Et pour vous suggérer que cette dimension n’est pas une particularité d’Antigone, je peux facilement vous proposer de regarder dès lors de-ci, de-là, où vous pouvez en retrouver les correspondants. Vous n’aurez pas besoin de chercher bien loin pour vous apercevoir de la fonction singulière, dans l’effet de la tragédie, de la zone ainsi définie.

C’est ici, dans la traversée de cette zone, de ce milieu, que le rayon du désir se réfléchit et se réfracte à la fois, aboutissant en somme à nous donner l’idée de cet effet si singulier, et qui est l’effet le plus profond, que nous appelons l’effet du beau sur le désir, c’est à savoir ce quelque chose qui semble singulièrement le dédoubler là où il poursuit sa route. Car on ne peut dire que le désir soit complètement éteint par l’appréhension de la beauté, il continue sa course, mais il a là, plus qu’ailleurs, le sentiment du leurre, en quelque sorte, manifesté par la zone d’éclat et de splendeur où il se laisse entraîner. D’autre part, non réfracté mais réfléchi, repoussé, son émoi, il le sait bien le plus réel. Mais là il n’y a plus d’objet du tout.

D’où les deux faces de cette sorte d’extinction ou de tempérament du désir par l’effet de la beauté, sur lequel insistent certains penseurs, Saint THOMAS que je vous citai la dernière fois, et de l’autre côté, cette disruption de tout objet sur laquelle l’analyse de KANT, dans la Critique du Jugement, insiste.

Auteur: Lacan Jacques

Info: 25 mai 1960 *"par la pitié et la crainte"., provient de la définition de la tragédie donnée par Aristote dans sa Poétique (chapitre 6). Dans ce contexte, Aristote décrit la manière dont la tragédie agit sur les spectateurs.

[ réel-symbolique-imaginaire ]

 

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construction psychologique

[...] si l’on généralise à l’excès la notion de libido, [...] ce faisant, on la neutralise. N’est-il pas évident, de plus, qu’elle n’apporte rien d’essentiel à l’élaboration des faits de la névrose si la libido fonctionne à peu près comme ce que M. Janet appelait la fonction du réel ? La libido prend son sens, au contraire, de se distinguer des rapports réels ou réalisants, de toutes les fonctions qui n’ont rien à faire avec la fonction de désir, de tout ce qui touche aux rapports du moi et du monde extérieur. Elle n’a rien à voir avec d’autres registres instinctuels que le registre sexuel, avec ce qui touche par exemple au domaine de la nutrition, de l’assimilation, de la faim pour autant qu’elle sert à la conservation de l’individu. Si la libido n’est pas isolée des fonctions de conservation de l’individu, elle perd tout sens.

Or, dans la schizophrénie, il se passe quelque chose qui perturbe complètement les relations du sujet au réel, et noie le fond avec la forme. Ce fait pose tout d’un coup la question de savoir si la libido ne va pas beaucoup plus loin que ce qui a été défini en prenant le registre sexuel comme noyau organisateur, central. C’est là que la théorie de la libido commence à faire problème.

[...]

Jung [...] introduit la notion d’introversion qui est pour lui – c’est la critique que lui fait Freud – une notion ohne Unterscheidung, sans aucune distinction. Et il aboutit à la notion vague d’intérêt psychique, qui confond en un seul registre ce qui est de l’ordre de la conservation de l’individu et ce qui est de l’ordre de la polarisation sexuelle de l’individu dans ses objets. Il ne reste plus qu’une certaine relation du sujet à lui-même que Jung dit d’être d’ordre libidinal. Il s’agit pour le sujet de se réaliser en tant qu’individu en possession des fonctions génitales.

La théorie psychanalytique a été depuis lors ouverte à une neutralisation de la libido qui consiste, d’un côté, à affirmer fortement qu’il s’agit de libido, et de l’autre, à dire qu’il s’agit simplement d’une propriété de l’âme, créatrice de son monde. Conception extrêmement difficile à distinguer de la théorie analytique, pour autant que l’idée freudienne d’un autoérotisme primordial à partir de quoi se constitueraient progressivement les objets est presque équivalente dans sa structure à la théorie de Jung.

