Le monde occidental […] n’a comme langue que l’hébreu dans lequel est formulé ce qu’il doit bien reconnaître comme sa tradition, le latin ou le grec ne servant qu’à la liturgie ou au rituel. C’est-à-dire que l’Eglise et les chrétiens n’ont de sacré qu’en traduction, n’entendent la révélation de la violence et du sacrifice qu’à travers cette opération qu’on nomme version. Leur religion ne s’épanouit pas dans leur "langue maternelle". Le christianisme, c’est la fatalité de la métalangue. Qu’une des origines de l’antisémitisme chrétien vienne de là, de cette impossibilité à parler la langue-père, cet hébreu qui semble porter le grouillement des victimes passées ou à venir dans ses voyelles absentes ou transformées en filigrane, semble assez clair. L’Ancien Testament n’existe pour les chrétiens qu’en grec ou latin, Septante ou Vulgate. Quant au Nouveau Testament, il n’est, on le sait, jamais passé par l’hébreu. Ce qui, au passage, en montre la force singulière, d’être, malgré la privation de ses racines sacrées, le texte qui continue à révéler à travers les siècles la réalité des origines meurtrières de la civilisation.
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Info: Ultima Necat, tome 1, Les Belles Lettres, 2015, Bloy, l’homme au secret, 1er septembre
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