La mer se retire, après avoir secoué la nuit de son ressac. Pendant des heures, elle a lancé une vague après l’autre contre la digue, fait mousser ses bouillons et trembler la pierre. Elle a déposé en partant ses algues, ses coquillages, ses fragments de plastique, ses bouts de bois. Elle a raconté son éternelle histoire aux éternels insomniaques, pendant que les dormeurs se laissaient bercer par sa cadence familière, quand bien même les sifflements du vent et la puissance des masses d’eau qui ravinaient le sable ébranlaient le Sillon sur toute son étendue. La mer a joué à l’archéologue et à l’explorateur, elle a absous la plage des stigmates de ceux qui l’avaient foulée, effacé leurs traces – chaussures de sport, pieds d’enfant, pattes de chien – pour en inventer d’autres, plus fondamentales : nappes lisses, vallons de gravier fin, cartographie mystérieuse de ruisseaux, d’ondes et de plis que l’œil s’épuise à parcourir. Elle a par endroits mêlé les algues, les galets, à la douceur élastique du sable ; elle a redessiné les flaques et fabriqué des miroirs d’eau, pour reconfigurer un paysage à jamais semblable et toujours différent.
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Info: Cézembre, Incipit
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