Voilà pourquoi, dans l’article sur le narcissisme, Freud revient sur la nécessité de distinguer libido égoïste et libido sexuelle. [...]

Le problème est pour lui extrêmement ardu à résoudre. Tout en maintenant la distinction des deux libidos, il tourne [...] autour de la notion de leur équivalence. Comment ces deux termes peuvent-ils être rigoureusement distingués si on conserve la notion de leur équivalence énergétique, qui permet de dire que c’est pour autant que la libido est désinvestie de l’objet qu’elle revient se reporter dans l’ego ? [...] De ce fait, Freud est amené à concevoir le narcissisme comme un processus secondaire. Une unité comparable au moi n’existe pas à l’origine, nicht von Anfang, n’est pas présente depuis le début dans l’individu, et l’Inch a à se développer, entwickeln werden. Les pulsions autoérotiques, au contraire, sont là depuis le début. [...] Dans le développement du psychisme, quelque chose de nouveau apparaît dont la fonction est de donner forme au narcissisme. N’est-ce pas marquer l’origine imaginaire de la fonction du moi ?

Auteur: Lacan Jacques

Info: Dans le "Séminaire, Livre I", "Les écrits techniques de Freud (1953-1954)", éditions du Seuil, 1975, pages 182 à 185

[ historique ] [ déviations ]

 

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philosophie antique

Je crois que pour comprendre ce texte de PLATON, pour le juger, on ne peut pas ne pas évoquer dans quel "contexte du discours" il est, au sens du discours universel concret.

Et là encore, que je me fasse bien entendre : il ne s’agit pas à proprement parler de le replacer dans l’histoire ! Vous savez bien que ce n’est point là notre méthode de commentaire, et que c’est toujours pour ce qu’il nous fait entendre à nous, qu’un discours - même prononcé à une époque très lointaine où les choses que nous avons à entendre n’étaient point en vue - nous l’interrogeons.

Mais il n’est pas possible, concernant le Banquet, de ne pas nous référer à quelque chose qui est le rapport du discours et de l’histoire, à savoir : non pas comment le discours se situe dans l’histoire, mais comment l’histoire elle-même surgit d’un certain mode d’entrée du discours dans le réel. Et aussi bien il faut que je vous rappelle ici, au moment du Banquet où nous sommes, au IIème siècle de la naissance du discours concret sur l’univers, je veux dire qu’il faut que nous n’oubliions pas cette efflorescence philosophique du VIème siècle, si étrange, si singulière d’ailleurs pour les échos ou les autres modes d’une sorte de chœur terrestre qui se font entendre à la même époque en d’autres civilisations, sans relation apparente. Mais laissons cela de côté.

[…] Ce que je veux vous faire sentir, c’est que c’est la première fois que dans cette tradition occidentale […], ce discours s’y forme comme visant expressément l’univers, pour la première fois comme visant à rendre l’univers discursif. C’est-à-dire qu’au départ de ce premier pas de la science comme étant la sagesse, l’univers apparaît comme univers de discours.

Et en un sens, il n’y aura jamais d’univers que de discours. Tout ce que nous trouvons à cette époque, jusqu’à la définition des éléments [terre, eau, air, feu] qu’ils soient quatre ou plus, a quelque chose qui porte la marque, la frappe, l’estampille, de cette requête, de ce postulat, que l’univers doit se livrer à l’ordre du signifiant. Sans doute, bien sûr, il ne s’agit point de trouver dans l’univers des éléments de discours mais des éléments s’agençant à la manière du discours. Et tous les pas qui s’articulent à cette époque entre les tenants, les inventeurs de ce vaste mouvement interrogatoire, montrent bien que si, sur l’un de ces univers qui se forgent, on ne peut discourir de façon cohérente aux lois du discours, l’objection est radicale.

