mouvements politiques

À gauche, c’est-à-dire surtout chez les ouvriers et chez les intellectuels qui penchent de leur côté, il y a deux courants tout à fait distincts, quoique parfois, mais non pas toujours, les deux courants coexistent dans le même être. L’un est le courant issu de la tradition ouvrière française, qui remonte visiblement au XVIII siècle, quand tant d’ouvriers lisaient Jean-Jacques [Rousseau], mais qui peut-être remonte souterrainement jusqu’aux premiers mouvements d’affranchissement des communes. Ceux que ce courant seul entraîne se vouent entièrement à la pensée de la justice. Malheureusement, aujourd’hui, le cas est assez rare parmi les ouvriers et extrêmement rare parmi les intellectuels.

Il y a des gens de cette espèce dans tous les milieux dits de gauche, chrétiens, syndicalistes, anarchistes, socialistes ; et notamment il y en a parmi les ouvriers communistes, car la propagande communiste parle beaucoup de la justice. En cela elle suit les enseignements de Lénine et de Marx, si étrange que cela puisse paraître à ceux qui n’ont pas pénétré les replis de la doctrine.

Ces hommes sont tous profondément internationalistes en temps de paix, parce qu’ils savent que la justice n’a pas de nationalité. Ils le sont souvent au cours d’une guerre tant qu’il n’y a pas de défaite. Mais l’écrasement de la patrie fait aussitôt surgir au plus profond de leur cœur un patriotisme parfaitement solide et pur. Ceux-là seront réconciliés d’une manière permanente avec la patrie si on leur propose la conception d’un patriotisme subordonné à la justice.

L’autre courant est une réplique à l’attitude bourgeoise. Le marxisme, en offrant aux ouvriers la certitude prétendue scientifique qu’ils seront bientôt les maîtres souverains du globe terrestre, a suscité un impérialisme ouvrier très semblable aux impérialismes nationaux.

Auteur: Weil Simone

Info: L'enracinement, Editions Gallimard, 1949, pages 193-194

[ socialisme ] [ historique ] [ caractéristiques ] [ différences ]

 

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