Il ne faut pas penser non plus que l’inspiration d’un peuple est un mystère réservé à Dieu seul, et qui par suite échappe à toute méthode. Le degré suprême et parfait de la contemplation mystique est chose infiniment plus mystérieuse encore, et pourtant saint Jean de la Croix a écrit sur la manière d’y parvenir des traités qui, par la précision scientifique, l’emportent de loin sur tout ce qu’ont écrit les psychologues ou pédagogues de notre époque. S’il a cru devoir le faire, il avait raison sans doute, car il était compétent ; la beauté de son œuvre est une marque suffisamment évidente d’authenticité. À vrai dire, depuis une antiquité indéterminée, bien antérieure au christianisme, jusqu’à la deuxième moitié de la Renaissance, il a toujours été universellement reconnu qu’il y a une méthode dans les choses spirituelles et dans tout ce qui a rapport au bien de l’âme. L’emprise de plus en plus méthodique que les hommes exercent sur la matière depuis le XVIe siècle leur a fait croire, par contraste, que les choses de l’âme sont ou bien arbitraires, ou bien livrées à une magie, à l’efficacité immédiate des intentions et des mots.
Il n’en est pas ainsi. Tout dans la création est soumis à la méthode, y compris les points d’intersection entre ce monde et l’autre. C’est ce qu’indique le mot Logos, qui veut dire relation plus encore que parole. La méthode est seulement autre quand le domaine est autre. À mesure qu’on s’élève, elle s’accroît en rigueur et en précision. Il serait bien étrange que l’ordre des choses matérielles, reflétât davantage de sagesse divine que l’ordre des choses de l’âme. Le contraire est vrai.
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Info: L'enracinement, Editions Gallimard, 1949, pages 238-239
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