[…] Donc à l’arrière-plan de ce Banquet, de ce discours de PLATON, et dans le reste de son œuvre nous avons cette tentative, grandiose dans son innocence, cet espoir qui habite les premiers philosophes dits "physiciens" de trouver, sous la garantie du discours - qui est en somme toute leur instrumentation d’expérience - la prise dernière sur le réel.

[…] Et c’est ainsi que je dois vous rappeler que ce réel, cette prise sur le réel n’a pas à être conçue à cette époque comme le corrélatif d’un sujet, fût-il universel, mais comme le terme que je vais emprunter à la Lettre VII de PLATON [324a-352a] où dans une courte digression, il est dit ce qui est cherché par toute l’opération de la dialectique : c’est tout simplement la même chose dont j’ai dû faire état l’année dernière dans notre propos sur L’Éthique et que j’ai appelé la Chose […].

Auteur: Lacan Jacques

Info: 21 décembre 1960

[ clé de lecture ] [ historique ] [ approche ] [ structure ] [ épistèmè ]

 

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psychanalyse-philosophie

C’est ici que nous voyons dans le discours de DIOTIME ce glissement s’opérer qui de ce "Beau" qui était là, non pas medium, mais transition, mais mode de passage, le fait devenir - ce "Beau" - le but même qui va être cherché. 

À force, si l’on peut dire, de rester le guide, c’est le guide qui devient l’objet, ou plutôt qui se substitue aux objets qui peuvent en être le support, et non sans aussi que la transition n’en soit extrêmement marquée dans le discours même. La transition est faussée.

[…] Évoquant proprement la dimension des mystères, à ce point, elle reprend son discours sur cet autre registre - ce qui n’était que transition devient but - où, développant la thématique de ce que nous pourrions appeler une sorte de donjuanisme platonicien [211abcd], elle nous montre l’échelle qui se propose à cette nouvelle phase, qui se développe en tant qu’initiatrice, qui fait les objets se résoudre en une progressive montée sur ce qui est "le beau pur, le beau en soi, le beau sans mélange" [211e].

Et elle passe brusquement à ce quelque chose qui semble bien n’avoir plus rien à faire avec la thématique de la génération, c’est à savoir : ce qui va de l’amour - non pas seulement d’un beau jeune homme, mais de cette beauté qu’il y a dans tous les beaux jeunes gens - à l’essence de la beauté et de l’essence de la beauté à la beauté éternelle et, à prendre les choses de très haut, à saisir le jeu - dans l’ordre du monde - de cette réalité qui tourne sur le plan fixe des astres, qui - nous l’avons déjà indiqué - est ce par quoi la connaissance, dans la perspective platonicienne, rejoint à proprement parler celle des Immortels.

Je pense vous avoir suffisamment fait sentir cette sorte d’escamotage par quoi le "Beau", en tant qu’il se trouve d’abord défini, rencontré comme prime sur le chemin de l’être, devient le but du pèlerinage, et comment l’objet, qui nous était d’abord présenté comme le support du Beau, devient la transition vers le "Beau", comment vraiment - pour être ramenés à nos propres termes - on peut dire que cette définition dialectique de l’amour, telle qu’elle est développée par DIOTIME, rencontre ce que nous avons essayé de définir comme la fonction métonymique dans le désir.

[…]

L’ἐραστής [erastès], l’ἔρόν [erôn] l’amant, en quête d’un lointain ἐρώμενος [erômenos] est conduit par tous les ἐρώμενον [erômenon], par tout ce qui est aimable, digne d’être aimé, un lointain ἐρώμενος [erômenos] ou ἐρώμενον [erômenon] (c’est aussi bien un but neutre). Et le problème est de ce que signifie, de ce que peut continuer à signifier, au-delà de ce franchissement, de ce saut marqué, ce qui au départ de la dialectique se présentait comme κτήμα [ktèma], comme but de possession.

