consumérisme

Lors des premières phases de mon ascension vers la gloire et la fortune, j'avais occasionnellement goûté aux joies de la consommation, par lesquelles notre époque se montre si supérieure à celles qui l'ont précédée. On pouvait ergoter à l'infini pour savoir si les hommes étaient ou non plus heureux dans les siècles passés ; on pouvait commenter la disparition des cultes, la difficulté du sentiment amoureux, discuter leurs inconvénients, leurs avantages ; évoquer l'apparition de la démocratie, la perte du sens du sacré, l'effritement du lien social. Je ne m'en étais d'ailleurs pas privé, dans bien des sketches, quoique sur un mode humoristique. On pouvait remettre en cause le progrès scientifique et technologique, avoir l'impression par exemple que l'amélioration des techniques médicales se payait par un contrôle social accru et une diminution globale de la joie de vivre. Reste que sur le plan de la consommation, la précellence du XXe siècle était indiscutable : rien, dans aucune autre civilisation, à aucune autre époque, ne pouvait se comparer à la perfection mobile d'un centre commercial contemporain fonctionnant à plein régime. J'avais ainsi consommé avec joie, des chaussures principalement ; puis peu à peu je m'étais lassé, et j'avais compris que ma vie, sans ce soutien quotidien de plaisirs à la fois élémentaires et renouvelés, allait cesser d'être simple...

Auteur: Houellebecq Michel

Info: La possibilité d'une île, 2007, pages 29-30

[ point fort ] [ shopping ] [ modernité ]

 

Commentaires: 3

Ajouté à la BD par Coli Masson

Commentaires

miguel, filsdelapensee@bluewin.ch
2025-08-31 07:28
consumérisme s'impose je pense... exutoire ?
Coli Masson, colimasson@live.fr
2025-08-31 17:23
Oui consumérisme évidemment.
Exutoire, ça commence déjà à devenir une interprétation. Rien même ne semble dire ça. ça ne semble même pas avoir de fonction bien précise.
miguel, filsdelapensee@bluewin.ch
2025-09-01 07:24
ok