A la question : qu’est-ce que le Maintenant ? répondons donc, par exemple : le Maintenant, c’est la nuit. Un seul et simple essai suffira pour mettre à l’épreuve la vérité de cette certitude sensible. Nous inscrivons cette vérité quelque part ; une vérité ne peut pas perdre quoi que ce soit à être écrite ; et tout aussi peu à être conservée par nous. Et si nous revoyons maintenant, ce midi, la vérité inscrite, nous serons bien obligés de dire qu’elle est devenue vide et sans saveur.
Le Maintenant qui est la nuit est conservé, c’est-à-dire qu’il est traité comme ce pour quoi il est donné, comme quelque chose qui est ; or, il s’avère au contraire comme quelque chose qui n’est pas. Le Maintenant proprement dit se garde certes, mais comme un Maintenant qui n’est pas non plus le jour ; ou tout simplement comme un Maintenant négatif. C’est pourquoi ce Maintenant qui se garde n’est pas un Maintenant immédiat, mais un Maintenant intermédié, car en tant que Maintenant qui demeure et se conserve, il est déterminé par le fait qu’autre chose, savoir, le jour et la nuit, n’est pas. Et cependant, il est encore tout aussi simple qu’auparavant : Maintenant, et indifférent dans cette simplicité à tout ce qui se joue encore conjointement à lui ; de même que la nuit et le jour ne sont pas son être, de même et tout aussi bien, il est jour et il est nuit ; il n’est pas du tout affecté par ce changement d’être qui est le sien. Ce genre de chose simple qui est par négation, qui n’est ni ceci ni cela, ce genre de pas ça auquel il est tout aussi indifférent d’être ceci, aussi bien que cela, nous la disons universelle ; l’univers qui, en fait, est le vrai de la certitude sensible.
Mais nous énonçons nous aussi le sensible comme quelque chose d’universel ; ce que nous disons est : ceci, c’est-à-dire le ceci universel ; ou encore : c’est ; c’est-à-dire l’être, tout simplement. Evidemment, nous ne nous représentons pas, ce disant le ceci universel, ou l’être en général, mais nous énonçons l’universel ; ou encore, tout bonnement, nous ne parlons pas selon l’opinion intime qui est la nôtre dans cette certitude sensible. Mais c’est le langage, nous le voyons, qui est le plus vrai ; en lui, nous réfutons même immédiatement ce qui est notre opinion intime, et comme l’universel est le vrai de la certitude sensible, et que seul le langage exprime ce vrai, il est tout à fait impossible que nous puissions jamais dire un être sensible auquel nous songeons selon notre point de vue intime.
Auteur:
Info: La Phénoménologie de l'esprit, Flammarion, Paris, trad. Jean-Pierre Lefebvre, 2012, pages 131 à 133
Commentaires: 4
Coli Masson
04.11.2025
Disons que c'est ici un moment d'une dialectique, qui mènera à cet Aufhebung plus tard. J'ai relevé son passage pour ce que dit Hegel sur le langage.
miguel
27.10.2025
Heu, c'est comme ça que je le comprends ici. Reste que sa notion d'Aufhebung-sublation est très très intéressante, même si pas abordée ici
Coli Masson
26.10.2025
Ben non, il ne se tape pas la tête contre les murs.