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adultes résignés

Il y a aussi deux ou trois jeunes dans la boîte, des jeunes un peu moins jeunes que moi. On se ressemble pas. Ils ont pas l'air en forme non plus. Trop de cul posé, de docilité intégrée depuis la première école. Sur les rails de la vie ils roulent le chemin tracé, et laissent poliment les flaques de paternalisme des bides en surplomb leur mouiller les oreilles de ce qu'il faudrait savoir du monde. Et tout ça tombe de bouches pleines du lard rance des années passées à attendre d'être assez vieux pour justifier leur dégaine de gros sac et se dire que ça y est, à leur âge on va la fermer en face d'eux et les écouter parler, parce que c'est comme ça qu'ici tout fonctionne. Trente ans de carrière pour parader devant un résidu de jeunesse, des puits de science creusés dans l'eau, rien sous la couche, juste le vent qui fait siffler les bords du trou et clapoter mes oreilles.

Auteur: Johannin Simon

Info: Nino dans la nuit, pp 89-90, Allia, 2019

[ conservateurs fatalistes ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

soutien symbolique

Pourquoi, par exemple, un paysan en train de semer n'aurait-il pas présentes au fond de sa pensée, sans paroles même intérieures, d'une part quelques comparaisons du Christ : "Si le grain ne meurt... ", "La semence est la parole de Dieu...", "Le grain de sénevé est la plus petite des graines...", d'autre part le double mécanisme de la croissance : celui par lequel la graine, en se consommant elle-même et avec l'aide des bactéries, arrive à la surface du sol ; celui par lequel l'énergie solaire descend dans la lumière, et, captée par le vert de la tige, remonte dans un mouvement ascendant irrésistible. L'analogie qui fait des mécanismes d'ici-bas un miroir des mécanismes surnaturels, si l'on peut employer cette expression, devient alors éclatante, et la fatigue du travail, selon le mot populaire, la fait entrer dans le corps. La peine toujours plus ou moins liée à l'effort du travail devient la douleur qui fait pénétrer au centre même de l'être humain la beauté du monde.

Auteur: Weil Simone

Info: L'enracinement, Editions Gallimard, 1949, page 123

[ déplacement subjectif ] [ réconfort ] [ esthétique ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

idoles

L'État est une chose froide qui ne peut pas être aimée mais il tue et abolit tout ce qui pourrait l'être ; ainsi on est forcé de l'aimer, parce qu'il n'y a que lui. Tel est le supplice moral de nos contemporains.

C'est peut-être la vraie cause de ce phénomène du chef qui a surgi partout et surprend tant de gens. Actuellement, dans tous les pays, dans toutes les causes, il y a un homme vers qui vont les fidélités à titre personnel. La nécessité d'embrasser le froid métallique de l'État a rendu les gens, par contraste, affamés d'aimer quelque chose qui soit fait de chair et de sang. Ce phénomène n'est pas près de prendre fin, et, si désastreuses qu'en aient été jusqu'ici les conséquences, il peut nous réserver encore des surprises très pénibles ; car l'art, bien connu à Hollywood, de fabriquer des vedettes avec n'importe quel matériel humain permet à n'importe qui de s'offrir à l'adoration des masses. 

Auteur: Weil Simone

Info: L'enracinement, Editions Gallimard, 1949, page 148

[ dictature ] [ impersonnel ] [ compensation ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

philosophe catholique

Pascal déjà avait commis le crime du manque de probité dans la recherche de Dieu. Ayant eu l’intelligence formée par la pratique de la science, il n’a pas osé espérer qu’en laissant à cette intelligence son libre jeu elle reconnaîtrait dans le dogme chrétien une certitude. Et il n’a pas osé non plus courir le risque d’avoir à se passer du christianisme. Il a entrepris une recherche intellectuelle en décidant à l’avance où elle devait le mener. Pour éviter tout risque d’aboutir ailleurs, il s’est soumis à une suggestion consciente et voulue. Après quoi il a cherché des preuves. Dans le domaine des probabilités, des indications, il a aperçu des choses très fortes. Mais quant aux preuves proprement dites, il n’en a mis en avant que de misérables, l’argument du pari, les prophéties, les miracles. Ce qui est plus grave pour lui, c’est qu’il n’a jamais atteint la certitude. Il n’a jamais reçu la foi, et cela parce qu’il avait cherché à se la procurer.

Auteur: Weil Simone

Info: L'enracinement, Editions Gallimard, 1949, page 314

[ critique ] [ méthode profane ] [ scientificité ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

affirmation de vie

Le risque est un besoin essentiel de l'âme. L'absence de risque suscite une espèce d'ennui qui paralyse autrement que la peur, mais presque autant. D'ailleurs il y a des situations qui, impliquant une angoisse diffuse sans risques précis, communiquent les deux maladies à la fois.

Le risque est un danger qui provoque une réaction réfléchie ; c'est-à-dire qu'il ne dépasse pas les ressources de l'âme au point de l'écraser sous la peur. Dans certains cas, il enferme une part de jeu ; dans d'autres cas, quand une obligation précise pousse l'homme à y faire face, il constitue le plus haut stimulant possible.

La protection des hommes contre la peur et la terreur n'implique pas la suppression du risque ; elle implique au contraire une présence permanente d'une certaine quantité de risque dans tous les aspects de la vie sociale ; car l'absence de risque affaiblit le courage au point de laisser l'âme, le cas échéant, sans la moindre protection intérieure contre la peur.

