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cauchemar

Une brume d’un bleu pastel délicat stagne, accumulée au fond des vertigineuses tranchées qui s’ouvrent entre les parois verticales et parallèles des hautes façades, comme coupées au couteau dans une unique matière d’un brun noir. Elle enveloppe dans une transparence veloutée le flot docile des voitures semblable à quelque migration d’insectes. Précédées par les pinceaux de leurs phares, eux-mêmes veloutés, elles viennent s’accumuler aux croisements, s’immobilisent, repartent, s’égrènent, s’immobilisent de nouveau dans une sorte d’irréel silence, comme si le grondement qui s’élève de l’énorme ville, uniforme, étale pour ainsi dire, recouvrait ou plutôt absorbait indistinctement les millions de bruits confondus dans une unique et formidable rumeur, vaguement inquiétante, déchirée de loin en loin par le sporadique hululement de sirènes (police, ambulances, pompiers ?), croissant, s’exaspérant, strident, décroissant, mourant. Comme des cris de folles, d’oiseaux exotiques, ou les cornes de navires en perdition. Comme si la ville elle-même criait. Comme si, par intervalles, l’étincelant et orgueilleux amoncellement de cubes et de tours agonisait sans fin dans une sorte de diamantine apothéose, relançait de moment en moment vers le ciel opaque de longs signaux d’alarme, d’angoisse.

Auteur: Simon Claude

Info: Le jardin des plantes

[ irréalité ] [ léviathan ] [ sonorité ] [ trafic ] [ obscurité ]

 
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Ajouté à la BD par Plouin

littérature

Chesterton, le poète Chesterton a dit un jour qu'il soupçonnait Bernard Shaw d'être le seul homme à n'avoir jamais écrit de poésie. Nous pourrions bien soupçonner Chesterton du contraire. A-t-il jamais rien écrit d'autre? Mais qu'est-ce que la poésie? Il ne s'agit pas seulement d'une forme littéraire usant de vers, de rythmes et de rimes -quoique Chesterton ait également écrit beaucoup de ces poèmes-là, dont certains restent d'ailleurs mémorables. Non, la poésie est quelque chose de beaucoup plus fondamental. La poésie est une saisie du réel. La poésie dresse un inventaire de l'univers visible; elle donne leur nom à toutes les créatures; elle nomme ce qui est. Ainsi, pour Chesterton, l'un des plus grands poèmes jamais écrits se trouve dans Robinson Crusoé: cette liste de toutes les choses que Robinson réussit à sauver du naufrage de son navire: "deux fusils, une hache, trois sabres, une scie, trois fromages de Hollande, cinq pièces de viande de chèvre séchée..." La poésie est notre lien vital avec le monde extérieur -la ligne de sécurité dont dépend notre survie même- et, en certaines circonstances, le dernier rempart de notre santé mentale.

Auteur: Leys Simon Pierre Ryckmans

Info: Le Studio de l'inutilité

[ réalité ] [ survie ]

 

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naturel-surnaturel

Le problème des miracles ne fait difficulté entre la religion et la science que parce qu’il est mal posé. Il faudrait pour bien le poser définir le miracle. En disant que c’est un fait contraire aux lois de la nature on dit une chose absolument dénuée de signification. Nous ne connaissons pas les lois de la nature. Nous ne pouvons faire à leur sujet que des suppositions. Si celles que nous supposons sont contredites par des faits, c’est que notre supposition était au moins partiellement erronée. Dire qu’un miracle est l’effet d’un vouloir particulier de Dieu n’est pas moins absurde. Parmi les événements qui se produisent, nous n’avons aucune raison d’affirmer que certains plus que d’autres procèdent du vouloir de Dieu. Nous savons seulement, d’une manière générale, que tout ce qui se produit, sans aucune exception, est conforme à la volonté de Dieu en tant que Créateur ; et que tout ce qui enferme au moins une parcelle de bien pur procède de l’inspiration surnaturelle de Dieu en tant que bien absolu. Mais quand un saint fait un miracle, ce qui est bien, c’est la sainteté, non le miracle.

Auteur: Weil Simone

Info: L'enracinement, Editions Gallimard, 1949, page 335

[ ignorance ] [ épochè ] [ sagesse divine ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

déclaration d'amour

Si tu m'attends, je reviendrai,
Mais attends-moi très fort.
Attends, quand la pluie jaune
Apporte la tristesse,
Attends quand la neige tournoie,
Attends quand triomphe l'été
Attends quand le passé s'oublie
Et qu'on n'attend plus les autres.
Attends quand des pays lointains
Il ne viendra plus de courrier,
Attends, lorsque seront lassés
Ceux qui avec toi attendaient.
Si tu m'attends, je reviendrai.
Ne leur pardonne pas, à ceux
Qui vont trouver les mots pour dire
Qu'est venu le temps de l'oubli.
Et s'ils croient, mon fils et ma mère,
S'ils croient, que je ne suis plus,
Si les amis las de m'attendre
Viennent s'asseoir auprès du feu,
Et s'ils portent un toast funèbre
A la mémoire de mon âme...
Attends. Attends et avec eux
refuse de lever ton verre.

