Il est impossible que l’œuvre écrite n’offre à tout instant pas de quoi l’interpréter au sens psychanalytique, mais s’y prêter si peu
que ce soit est là supposer l’acte d’un faussaire puisque tant qu’elle est écrite, elle n’imite pas l’effet de l’inconscient. Elle en pose l’équivalent, pas moins réel que lui de le forger dans sa courbure. Et pour l’œuvre, est aussi faussaire celui qui la fabrique, de l’acte même de la comprendre en train de se faire, tel Valéry à l’adresse des nouveaux cultivés de l’entre deux guerres. Traiter le symptôme comme un palimpseste, c’est dans la psychanalyse une condition d’efficacité. Mais ceci ne dit pas que le signifiant qui manque pour donner le trait de vérité ait été effacé puisque nous partons, quand nous savons ce que dit Freud, de ce qu’il a été refoulé et que c’est là le point d’appel du flux inépuisable de significations qui se précipite dans le trou qu’il produit. Interpréter consiste certes, ce trou, à le clore, mais l’interprétation n’a pas plus à être vraie que fausse : elle a à être juste, ce qui en dernier
ressort va à tarir cet appel de sens contre l’apparence où il semble fouetté au contraire. Je l’ai dit tout à l’heure : l’œuvre littéraire réussit ou échoue, mais ce n’est pas à imiter les effets de la structure. Elle n’existe que dans la courbure qui est celle même de la structure. Ce
n’est pas une analogie, la courbure en question n’est pas plus une métaphore de la structure que la structure n’est la métaphore de la réalité de l’inconscient. Elle en est le réel, et c’est en ce sens que l’œuvre n’imite rien. Elle est, en tant que fiction, structure véridique.
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Info: Entretien à la RTB III publiée en 1982 dans Quarto n° 7 pages 7-11
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