pouvoir financier

La Chrétienté n’a pas éliminé le Riche, ni enrichi le Pauvre, car elle ne s’est jamais proposé pour but l’abolition du péché originel. Elle eût retardé indéfiniment l’asservissement du monde à l’Argent, maintenu la hiérarchie des grandeurs humaines, maintenu l’Honneur. Grâce à la même loi mystérieuse qui pourvoit d’une fourrure protectrice les races animales transplantées des régions tempérées aux régions polaires, le Riche dans un climat si défavorable à son espèce a fini par acquérir une résistance prodigieuse, une prodigieuse vitalité. Il lui a fallu transformer patiemment du dedans, avec les conditions économiques, les lois, les mœurs, la morale même. Il serait exagéré de prétendre qu’il a provoqué la révolution intellectuelle dont est sortie la science expérimentale, mais dès les premiers succès de cette dernière, il lui a prêté son appui, orienté ses recherches. Il a par exemple, sinon créé, du moins exploité cette foudroyante conquête de l’espace et du temps par la mécanique, conquête qui ne sert réellement que ses entreprises, a fait de l’ancien usurier rivé à son comptoir, le maître anonyme de l’épargne et du travail humain. Sous ces coups furieux, la Chrétienté a péri, l’Église chancelle. Que tenter contre une puissance qui contrôle le Progrès moderne, dont elle a créé le mythe, tient l’humanité sous la menace des guerres, qu’elle est seule capable de financer, de la guerre devenue comme une des formes normales de l’activité économique, soit qu’on la prépare, soit qu’on la fasse ?

Auteur: Bernanos Georges

Info: Les Grands cimetières sous la lune, Librairie Plon, 1938, pages 60-61

[ christianisme ] [ adversaire ] [ technologie ] [ asservissement ]

 

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