métaphysique de l'être

[…] l’être créé tend vers la ressemblance divine du fait seul qu’il opère, et comme il ne peut opérer sans causer, il tend à ressembler à Dieu par là même qu’il est cause de ses actes, mais plus encore en ce qu’il est cause d’autres êtres. La doctrine découvre ici l’ensemble de son économie : un Dieu qui est le pur acte d’être ; à qui, comme effets d’un tel Dieu, il convient éminemment de causer à leur tour d’autres êtres. Le Dieu chrétien n’est pas un créateur qui crée des créateurs, mais il est un créateur qui crée des causes efficientes.

Toutes les difficultés accumulées par les philosophies modernes, et même déjà par certaines philosophies et théologies médiévales, autour de la notion de cause efficiente, ont ici leur origine. Depuis Saint Augustin et Saint Bonaventure jusqu’à Malebranche et sa nombreuse école, on observe chez beaucoup de maîtres chrétiens une certaine méfiance à l’égard de cette notion. Il n’y a pas de conception de l’efficience qui n’y voie, en un certain sens, une causalité de l’être. Or, causer l’être de l’effet, n’est-ce pas dangereusement semblable à ce que ce serait que de le créer ? De là les palliatifs imaginés par certains philosophes et théologiens pour éviter d’attribuer à la créature le mode de causalité propre au Créateur. Les "raisons séminales" d’Augustin et de Bonaventure, les "causes occasionnelles" de Malebranche, autant de doctrines destinées à sauver les apparences d’une causalité efficiente démunie d’efficience proprement dite. Mais Hume ne s’y est pas trompé et le scepticisme qu’on lui reproche, d’ailleurs à bon droit, témoignait chez lui d’un certain sens du mystère qui fait parfois défaut à ses adversaires. Car ils ont raison de maintenir contre lui la réalité et la certitude de la relation de cause efficiente à effet causé, mais ils se trompent s’ils espèrent la réduire à une relation purement analytique de principe à conséquence. Dans un univers où le prototype de l’efficace causale est un acte créateur, la notion de cause efficiente reste enveloppée d’une zone de mystère, car elle-même n’est pas un mystère, mais elle est l’analogue de l’acte mystérieux entre tous par lequel Qui Est a librement causé des êtres. 

Auteur: Gilson Etienne

Info: Introduction à la philosophie chrétienne, Vrin, 2011, pages 195-196

[ précautions ] [ prudence ] [ analogie ]

 

Commentaires: 0

Ajouté à la BD par Coli Masson

Commentaires

No comments