Pourquoi, par exemple, un paysan en train de semer n'aurait-il pas présentes au fond de sa pensée, sans paroles même intérieures, d'une part quelques comparaisons du Christ : "Si le grain ne meurt... ", "La semence est la parole de Dieu...", "Le grain de sénevé est la plus petite des graines...", d'autre part le double mécanisme de la croissance : celui par lequel la graine, en se consommant elle-même et avec l'aide des bactéries, arrive à la surface du sol ; celui par lequel l'énergie solaire descend dans la lumière, et, captée par le vert de la tige, remonte dans un mouvement ascendant irrésistible. L'analogie qui fait des mécanismes d'ici-bas un miroir des mécanismes surnaturels, si l'on peut employer cette expression, devient alors éclatante, et la fatigue du travail, selon le mot populaire, la fait entrer dans le corps. La peine toujours plus ou moins liée à l'effort du travail devient la douleur qui fait pénétrer au centre même de l'être humain la beauté du monde.
Auteur:
Info: L'enracinement, Editions Gallimard, 1949, page 123
Commentaires: 0