Sans doute le pas que nous avons fait marque assez que ce n’est plus au niveau de l’avoir comme terme de la visée que nous sommes, mais à celui de l’être et qu’aussi bien dans ce progrès, dans cette ascèse, c’est d’une transformation, d’un devenir du sujet qu’il s’agit, que c’est d’une identification dernière avec ce suprême aimable qu’il s’agit : l’ἐραστής [erastès] devient l’ἐρώμενος [erômenos]. Pour tout dire, plus le sujet porte loin sa visée, plus il est en droit de s’aimer dans son moi idéal comme nous dirions, plus il désire, plus il devient lui-même désirable. 

Auteur: Lacan Jacques

Info: 25 janvier 1961

[ autre-Autre ] [ métaphore amoureuse ] [ substitution ]

 

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religion

[…] il y a quelque paradoxe à aboutir à cette position d’exclure pratiquement du débat, de la discussion, de l’examen des choses, des termes, des doctrines qui ont été articulées dans le champ propre de la foi, comme restant dès lors en quelque sorte d’un domaine qui serait réservé aux croyants. […]

Je crois au contraire qu’il n’y a nul besoin de donner cette forme d’adhésion, quelle qu’elle soit, sur laquelle je n’ai pas même à entrer ici, dont l’éventail peut se déployer dans l’ordre de ce qu’on appelle la foi, pour que se pose pour nous analystes, je veux dire pour nous qui prétendons, dans des phénomènes qui sont de notre champ propre, vouloir aller au-delà de certaines conceptions d’une pré-psychologie, à savoir aborder ces réalités humaines sans préjugé, je considère que nous ne pouvons pas non seulement les laisser, mais nous ne pouvons pas ne pas nous intéresser de la façon la plus précise, à ce qui s’est articulé - j’entends ce qui s’est articulé comme tel, dans ces propres termes - dans l’expérience religieuse, sous les termes par exemple du conflit entre la liberté et la grâce.

Une notion aussi articulée, aussi précise, et aussi irremplaçable que celle de la grâce, quand il s’agit de la psychologie de l’acte, est quelque chose dont nous ne trouvons ailleurs - je veux dire dans la psychologie académique classique - rien d’équivalent. Et je considère donc que non seulement les doctrines, mais le texte historique, l’histoire des choix, c’est-à-dire les hérésies qui ont été faites, qui sont attestées au cours de l’histoire dans ce registre, la ligne des emportements qui ont motivé un certain nombre de directions dans l’éthique concrète des générations, est quelque chose qui non seulement appartient à notre examen, mais qui requiert, j’insiste, dans son registre propre, dans son mode d’expression, toute notre attention.

Il ne suffit pas, parce que de certains thèmes ne sont usités, mis en usage, que dans le champ des gens dont nous pouvons dire qu’ils croient croire - après tout qu’en savons-nous ? - que ce domaine leur reste réservé. Pour eux, ce ne sont pas des croyances. Si nous supposons qu’ils y croient vraiment, ce sont des vérités. Ce à quoi ils croient, qu’ils croient, qu’ils y croient ou qu’ils n’y croient pas, rien n’est plus ambigu que la croyance, il y a une chose certaine, c’est qu’ils croient le savoir.

C’est un savoir comme un autre, et à ce titre cela tombe dans le champ de l’examen que nous devons accorder, du point où nous sommes, à tout savoir, dans la mesure même où, en tant qu’analystes, nous pensons qu’il n’est aucun savoir qui ne s’élève sur un fond d’ignorance. C’est cela qui nous permet d’admettre comme tels bien d’autres savoirs que le savoir scientifiquement fondé.

[…]

Je crois qu’il n’y a pas de préjugé plus courant, sinon que FREUD parce qu’il a pris sur le sujet de l’expérience religieuse la position la plus tranchante, à savoir qu’il a dit que tout ce qui dans cet ordre était d’appréhension sentimentale, cet ordre, littéralement ne lui disait rien, que c’était littéralement pour lui aller jusqu’à la lettre morte. Seulement si nous avons ici, vis-à-vis de la lettre, la posture qui est la nôtre, cela ne résout rien, parce que toute morte qu’elle est cette lettre, elle peut néanmoins avoir été une lettre bel et bien articulée et articulée précisément au moins dans certains champs, dans certains domaines, précisément de la même façon que l’expérience religieuse l’a articulée.

