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occultisme moderne

La seule vérité scientifique est celle du résultat observable et communicable à n’importe quel homme placé dans les mêmes conditions d’observation et d’expérimentation. [...]

Or, par une étrange contradiction, voici que cette même science, dont on s’est tant servi pour combattre la religion, exige à son tour des actes de foi, c’est-à-dire ce qu’il y a de plus contraire à la mentalité scientifique. Et nous voyons se développer une espèce de religion de la science sur les ruines de la religion divine... [...]

Qu’on m’entende bien : je n’attaque pas ici la science en tant que telle et je n’impose aucune limite à ses possibilités futures ; c’est au contraire par respect de la vraie science, dont la première loi est l’objectivité et l’impartialité absolues, que je proteste contre ces falsifications passionnelles et publicitaires de la vérité scientifique.

Auteur: Thibon Gustave

Info: Dans "L'équilibre et l'harmonie", Librairie Arthème, Fayard, 1976, pages 171-172

[ dégradation ] [ résurgence religieuse ] [ croyance ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

couple

L’ascension de l’amour humain, telle que nous venons de la décrire, est-elle possible dans l’ordre purement naturel, dans la ligne de la seule affection entre créatures ? Nous ne le pensons pas. Pour aimer un être fini malgré son néant, à cause de son néant, pour l’aimer au-delà de ses limites, il faut l’aimer comme messager d’une réalité qui le dépasse. [...] On ne saurait aller très loin dans la transfiguration d’un amour humain si l’on n’aime déjà Dieu, d’une façon aussi implicite et aussi voilée qu’on voudra, à travers la créature, et si Dieu ne se donne à travers elle. Cette montée héroïque de l’amour humain n’est possible qu’aux âmes profondément religieuses ; elle implique au moins un pressentiment informe du surnaturel, une attente obscure du gouffre de l’amour divin, dont les amants penchés sur l’extrême promontoire de l’amour créé perçoivent l’appel illimité.

Auteur: Thibon Gustave

Info: "Ce que Dieu a uni", libraire Arthème Fayard, 1962, pages 149-150

[ triade implicite ] [ mariage ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

condition humaine

Une plante, un animal reçoivent, si je puis dire, leur essence d’un seul coup ; sauf empêchement extérieur, ils sont fatalement ce qu’ils doivent être. Mais l’homme – et là est le signe essentiel qui le distingue de tous les autres êtres supérieurs et inférieurs à lui – ne reçoit pas d’emblée son humanité. L’esprit éclot lentement, péniblement en lui ; l’épanouissement intellectuel et affectif de cet esprit dépend largement de son choix et de son effort. On ne mérite pas d’être une pierre, une bête ou un ange, on mérite d’être un homme. Tous les autres êtres sont ce qu’ils sont, l’homme devient ce qu’il est. Il doit conquérir son essence... Or, qui dit conquête dit aussi combat. Le conflit humain a donc sa racine dans la nature humaine. Ce conflit, le péché l’a aggravé et infecté, il ne l’a pas créé de toutes pièces.

Auteur: Thibon Gustave

Info: "Ce que Dieu a uni", libraire Arthème Fayard, 1962, page 19

[ singularité ] [ sens ]

 
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Ajouté à la BD par Coli Masson

grand Autre

Lettre d'un ami déprimé qui me demande de venir à son aide. Il fait appel à mon équilibre, à ma sagesse, à ma bonté etc. - Toutes ces belles choses, j'en suis aussi dépourvu que lui et plus encore peut-être, car je ne partage même pas son illusion sur la possibilité de recevoir un secours humain.
- Et cependant je peux les lui donner dans la mesure où il s'imagine que je les possède. Un peu de bonne volonté sous les apparences de la paix et de la sagesse - et voilà le miracle qui s'accomplit !

Il n'en serait pas de même si cet homme me demandait de lui avancer une somme d'argent que je ne possède pas.

Dans l'ordre matériel, on ne peut donner que ce qu'on a;
Dans l'ordre spirituel, on peut aussi donner ce qu'on n'a pas :
la crédulité du partenaire suffit !

Auteur: Thibon Gustave

Info: Dans "L'ignorance étoilée"

[ intermédiaire ] [ puissance de conviction ] [ rapports humains ] [ réconfort ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

culte de la spontanéité

Quand la peur s’abat sur moi, où est « ma vérité » la plus profonde : dans mon corps qui tremble ou dans mon esprit qui refuse de céder à ce tremblement ? Ou quand je travaille au lieu de me promener : dans ma paresse ou dans ma fidélité au devoir d’état ? Ou enfin quand je prends sur moi pour supporter patiemment le "jacassin" de cette écervelée : dans mon irritation spontanée ou dans mon désir réfléchi de bienveillance envers tous les êtres ? Disons que, dans tous ces cas, je choisis entre deux sincérités, de qualité très inégale, dont l’une consiste à m’abandonner à mes humeurs et l’autre à obéir à ma volonté. En d’autres termes, je suis peut-être moins sincère par rapport à mes émotions, mais je suis plus vrai par rapport à mes devoirs. Je montre moins ce que je suis, mais je me rapproche davantage de ce que je dois être.

