Je ne pourrai jamais enseigner la littérature. Je sais, par expérience, que les choses ne se passent pas du tout comme elles sont relatées dans les livres d'histoire littéraire et les manuels scolaires. Ça c'est une vue de l'esprit, purement académique. L'académisme, ce n'est pas seulement faire des calques de modèles périmés. C'est aussi se calquer sur cette logique de courants, d'écoles, de personnages hors du commun (les phares ou les albatros de Baudelaire) qui " feraient l'histoire ", avec leur cohortes d'avant-garde et d'arrière-garde. Les choses ne se passent jamais ainsi. Elles ne procèdent jamais par générations linéaires arborescentes, avec leurs origines et leurs descendances bien ordonnées, mais par juxtaposition, malentendus, attirances, répulsions, contaminations, ruptures, sauts, glissements, empiètements, trahisons, chevauchements... Par affects, par furor. Les grandes ruptures, les " vraies " ruptures, se produisent en marge. (Sur la notion de marge, ou de lisière, il y a encore beaucoup à réfléchir et à travailler.) A vouloir tout lisser, tout enchaîner, tout expliquer, on brouille tout. L'Histoire de la littérature est un agencement de mots d'ordre. Ça n'a rien à voir avec les faits : j'écris, je peins, je sculpte, je photographie, je filme, etc. L'Histoire littéraire c'est la troisième personne du discours indirect, avec les verbes au passé : il a écrit, elle a peint, ils ont sculpté, elles ont photographié, etc.
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