Si tu m'attends, je reviendrai
En dépit de toutes les morts.
Et qui ne m'a pas attendu
Peut bien dire : " C'est de la veine ".
Ceux qui ne m'ont pas attendu
D'où le comprendraient-ils, comment
En plein milieu du feu,
Ton attente
M'a sauvé.
Comment j'ai survécu, seuls toi et moi
Nous le saurons,
C'est bien simple, tu auras su m'attendre,
Comme personne.

Auteur: Simonov Konstantin Mikhailovitch

Info: Les vivants et les morts, 1941

[ espérance ] [ expectative ]

 

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agriculture

Le soleil et la sève végétale parlent continuellement, dans les champs, de ce qu’il y a de plus grand au monde. Nous ne vivons pas d’autre chose que d’énergie solaire ; nous la mangeons, et c’est elle qui nous maintient debout, qui fait mouvoir nos muscles, qui corporellement opère en nous tous nos actes. Elle est peut-être, sous des formes diverses, la seule chose dans l’univers qui constitue une force antagoniste à la pesanteur ; c’est elle qui monte dans les arbres, qui par nos bras soulève des fardeaux, qui meut nos moteurs. Elle procède d’une source inaccessible et dont nous ne pouvons pas nous rapprocher même d’un pas. Elle descend continuellement sur nous. Mais quoiqu’elle nous baigne perpétuellement nous ne pouvons pas la capter. Seul le principe végétal de la chlorophylle peut la capter pour nous et en faire notre nourriture. Il faut seulement que la terre soit convenablement aménagée par nos efforts ; alors, par la chlorophylle, l’énergie solaire devient chose solide et entre en nous comme pain, comme vin, comme huile, comme fruits. Tout le travail du paysan consiste à soigner et à servir cette vertu végétale qui est une parfaite image du Christ.

Auteur: Weil Simone

Info: "La condition ouvrière", Journal d'usine, éditions Gallimard, 2002, page 427

[ vision cosmique ] [ homme-végétal ]

 
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Ajouté à la BD par Coli Masson

sécularisation

On peut affirmer sans crainte d’exagération qu’aujourd’hui l’esprit de vérité est presque absent de la vie religieuse.

Cela se constate entre autres dans la nature des arguments apportés en faveur du christianisme. Plusieurs sont de l’espèce publicité pour pilules Pink. C’est le cas pour Bergson et tout ce qui s’en inspire. Dans Bergson la foi apparaît comme une pilule Pink de l’espèce supérieure, qui communique un degré prodigieux de vitalité. Il en est de même pour l’argumentation historique. Elle consiste à dire : "Voyez comme les hommes étaient médiocres avant le Christ. Le Christ est venu, et voyez comme les hommes, malgré les défaillances, ont été ensuite, dans l’ensemble, quelque chose de bien !" Cela est absolument contraire à la vérité. Mais même si c’était vrai, c’est ramener l’apologétique au niveau des réclames pour spécialités pharmaceutiques, qui décrivent le malade avant et après. C’est mesurer l’efficacité de la Passion du Christ, qui, si elle n’est pas fictive, est nécessairement infinie, par un effet historique, temporel, humain, qui, fût-il même réel, ce qui n’est pas, serait nécessairement fini.

Le pragmatisme a envahi et souillé la conception même de la foi. 

Auteur: Weil Simone

Info: L'enracinement, Editions Gallimard, 1949, page 316

[ critique ] [ point de vue profane ] [ réductionnisme ] [ philosophie ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

destin

Mais pas seulement cela : quelque chose d’autre encore, quelque chose de plus acharné, de plus puissant que le fantôme d’un roi décapité, plus puissant même que celui d’une jeune morte, la huguenote à qui l’on avait refusé de reposer en terre chrétienne, pour laquelle il avait fait élever à l’écart, dans le vallon détrempé, le mausolée solitaire, dont, contre sa volonté, on l’avait séparé dans la mort, conquise un soir d’opéra, séduite, amenée là de son plat pays nordique, enlevée à sa ville de canaux, de diamantaires, d’armateurs, de drapiers, confinée dans un château perdu, bâti dans un pays perdu, à des centaines de kilomètres de toute mer, installée contre leur gré au milieu de demi-sauvages, d’une famille de paysans affublés de titres, de particules dédorées, engrossée par un étalon, puis abandonnée, solitaire, entourée de ces rustres hostiles et dévots, délaissée non pas au profit d’une rivale, une simple femme, mais de quelque chose contre quoi aucune femme ne pouvait lutter, ni même aucun homme, quelque chose qui pendant des années allait broyer aussi bien les enfants que les êtres faits, mettre sens dessus dessous une ville d’abord, puis un royaume, puis un continent tout entier…