Auteur: Weil Simone

Info:

[ passivité-activité ] [ oser ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

christianisme

Les mystères de la foi catholique ne sont pas faits pour être crus avec toutes les parties de l’âme. La présence du Christ dans l’hostie n’est pas un fait à la manière de la présence de l’âme de Paul dans le corps de Paul (l’un et l’autre d’ailleurs sont complètement incompréhensibles, mais pas de la même façon). L’Eucharistie ne doit donc pas être un objet de croyance pour la partie de moi-même qui appréhende les faits. Là est la part de vérité du protestantisme. Mais cette présence du Christ dans l’hostie n’est pas un symbole, car un symbole est la combinaison d’une abstraction et d’une image, c’est quelque chose de représentable pour l’intelligence humaine, ce n’est pas surnaturel. En cela les catholiques ont raison, non les protestants. Seule la partie de soi-même qui est faite pour le surnaturel doit adhérer à ces mystères.

La part de l’intelligence – de la partie de nous-même qui affirme et nie, pose des opinions – est seulement la soumission.

Auteur: Weil Simone

Info: "La pesanteur et la grâce", Librairie Plon, 1988, page 209

[ abandon de l'esprit critique ] [ humilité ]

 

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stupidité religieuse

Les tentatives du même genre dans l'analyse de l'histoire peuvent être illustrées par une pensée ingénieuse exprimée dans une revue catholique de New York, lors du dernier anniversaire de la découverte de l'Amérique. Elle disait que Dieu avait envoyé Christophe Colomb en Amérique afin qu'il y eût quelques siècles plus tard un pays capable de vaincre Hitler. Cela est encore bien au-dessous de Bernardin de Saint-Pierre; cela est atroce. Dieu, apparemment, méprise, lui aussi, les races de couleur; l'extermination des populations d'Amérique au XVIème siècle lui paraissait peu de chose au prix du salut des Européens du XXème siècle; et il ne pouvait pas leur amener le salut par des moyens moins sanglants. On croirait qu'au lieu d'envoyer Christophe Colomb en Amérique plus de quatre siècles à l'avance, il aurait été plus simple d'envoyer quelqu'un assassiner Hitler aux environs de 1923. On aurait tort de penser que c'est là un degré exceptionnel de bêtise. Toute interprétation providentielle de l'histoire est par nécessité située exactement à ce niveau.

Auteur: Weil Simone

Info: L'enracinement, p. 354 - La stupidité, ici, c'est surtout le réductionnisme de l'ordre divin à l'ordre terrestre. (colimasson)

[ états-unis ]

 
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logique

Un après-midi, nous effectuions une série d'opérations plus ou moins difficiles. L'enfaon, lui, observait toujours la sombre forêt à travers la fenêtre. Soudain la maîtresse lui a demandé :
- L'enfaon, si tu n'apprends pas à calculer, comment feras-tu pour trouver un jour un travail ?
Il a soupiré :
- Je ne comprends pas vos calculs, maîtresse. Pour vous, par exemple, 1 + 1 font 2. Pour moi, 1 + 1 font 1. Ça fera toujours 1.
- Tu te trompes, a répondu la maîtresse. 1 + 1 font 2.
L'enfaon a pivoté sur sa chaise et a répliqué :
- Je suis un mélange d'humain et de cerf, deux espèces différentes. Et pourtant je suis 1. Vous voyez bien que 1 + 1 font 1. Je sais que c'est difficile pour vous, maîtresse, de comprendre. Vous essayez de m'aimer tel que je suis. C'est pour ça que je reste ici. Uniquement pour ça. Mais si vous m'obligez à voir le monde comme vous le voyez, je partirai.

Auteur: Simard Eric

Info:

[ paradoxe ] [ arithmétique ] [ métissage ]

 

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sdf

Dans la fin du ciel sombre je vois les putes qui frissonnent sur les trottoirs et qui lancent des Bébé l'amour plus que fatigués aux voitures, et puis les cloches qui dorment sous les bancs, puisque à cause de tout ce qu'on y soude impossible de s'allonger dessus. Le clochard à Paris il passe après le pigeon, le chien, le chat. Il est grosso merdo sur le même barreau que le rat sur l'échelle de la sympathie. Moi je m'en bats les couilles, je préfère les rats aux pigeons, au moins ils se contentent de chier par terre et pas depuis des hauteurs insoupçonnables. D'ailleurs pour prendre un peu d'air, un peu d'empathie dans le regard des gens, ils sont de plus en plus de clochards à se coller un lapin ou un autre truc mignon dans le col du manteau ou dans le creux des genoux. Ça donne aux autres une bonne raison de les regarder. Ça les fait remonter un peu dans le monde des humains.

Auteur: Johannin Simon

Info: Nino dans la nuit, pp 60-61, Allia, 2019

 

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colonisation

La France a un Empire, et par suite, quelle que soit la position de principe adoptée, il en découle des problèmes de fait qui sont très complexes et très différents selon les localités. Mais il ne faut pas tout mélanger. Il se pose d'abord une question de principe ; et même quelque chose de moins précis encore, une question de sentiment. Dans l'ensemble, un Français a-t-il lieu d'être heureux que la France ait un Empire, et d'y penser, d'en parler avec joie, avec fierté, et sur le ton d'un propriétaire légitime ?

Oui, si ce Français est patriote à la manière de Richelieu, de Louis XIV ou de Maurras. Non, si l'inspiration chrétienne, si la pensée de 1789 sont indissolublement mélangées à la substance même de son patriotisme. Toute autre nation avait à la rigueur le droit de se tailler un Empire, mais non pas la France ; pour la même raison qui a fait de la souveraineté temporelle du pape un scandale aux yeux de la chrétienté.

Auteur: Weil Simone

Info: L'enracinement, Editions Gallimard, 1949, page 214

[ conceptions antagonistes ] [ question ] [ sacré-profane ] [ définition ] [ Gaule ]

 
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Ajouté à la BD par Coli Masson