Comment, demande-t-on, une cause peut-elle produire un effet sans produire l’être de cet effet ? Il est vrai, mais tout dépend du niveau métaphysique où l’on pose la question. Saint Thomas est bien loin de nier que les étants ne soient capables de produire d’autres étants ; tout au contraire, nul n’a affirmé plus vigoureusement que lui l’efficace propre des causes secondes, mais il a non moins fermement refusé d’accorder à ces causes le pouvoir de produire l’être même (esse) de leurs effets. Toutes les causes autres que Dieu sont des causes instrumentales, dont l’être (esse) est un être reçu de la cause première, et dont l’efficace causale s’exerce sur des matières dont l’être (esse) leur est pareillement fourni par cette première cause. En d’autres termes, la causalité des causes présuppose leur être, dont Dieu seul est cause, de même que leurs effets présupposent, pour être produits, que leur matière, leur forme, tous les éléments inclus dans leur structure ontologique, aient été créés par Dieu et soient conservés par lui. On pourrait dire, en un langage strictement thomiste (auquel d’ailleurs Saint Thomas lui-même ne s’astreint pas toujours) que la cause seconde cause tout de l’étant (ens) sauf son être (esse). Ou encore, et ce semble être la formule préférée de Saint Thomas, la cause seconde ne cause pas l’être, mais l’être-tel et l’être-ceci.
Auteur:
Info: Introduction à la philosophie chrétienne, Vrin, 2011, pages 150-151
Commentaires: 1
miguel
22.08.2025
ouverture ?