Auteur: Simon Claude

Info: Les Géorgiques p 169

[ non-vie ] [ guerre ] [ déreliction ] [ déracinement ]

 

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Ajouté à la BD par Plouin

urbain-rural

La division entre paysans et ouvriers, en France, date de loin. Il y a une complainte de la fin du XIVe siècle où les paysans énumèrent, avec un accent déchirant, les cruautés que leur font subir toutes les classes de la société, y compris les artisans. 

Dans l’histoire des mouvements populaires en France, il n’est guère arrivé, sauf erreur, que paysans et ouvriers se soient trouvés ensemble. Même en 1789, il s’agissait peut-être davantage d’une coïncidence que d’autre chose.

Au XIVe siècle, les paysans étaient de très loin les plus malheureux. Mais même quand ils sont matériellement plus heureux – et quand c'est le cas, ils ne s'en rendent guère compte, parce que les ouvriers qui viennent passer au village quelques jours de vacances succombent à la tentation des vantardises – ils sont toujours tourmentés par le sentiment que tout se passe dans les villes, et qu'ils sont "out of it".

Bien entendu, cet état d'esprit est aggravé par l'installation dans les villages de T. S. F., de cinémas, et par la circulation de journaux tels que Confidences et Marie-Claire, auprès desquels la cocaïne est un produit sans danger. 

Auteur: Weil Simone

Info: L'enracinement, Editions Gallimard, 1949, pages 105-106

[ envie ] [ convoitise ] [ séparation ] [ monde agricole ] [ martyrs ] [ historique ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

écrivain-sur-écrivain

(…) les personnages de Simenon, eux, serrent le cœur : ce sont des petites gens, des humbles, des solitaires, des rebelles, des marginaux, des "humiliés et offensés", des ratés, des déracinés, des victimes, des vaincus. Voyez même Maigret : "Quand Maigret doit pénétrer dans un milieu cossu, il se sent difficilement admis ; il a un sentiment de gêne, de faire tache, il n'est pas à sa place…" "Maigret n'est pas à son aise avec les grands de ce monde qui tantôt l'épatent, tantôt le choquent."

Fils de l'intendant d'un aristocrate, il reste marqué par ses origines serviles : "Il y a des relations humaines, des habitudes sociales dont on ne guérit pas. On peut guérir de beaucoup de choses, mais pas de ça, d'une certaine humilité devant certaines gens... "

Au fond, Simenon a raconté cent fois la même histoire, ses grands romans n'ont qu'un seul thème : la chute d'un homme. Le destin, un incident extérieur, une fatalité intérieure viennent déclencher un implacable processus de destruction. Un homme s'éveille et se découvre soudain étranger aux siens et à lui-même, il essaie de briser les chaînes de sa vie quotidienne - et il sombre.

Auteur: Leys Simon Pierre Ryckmans

Info: L'Ange et le Cachalot

 

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Ajouté à la BD par miguel

sécularisation

Louis XIV avait dégradé l'Église française en l'associant au culte de sa personne et en lui imposant l'obéissance même en matière de religion. Cette servilité de l'Église envers le souverain fut pour beaucoup dans l'anticléricalisme du siècle suivant.

Mais quand l’Église commit l’erreur irréparable d’associer son sort à celui des institutions monarchiques, elle se coupa de la vie publique. Rien ne pouvait mieux servir les aspirations totalitaires de l’État. Il devait en résulter le système laïque, prélude à l’adoration avouée de l’État comme tel en faveur aujourd’hui.

Les chrétiens sont sans défense contre l’esprit laïque. Car ou ils se donnent entièrement à une action politique, une action de parti, pour remettre le pouvoir temporel aux mains d’un clergé, ou de l’entourage d’un clergé ; ou bien ils se résignent à être eux-mêmes irréligieux dans toute la partie profane de leur propre vie, ce qui est généralement le cas aujourd’hui, à un degré bien plus élevé que les intéressés eux-mêmes n’en ont conscience. Dans les deux cas est abandonnée la fonction propre de la religion, qui consiste à imprégner de lumière toute la vie profane, publique et privée, sans jamais aucunement la dominer. 

Auteur: Weil Simone

Info: L'enracinement, Editions Gallimard, 1949, pages 153-154

[ historique ] [ impasse ] [ roi soleil ]

 

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