Auteur: Thibon Gustave

Info: Dans "L'équilibre et l'harmonie", Librairie Arthème, Fayard, 1976, page 151

[ critique ] [ sentimentalisme ] [ impulsivité ] [ abaissement moral ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

écrivain

Niaiserie de ce que Gide appelle l’acte gratuit. La vraie gratuité, c’est la nécessité, vécue, assumée, épousée intérieurement, et qui fleurit en liberté. Un acte sans but et sans intérêt n’est pas gratuit, il est absurde. Tout l’effort de Gide tend à dissocier dans l’homme sa nature et sa liberté. La nature humaine, avec sa constellation de finalités, est conçue par lui comme une espèce de joug ou de bât imposé du dehors à la liberté. Ceci admis, il ne reste que deux réactions possibles : ou bien accepter passivement cette contrainte extérieure et arbitraire comme un animal bien dressé (et telle est bien au fond la conception gidienne de la morale), ou bien la secouer par l’acte gratuit, à la façon d’un animal révolté qui se blesse en ruant dans les brancards. On passe ainsi à côté du vrai problème, qui consiste à faire coïncider la nature et la liberté.

Auteur: Thibon Gustave

Info: Notre regard qui manque à la lumière, Librairie Arthème Fayard, 1970, page 56

[ critique ] [ impasse ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

manichéisme

Tout ce que le monde appelle mal ou bien, péché ou vertu, mesure ou excès, n’est qu’une effroyable machine à broyer l’innocence. Je sais bien que c’est une nécessité sur cette terre où règnent l’apparence et le relatif et où le mal et le bien s’enchevêtrent jusqu’à se confondre. Le regard pur des enfants, leur âme avide d’un oui ou d’un non absolu pourrissent au spectacle de ce mélange, et sur l’innocence décomposée, germent le choix, le calcul, la demi-mesure, la prudence et le remords – tous ces masques du bien et du mal qui défigurent des visages créés pour le baiser de Dieu. C’est nécessaire, encore une fois, mais je ne m’incline pas devant cette nécessité, je me refuse à faire la part du mensonge, je lui dis non de toutes mes forces et si, dans cet air empoisonné, l’homme ne peut respirer qu’à travers des masques, je préfère étouffer.

Auteur: Thibon Gustave

Info: Notre regard qui manque à la lumière, Librairie Arthème Fayard, 1970, pages 148-149

[ moral ] [ sacré ] [ asphyxie ] [ réductionnisme ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

nouveau testament

Il y a d'autre part dans l'histoire du Christ, ce paradoxe où une Simone Weil pouvait voir la seule preuve ontologique recevable : qu'il ait affirmé sa divinité et que d'autre part il en ait été en quelque sorte dépouillé... De l'homme il a épousé le doute et l'angoisse — jusqu'à l'agonie. Chesterton a un mot qui va très loin : "Notre religion est la vraie, parce qu'elle est la seule où Dieu un moment a été athée... " C'est Le Mont des oliviers, de Vigny — le Père abandonnant le Fils, le Fils doutant du Père... C'est aussi Nerval, et Jean Paul : "Dieu est mort ! le ciel est vide... Pleurez enfants, vous n'avez plus de Père !"

C'est même peut-être Nietzsche : Dieu mort de compassion pour les hommes...

Que Dieu ait été submergé par la détresse humaine, c'est peut-être l'unique espérance qu'il nous reste...

Auteur: Thibon Gustave

Info: Entretiens avec Philippe Barthelet

[ . ]

 
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Ajouté à la BD par Bandini

perte de signification

Tout "tourne rond" dans la machine, mais la machine ne sait pas pourquoi elle tourne. Les travailleurs jouissent d’un bien-être incomparable, et ils ne sont pas heureux parce qu’ils se sentent paradoxalement privés à la fois de l’être, c’est-à-dire de la conscience d’exister réellement et du bien, c’est-à-dire des vertus – un élan, une discipline, un amour – qui, en donnant un sens et un but à la destinée, nourrissent cette conscience.

Un élan, j’entends le goût et l’attachement à l’activité professionnelle. Le travail le mieux rémunéré et le moins pénible reste une charge s’il ne comporte pas cet élément de spontanéité et de gratuité qu’apporte la vocation à ce travail. [...] dans une société normale, il ne devrait pas y avoir de métier sur lequel le travailleur ne projette pas ce désir de se réaliser dans une œuvre extérieure, qui compte parmi les besoins essentiels de l’être humain.

Auteur: Thibon Gustave

Info: Dans "L'équilibre et l'harmonie", Librairie Arthème, Fayard, 1976, page 38

[ aliénation ] [ morcellement ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

superficialité

La nécessité d’un échange vital entre le sujet et l’objet domine notre idée du réalisme… Ce paysan est réaliste parce que sa connaissance, son amour et son travail de la terre procèdent d’un contact intime entre la terre et lui ; cet homme politique est réaliste parce que les lois qui régissent le fait social se reflètent fidèlement dans son esprit ; et les saints sont les plus grands réalistes parce qu’ils sont unis à la réalité suprême. Inversement, nos pensées, nos affections et nos actes sont entachés d’irréalisme lorsqu’ils ne sont pas nourris par un contact suffisant avec leur objet. Ce citadin qui s’enivre d’un "retour à la terre" comme d’une idylle ou d’une féerie, ce politicien qui croit qu’un changement d’institutions suffira à ramener sur terre l’âge d’or, ce faux mystique au rayonnement malsain sont irréalistes parce qu’ils n’ont pas de liens vitaux avec la nature, avec l’homme, ou avec Dieu, et qu’ils substituent leurs rêves à la vérité objective. 

Auteur: Thibon Gustave

Info: L’irréalisme moderne, in Les hommes de l’éternel : Conférences au grand public (1940−1985), éditions Mame, Coll. Raisons d’Être, 2012

[ théorie-pratique ]

 

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Ajouté à la BD par miguel