concept

Ce qu’elle [Diotime] introduit est ceci, que ce "Beau" a rapport avec ceci qui concerne non pas l’avoir, non pas quoi que ce soit qui puisse être possédé, mais "l’être", et l’être à proprement parler en tant qu’il est celui de "l’être mortel". Le propre de ce qui est de l’être mortel est qu’il se perpétue par la génération. [207d] Génération et destruction, telle est l’alternance qui régit le domaine du périssable, telle est aussi la marque qui en fait un ordre de réalité inférieur, du moins est-ce ainsi que cela s’ordonne dans toute la perspective qui se déroule dans la lignée socratique, aussi bien chez SOCRATE que chez PLATON. Cette alternance, génération et corruption, est là ce qui frappe dans le domaine même de l’humain, c’est ce qui fait qu’il trouve sa règle éminente ailleurs, plus haut, là où justement ni la génération ni la corruption ne frappent les essences, dans les formes éternelles auxquelles seulement la participation assure ce qui existe dans son fondement d’être.

Le "Beau" donc, dit DIOTIME, c’est ce qui en somme dans ce mouvement de la génération en tant, dit-elle : que c’est le mode sous lequel le mortel se reproduit, que c’est seulement par là qu’il approche du permanent, de l’éternel, que c’est son mode de participation fragile à l’éternel, le "Beau" est à proprement parler ce qui dans ce passage, dans cette participation éloignée, est ce qui l’aide, si l’on peut dire, à franchir les caps difficiles. Le "Beau", c’est le mode d’une sorte d’accouchement, non pas sans douleur mais avec la moindre douleur possible, cette pénible menée de tout ce qui est mortel vers ce à quoi il aspire, c’est-à-dire l’immortalité.

Tout le discours de DIOTIME articule proprement cette fonction de la Beauté comme étant d’abord - c’est proprement ainsi qu’elle l’introduit - une illusion, un mirage fondamental par quoi l’être périssable, fragile, est soutenu dans sa relation, dans sa quête de cette pérennité qui est son aspiration essentielle.

[…]

Dans cette référence première au problème de la mort, dans cette fonction qui est accusée de ce "mirage du Beau" comme étant ce qui guide le sujet dans son rapport avec la mort, en tant qu’il est à la fois distancé et dirigé par l’immortel, il n’est pas possible de ne pas faire le rapprochement avec ce que l’année dernière, j’ai essayé de définir, d’approcher, concernant cette fonction du "Beau" dans cet effet de défense dans lequel il intervient, de barrière à l’extrême de cette zone que j’ai définie comme celle de l’entre-deux-morts.

Ce que le "Beau" en somme nous parait - dans le discours même de DIOTIME - destiné à couvrir, c’est que s’il y a deux désirs, chez l’homme, qui le captent dans ce rapport à l’éternité... – avec la génération d’une part, – la corruption et la destruction de l’autre, ...c’est le désir de mort en tant qu’inapprochable, que le Beau est destiné à voiler. La chose est claire dans le début du discours de DIOTIME.

Auteur: Lacan Jacques

Info: 25 janvier 1961

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Commentaires: 5

Ajouté à la BD par Coli Masson

Commentaires

miguel, filsdelapensee@bluewin.ch
2025-08-05 07:30
reproduction, mort différée ?
Coli Masson, colimasson@live.fr
2025-08-06 10:29
Ok pour reproduction.
Mort est déjà présent 10 fois dans le texte. Est-ce vraiment utile d'ajouter "différée" ?
miguel, filsdelapensee@bluewin.ch
2025-08-07 22:29
Sans "mort" à côté, non
Coli Masson, colimasson@live.fr
2025-08-09 16:05
je rajoute différée alors.
miguel, filsdelapensee@bluewin.ch
2025-08-09 16:12
ok