beaux-arts

il m'écouta avec cette attention, cette gravité enfantine qui commençaient à me serrer le cœur avant de conclure que si l'action était dotée d'une vraie puissance elle n'avait pourtant aucune dimension poétique ni artistique, dans la mesure où Lutte ouvrière était avant tout un parti, une machine idéologique, et que l'art était toujours cosa individuale ; même lorsqu'il était protestation, il n'avait de valeur que s'il était protestation solitaire. Il s'excusa de son dogmatisme, sourit tristement, me proposa: " On va voir ce que je fais? C'est en bas… Je crois que ce sera plus concret après." Je me levai du fauteuil, le suivis jusqu'à l'escalier qui ouvrait dans le couloir de l'entrée. " En abattant les cloisons, ça m'a donné un sous-sol de vingt mètres de côté; quatre cents mètres carrés, c'est bien pour ce que je fais en ce moment…" poursuivit-il d'une voix incertaine. Je me sentais de plus en plus mal à l’aise : on m’avait souvent parlé show-business, plan médias, microsociologie aussi ; mais art, jamais, et j’étais gagné par le pressentiment d’une chose nouvelle, dangereuse, mortelle, probablement ; d’un domaine où il n’y avait – un peu comme dans l’amour – à peu près rien à gagner, et presque tout à perdre.

Auteur: Houellebecq Michel

Info: La possibilité d'une île, 2007, page 150

[ incontrôlable ] [ déstabilisant ] [ danger ] [ découverte ] [ subversion ]

 

Commentaires: 3

Ajouté à la BD par Coli Masson

Commentaires

miguel, filsdelapensee@bluewin.ch
2025-09-01 11:15
Il manque le contexte, pour mon entendement imparfait en tout cas
miguel, filsdelapensee@bluewin.ch
2025-09-01 12:07
Il faudrait ça "il m'écouta avec cette attention, cette gravité enfantine qui commençaient à me serrer le cœur avant de conclure que si l'action était dotée d'une vraie puissance elle n'avait pourtant aucune dimension poétique ni artistique, dans la mesure où Lutte ouvrière était avant tout un parti, une machine idéologique, et que l'art était toujours cosa individuelle ; même lorsqu'il était protestation, il n'avait de valeur que s'il était protestation solitaire. Il s'excusa de son dogmatisme, sourit tristement, me proposa: " On va voir ce que je fais? C'est en bas… Je crois que ce sera plus concret après." Je me levai du fauteuil, le suivis jusqu'à l'escalier qui ouvrait dans le couloir de l'entrée. " En abattant les cloisons, ça m'a donné un sous-sol de vingt mètres de côté; quatre cents mètres carrés, c'est bien pour ce que je fais en ce moment…" poursuivit-il d'une voix incertaine. Je me sentais de plus en plus mal à l'aise: on m'avait souvent parlé show-business, plan médias, microsociologie aussi; mais art, jamais, et j'étais gagné par le pressentiment d'une chose nouvelle, dangereuse, mortelle probablement; d'un domaine où il n'y avait – un peu comme dans l'amour – à peu près rien à gagner, et presque tout à perdre." étiquettes : beaux-arts, égocentrisme, découverte, danger
Coli Masson, colimasson@live.fr
2025-09-02 15:48
Tu as ressorti le livre de ta bibliothèque ? Ok j'ai rajouté la citasse in extenso + tes étiquettes sauf égocentrisme que je trouve assez inappropriée dans le sens où le geste solitaire n'est pas forcément égocentrisme (on revient à nouveau au concept d'universel).