Ensuite, je l’entrepris alors sur un sujet qui, depuis le début, me préoccupait : la promesse d’immortalité faite aux élohimites. Je savais que, sur chaque adepte, quelques cellules de peau étaient prélevées, et que la technologie moderne permettait une conservation illimitée ; je n’avais aucun doute sur le fait que les difficultés mineures empêchant actuellement le clonage humain seraient tôt ou tard levées ; mais la personnalité ? Comment le nouveau clone aurait-il, si peu que ce soit, le souvenir du passé de son ancêtre ? Et en quoi, si la mémoire n’était pas conservée, aurait-il le sentiment d’être le même, réincarné ?
[…]
"Des résultats intéressants ont été obtenus chez certains némathelminthes, commença-t-il, par simple centrifugation des neurones impliqués et injection de l’isolat protéique dans le cerveau du nouveau sujet : on obtient une reconduction des réactions d’évitement, en particulier celles liées aux chocs électriques, et même du trajet dans certains labyrinthes simples.
[…] Ces résultats, évidemment, ne sont pas transposables aux vertébrés, et encore moins aux primates évolués tels que l’homme. Je suppose que vous vous rappelez ce que j’ai dit le premier jour du stage concernant les circuits de neurone… Eh bien la reproduction d’un tel dispositif est envisageable, non pas dans les ordinateurs tels que nous les connaissons, mais dans un certain type de machines de Turing, qu’on pourrait appeler les automates à câblage flou, sur lesquels je travaille en ce moment. Contrairement aux calculateurs classiques, les automates à câblage flou sont capables d’établir des connexions variables, évolutives, entre unités de calcul adjacentes ; ils sont donc capables de mémorisation et d’apprentissage. Il n’y a pas de limite a priori au nombre d’unités de calcul pouvant être mises en relation, et donc à la complexité des circuits envisageables. La difficulté à ce stade, et elle est considérable, consiste à établir une relation bijective entre les neurones d’un cerveau humain, pris dans les quelques minutes suivant son décès, et la mémoire d’un automate non programmé. La durée de vie de ce dernier étant à peu près illimitée, l’étape suivante consiste à réinjecter l’information dans le sens inverse, vers le cerveau du nouveau clone ; c’est la phase du downloading, qui, j’en suis persuadé, ne présentera aucune difficulté particulière une fois que l’uploading sera mis au point."
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Info: La possibilité d'une île, 2007, pages 130-131
Commentaires: 5
miguel
04.09.2025
il est plus connu comme écrivain. Guitariste classique donc
Coli Masson
04.09.2025
Il peut nous rendre immortels par ses chansons ?
miguel
03.09.2025
un écrivain guitariste :-)