[…] l’impossibilité où nous sommes de nous représenter l’être de Dieu tient précisément à notre mode proprement humain de connaître par concepts quiddatifs abstraits de l’expérience sensible. Que l’on nous refuse tout concept quiddatif d’un objet, il semble qu’on nous refuse l’objet lui-même ; l’entendement entre alors en révolte et revendique ses droits.
Le reproche d’agnosticisme parfois dirigé contre cette partie de la théologie thomiste n’a pas d’autre origine. Saint Thomas [d'Aquin] connaissait la difficulté pour l’avoir éprouvée lui-même, car il était homme comme nous, et l’homme ne pense pas sans images, ce qu’on le somme précisément de faire en exigeant qu’il affirme l’être de Dieu sans aucunement imaginer ce que Dieu est. Mais, précisément, tout être imaginable est un acte d’être limité par une essence, au lieu que l’être pur de Qui Est n’est limité par aucune détermination. […] Cet être totalement indéterminé par aucune essence n’est donc aucunement imaginable ni représentable pour un entendement dont la fonction naturelle et propre est de définir tous ses objets par leurs essences, ou quiddités.
Auteur:
Info: Introduction à la philosophie chrétienne, Vrin, 2011, pages 81-82
Commentaires: 0