hommes-femmes

Casanova meurt le 4 juin 1798. "J’ai vécu en philosophe, je meurs en chrétien." Il trouve que le despotisme d’un roi est odieux, mais que celui d’un peuple, "effréné, féroce, indomptable", est pire encore. Usant de la magie comme on se sert d’un instrument pour ouvrir quelque chose (pas des arcanes, des cons), il déteste ceux qui, comme Voltaire, attaquent le catholicisme. Ils s’engueulent un jour et Casanova crie sa conviction : "Le peuple ne peut être heureux qu’écrasé, foulé, et tenu à la chaîne." Même l’antisémitisme n’adhère pas sur lui, ou très peu. Il répète les stéréotypes habituels sur les Juifs, puis ça finit dans un éclat de rire. Aucun intérêt.

Occultisme, donc. Conclusions. Fournir aux femmes l’alibi qu’elles veulent pour accepter de se faire baiser. Equivalent de "l’amour", "don de l’âme", etc. Passion romantique ridiculisée. Qu’est-ce que la passion romantique sinon l’alibi pour baiser, l’idée que les âmes s’étreignent en haut, pendant qu’en bas…

Casanova se transforme en mage pour les avoir. Jupiter se transformait en cygne, n’importe quoi… Manières d’époque de les faire rêver…

On est là dans l’exemplaire vérité du rut.

Le mâle n’est qu’une queue anonyme en érection qui ne recherche que le trou où éjaculer. Cette recherche est contrariée par la façon dont la femme, pour accepter de devenir quelques instants un trou, doit rêver afin d’amortir le choc. Elle le voit en magicien ! Elle se laisse faire. Mage est une façon d’être quelqu’un-pour-la-femme.

La femelle n’est qu’un trou, mais se croit différenciée par la magie. Or Casanova est extrêmement lucide. Il dit cent fois qu’il ne différencie par les femmes. Il croit un jour, dans l’obscurité, coucher avec une fille, c’est une autre qu’il saute. Quelle importance ? Il a eu le même plaisir, dit-il. […] Il est seul, dans cette traversée du monde, ce long voyage touristique, à savoir que l’affaire cul et con se passe entre personne. Comme lui il le sait, il est un Un. L’idée que par la sexualité expérimentée on touche l’indifférenciation (et qu’il faut cette expérience pour savoir ce qu’est l’indifférencié derrière les noms et les prétentions à des psychismes individuants) le fait un jour rêve (VI, 183) d’un monde où on irait nus avec le visage couvert, à l’inverse de notre univers où la diversité (l’individuation, il n’y en a qu’une pour lui, celle des figures) est prétentieusement exhibée et l’anonyme (les corps) caché comme un mystère. Ce qu’on cache, c’est le pareil-que-les-autres. On en fait un secret. Un occulte. Pour camoufler le néant. Les visages sont différents, pas les corps. Si je veux voir le corps nu d’une femme, c’est l’indifférencié vers lequel j’espère un instant à retourner, comme dans le mouvement de la pulsion de mort.

Auteur: Muray Philippe

Info: Ultima Necat, tome 1, Les Belles Lettres, 2015, 7 janvier 1984

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Commentaires: 2

Ajouté à la BD par Coli Masson

Commentaires

miguel, filsdelapensee@bluewin.ch
2025-10-12 05:27
séduction :-)
Coli Masson, colimasson@live.fr
2025-10-12 16:37
oui évidemment!