[…] l’objet qu’on appelle le nipple en anglais, le "bout de sein", le mamelon prend à terme, dans l’érotisme humain, sa valeur d’ἄγαλμα [agalma], de merveille, d’objet précieux, devenant le support de cette volupté, de ce plaisir d’un mordillement où se perpétue ce que nous pouvons bien appeler une "voracité sublimée" en tant qu’elle prend ce Lust, ce plaisir et aussi bien ces Lüste, ces désirs - vous savez l’équivoque que conserve en lui le terme allemand qui s’exprime dans ce glissement de signification produit du passage du singulier au pluriel - donc son plaisir et ses désirs, sa convoitise, cet objet oral les prend d’ailleurs.
C’est en ça que, par une inversion de l’usage du terme de "sublimation", j’ai le droit de dire qu’ici nous voyons cette déviation quant au but en sens inverse de l’objet d’un besoin. En effet, ce n’est pas de la faim primitive que la valeur érotique de cet objet privilégié prend ici sa substance, l’ÉROS qui l’habite vient nachträglich, par rétroaction, seulement après-coup, et c’est dans la demande orale que s’est creusée la place de ce désir. S’il n’y avait pas la demande, avec l’au-delà d’amour qu’elle projette, il n’y aurait pas cette place en deçà : du désir, qui se constitue autour d’un objet privilégié. La phase orale de la libido sexuelle exige cette place creusée par la demande.
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Info: 22 mars 1961
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