sécularisation

Dieu n’est pas la dernière chance des dernières années de notre fin de siècle. Son "retour" n’existe que dans l’imagination intéressée des imbéciles et des canailles. Quant à ceux qui croient qu’ils vont illuminer notre crépuscule avec leurs expériences contemplatives, on leur souhaite bien du plaisir : parler de l’hypothèse-Dieu dans le silence stupéfait, hagard, de l’époque, permet surtout de mesurer la fabuleuse et sans doute définitive victoire du rationalisme. Qui peut encore espérer entendre un jour l’écho d’un monde en excès sur celui-ci, quand la réfutation du discours "religieux" est devenue comme notre seconde soupe originelle. La cause est donc entendue.

Ce qui entraîne aussi qu’il n’y a plus aucune parole pour dire l’horreur de l’indicible, pour crier le silence et l’impossible. Il n’y a plus rien pour dire, au-delà de ce qui peut être dit. D’où la solitude, plus atroce que jamais, de chacun de tous face à sa nuit. La langue qui disait le cauchemar, la folie, a cédé sous les assauts de la raison, mais le cauchemar est toujours là, régnant dans les dehors du monde que ne peut visiter aucun discours rationalisant. Le cauchemar a donc gagné, en retrouvant son territoire nettoyé de la parole qui le combattait. Rien d’étonnant à ce que la littérature soit en chute libre. Elle aussi, naguère, affrontait l’horreur sans nom. 

Auteur: Muray Philippe

Info: Ultima Necat, tome 1, Les Belles Lettres, 2015, 31 décembre 1978

[ triomphe ] [ conséquences ] [ perte symbolique ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

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