Auteur: Lacan Jacques

Info: 16 mars 1960

[ psychanalyse ] [ actualité ] [ inconscient ]

 
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Ajouté à la BD par Coli Masson

obsessionnel

Mais ce sur quoi je voudrais insister - car c’est une réalité clinique et cela peut servir d’orientation et de guide dans l’expérience analytique, et c’est un schéma général chez le névrosé - c’est une situation de quatuor : quatuor qui se renouvelle sans cesse mais qui n’existe pas sur le même plan.

Disons, pour schématiser les idées, que pour un sujet de sexe mâle, le problème de son équilibre moral et psychique est celui de l’assomption de sa propre fonction… en tant qu’elle est fonction donc d’une indépendance, moralement, psychiquement et éthiquement, qui est celle de l’assomption de son rôle en tant qu’il se fait reconnaître comme tel dans sa fonction … l’assomption de son propre travail au sens qu’il en assume les fruits sans conflit, sans avoir le sentiment que c’est quelqu’un d’autre que lui qui le mérite, ou que lui-même ne l’a que par raccroc, sans qu’il y ait de division intérieure qui fait que le sujet n’est en quelque sorte que le témoin aliéné des actes de son propre moi.

C’est la première exigence. L’autre exigence étant celle-ci : une jouissance qu’on peut qualifier de paisible, et d’univoque également, de l’objet sexuel une fois choisi, une fois accordé à la vie du sujet.

Eh bien, chez le névrosé, ce que nous voyons se passer, c’est quelque chose qui est à peu près ceci : chaque fois que le sujet réussit, ou vise, ou tend à réussir cette assomption de son propre rôle - au sens où le sujet assume ses responsabilités jusqu’à un certain point, devient identique à lui-même et s’assure du bien-fondé de sa propre manifestation dans le complexe social déterminé - c’est l’objet, c’est ce personnage du partenaire sexuel qui se dédouble, ici sous la forme de la femme riche et de la femme pauvre.

Et il suffit d’entrer, non plus dans le fantasme, mais dans la vie réelle du sujet pour toucher du doigt que ce dont il s’agit, c’est ce quelque chose qui est vraiment très frappant dans la psychologie des névrosés. C’est tout particulièrement l’aura d’annulation qui entoure le plus familièrement pour lui le partenaire sexuel qui a le plus de réalité, qui lui est le plus proche, avec lequel il a en général les liens les plus légitimes, qu’il s’agisse d’une liaison ou d’un mariage.

Et d’autre part, un personnage qui dédouble le premier, qui est l’objet d’une passion plus ou moins idéalisée, plus ou moins poursuivie de façon fantasmatique, avec un style qu’on peut considérer comme analogue à celui de l’amour passion, et qui d’ailleurs pousse à l’identification réalisée dans le vécu effectivement de la façon la plus active, un rapport narcissique avec le sujet, c’est-à-dire un rapport effectivement d’ordre mortel. Eh bien, ce dédoublement du partenaire sexuel, de l’objet d’amour, si on voit le sujet d’un autre côté, dans une autre face de sa vie, faire un effort pour retrouver son unité et sa sensibilité, c’est alors à l’autre bout de la chaîne relationnelle, c’est-à-dire dans l’assomption de sa propre fonction sociale - de sa propre virilité, puisque j’ai choisi le cas d’un homme - que le sujet voit apparaître à côté de lui, si l’on peut dire, un personnage avec lequel aussi il a ce rapport narcissique en tant que rapport mortel, personnage qu’il délègue à le représenter dans le monde et à vivre, qui n’est pas lui véritablement. Il se sent exclu, il se sent en dehors de son propre vécu, il ne peut pas assumer les particularités, les contingences, il se sent désaccordé à sa propre fonction, à sa propre existence, et dans cette alternance l’impasse se reproduit. 

Auteur: Lacan Jacques

Info: Le mythe individuel du névrosé

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