abdication

Il y a dans tout homme une énorme capacité de résignation, l’homme est naturellement résigné. C’est d’ailleurs pourquoi il dure. Car vous pensez bien qu’autrement l’animal logicien n’aurait pu supporter d’être le jouet des choses. Voilà des millénaires que le dernier d’entre eux se serait brisé la tête contre les murs de sa caverne, en reniant son âme. Les saints ne se résignent pas, du moins au sens où l’entend le monde. S’ils souffrent en silence les injustices dont s’émeuvent les médiocres, c’est pour mieux retourner contre l’Injustice, contre son visage d’airain, toutes les forces de leur grande âme. Les colères, filles du désespoir, rampent et se tordent comme des vers. La prière est, en somme, la seule révolte qui se tienne debout.

L’homme est naturellement résigné. L’homme moderne plus que les autres en raison de l’extrême solitude où le laisse une société qui ne connaît plus guère entre les êtres que les rapports d’argent. Mais nous aurions tort de croire que cette résignation en fait un animal inoffensif. Elle concentre en lui des poisons qui le rendent disponible le moment venu pour toute espèce de violence.

Auteur: Bernanos Georges

Info: Les Grands cimetières sous la lune, Librairie Plon, 1938, pages 25-26

[ condition humaine ] [ endurance ] [ acceptation ] [ explosif ]

 

Commentaires: 0

Ajouté à la BD par Coli Masson

Commentaires

No comments