On voit représentés dans la gravure sur cuivre d'Albrecht Dürer datée de 1514 et intitulée Melencolia, différents symboles, attributs et emblèmes relatifs à l'industrie d'une part, puis à la réflexion d'autre part, développées par homo sapiens sapiens depuis quelques millénaires: à terre, pour bien signaler la matérialité et l'inscription dans l'immanence du monde de la technè humaine, burette, clous, latte, scie, rabot, tenailles, gabarit, marteau, creuset; puis, un degré au dessus, s'élevant dans l'espace en prenant toutefois appui sur le sol, une sphère, une roue qui s’avère être une meule hors de fonction, et un polyèdre complexe à huit faces exhaussé sur une marche, entre lesquels se love dans une douloureuse contorsion un chien de chasse famélique et abattu. Pourquoi donc, famélique et abattu? Parce qu'il n'a manifestement pas atteint la complétude de sa nature, qui est de chasser et d'atteindre sa proie, pour s'en nourrir, au moins partiellement. Je reviendrai plus bas sur ce que désigne plus profondément la présence de ce chien en cet endroit. Un encensoir éteint placé entre la sphère et le chien, respectivement symboles de perfection et de fidélité, assume par sa dissonance sémiotique au sein de tous les outils jonchant le sol une dimension indicielle que l'ensemble de la gravure viendra confirmer. L'ange songeur et amer, couronné mais déchu, aux ailes inutiles et repliées, portant au côté gauche une manière de châtelaine de cuir à laquelle sont suspendues six clefs et trois bourses, appuie son avant bras droit sur un livre refermé et tient en sa main droite un compas, instrument de mesure par excellence, avant même d'être destiné à tracer des cercles. Cet ange est lourdement assis, plus bas que ses genoux, contre une sorte de gros pilastre, architecture apparemment sans destination, auquel sont suspendus une balance, un sablier surmonté d’un cadran solaire, une cloche, qu'une main invisible placée hors cadre viendra tôt ou tard ébranler: celle de la mort, assurément, qui viendra sonner la fin de cette acédie sans issue. La mort, précisément figurée ici sous la forme d'un crane se devinant dans l'anamorphose d'un apparent défaut de texturation affectant la face la plus frontale du polyèdre [...].
Un putto que son innocence et son immaturité rendent inconscient de ce qui se passe continue à consigner en silence sur une tablette de cire on ne sait quels résultats ou réflexions, déjà obsolètes sans qu'il en ait encore pris conscience - ses ailes même, ridiculement atrophiées et hors de proportion par rapport à celles de son aîné, n'ont plus que la fonction décorative d'un organe inutile et sans finalité. Et l'échelle de bois, dérisoirement appliquée au revers du pilastre, laisse entendre que son ascension ne débouchera que sur la matérialité stérile, faisant boucle avec elle-même, d'une paroi sans issue. Nihil prodest: il n'y a manifestement pas même la place pour un belvédère, là-haut, et on est fondé à penser que cette échelle est simplement appuyée à cet élément d'architecture, lui-même également inutile et sans finalité. Dans le pilastre se trouve gravé, à peu près au dessus des ailes de l'ange un carré magique gnomonique, dont la somme de chaque cadrant, ainsi que celle des quatre nombres du milieu, est égale à 34; de plus, toute paire de nombres placés de façon symétrique par rapport au centre du carré donne pour somme 17, soit la moitié de 34, ce qui non seulement renforce la cohésion de ce carré magique, mais également sa signification.
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Info: Une proposition pour l'autisme
Commentaires: 1
miguel
23.08.2025
J'ai linké l'image